Nov 152010
 

Retour sur un accord militaire qui aggrave l’alignement de la France sur les Etats-Unis via l’Otan.

Le 2 novembre dernier, Nicolas Sarkozy et le Premier ministre britannique, David Cameron, ont signé deux traités de coopération militaire, comprenant un volet nucléaire, une première entre les deux pays, prévoyant l’édification d’une installation commune à Valduc (Côte-d’Or), sur le site de recherche du Commissariat à l’énergie atomique. Les médias en ont peu parlé, préférant entretenir le feuilleton du non-événement que constitue le remaniement, François Fillon succédant finalement à Fillon François pour mener la même politique avec quasiment les mêmes hommes et femmes. Cet accord militaire est pourtant loin d’être anodin : « Nicolas Sarkozy a insisté sur le caractère exceptionnel de cet accord : «C’est une décision sans précédent qui montre le degré de confiance qui règne entre nos deux nations, inégalé dans l’histoire». C’est exact ! Et c’est bien le problème, écrit sur son blog Jean-Luc Mélenchon. Sans aucun débat public préalable en France, ni consultation du Parlement, qui devra cependant ratifier certains volets de cet accord, le président de la République vient d’engager la France dans une coopération militaire extrêmement poussée avec le Royaume-Uni. » L’eurodéputé touche juste : aucun débat public n’a effectivement eu lieu, mais l’on n’en sera pas surpris de la part de Sarkozy, pour qui gouverner démocratiquement signifie, à partir du moment où il est élu, faire tout ce qu’il veut en organisant un simulacre de concertation, dans le meilleur des cas, où sa décision est de toute façon prise d’avance, et dans le pire des cas, comme ici, sans ne rien demander du tout à personne. « Il y a un silence total sur un point, note Mélenchon. Aucune référence a une quelconque politique mondiale de désarmement ni à l’objectif de réduction des arsenaux nucléaires. L’intention n’est clairement pas d’aller dans ce sens. » Faut-il continuer l’escalade de l’armement nucléaire ? Ce sujet ne regarde pas les Français puisque leur président décide en leur nom sans leur demander leur avis.

Mais que reproche donc en l’espèce à cet accord franco-britannique le président du Parti de gauche ? « Au fil des jours une politique se confirme, dans l’indifférence générale. Car après la décision de rejoindre le commandement intégré de l’Otan en 2008, ce nouveau bond en avant vers les anglo-saxons aggrave l’alignement de la France sur l’appareil militaire de l’Empire états-unien. Le Royaume-Uni est le passe-plat du système nord-américain. Au cas présent il s’agit d’une victoire britannique. Car cet accord est largement contradictoire avec les engagements souscrits par ailleurs en faveur de «l’Europe de la Défense». Une illusion plus que jamais sans effet achève de mourir. La France des droites qui vont se gargariser cette semaine avec la mémoire du général de Gaulle est en train de tourner la page de l’indépendance militaire «tous azimuts» qu’il avait constituée. Je ne suis pas d’accord du tout avec cette nouvelle doctrine de fait d’une défense franco-anglaise, c’est-à-dire à mes yeux franco-américaine, intégrée. (…) Cet accord est aussi un mauvais coup pour le mythe de l’Europe de la défense. Les textes de l’accord n’abordent presque pas l’Europe de la défense et, à la demande des Britanniques, les différents axes de coopération sont exclusifs. Ils ne sont pas ouverts à d’autres pays membres de l’UE. » Mélenchon enfonce le clou un peu plus loin : « cet accord est surtout une très bonne nouvelle pour l’Otan. Donc mauvaise pour la France. En effet, l’accord ne se contente pas de manifester son attachement à l’Otan. Il plaide pour que ses missions soient renforcées et son périmètre élargi. L’accord soutient également le dangereux projet de «défense antimissiles des territoires» impulsé par les USA. »

Rappelons ce que disait l’ancien ministre des Affaires étrangères du gouvernement Jospin, Hubert Védrine, de la réintégration de la France au sein de l’Otan : « on met également en avant l’européanisation de l’Alliance qui découlerait de l’obtention de postes importants pour des Français dans la hiérarchie de l’Otan(…). On parle pour la France de commandements de moyenne importance à Norfolk et à Lisbonne. Mais de toute façon est-ce que la nationalité des officiers qui reçoivent et transmettent les instructions du Pentagone a de l’importance, sans changement radical des modes de décision au sein de l’Alliance, ce que rien ne permet d’espérer, même aujourd’hui ? Ce n’est pas parce que cette réintégration, conçue sous Georges Bush, prendrait effet sous le charismatique Obama, que les réalités transatlantiques disparaîtraient. L’administration américaine actuelle est plus aimable, mais a-t-elle une autre conception de l’Alliance ? Rien ne l’indique. » Et de fait, lorsqu’un changement se produisit au sommet de la hiérarchie des forces de l’Otan en Afghanistan, en juin dernier, la décision vint évidemment du président américain seul, sans sollicitation d’un quelconque avis français. Si évident que Le Monde titrait alors Obama remplace McChrystal en Afghanistan par le général Petraeus, sans même relever dans l’article la non-consultation des autorités françaises, tellement elle eût été improbable.

Pire : « Le général britannique Nick Parker assumera les fonctions de chef par intérim des forces de l‘Otan en Afghanistan, à la suite de la révocation du général McChrystal, a annoncé mercredi 23 juin Downing Street, précisait le quotidien. (…) Le premier ministre britannique, David Cameron, et Barack Obama « se sont mis d’accord sur le fait que le général Petraeus », qui devrait occuper à terme ces fonctions, « était la bonne personne pour prendre le commandement » des quelque 140 000 soldats de l’Otan en Afghanistan, a ajouté un porte-parole du Premier ministre britannique dans un communiqué. » Donc non seulement on ne consulte pas la France, mais on se soucie par contre d’afficher l’assentiment officiel des… Anglais, les mêmes avec qui nous sommes désormais étroitement liés par les traités du 2 novembre. Oubliées les grotesques promesses de Sarkozy d’une influence accrue de notre pays : au sein de l’Otan, nous sommes sous les ordres américains, point. Alignement confirmé par cet accord avec les Anglais, caniches de Washington depuis toujours. Quelques jours après la célébration du 40e anniversaire de sa mort, le général de Gaulle, dont Sarkozy l’imposteur prétend inspirer son action, doit se retourner dans sa tombe.

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  8 commentaires à “Accord franco-britannique : comment Sarkozy brade l’indépendance nationale”

  1. […] This post was mentioned on Twitter by Olivier Bonnet and Céleste, Martine Bertrand. Martine Bertrand said: RT @OlivierBonnet: Accord franco-britannique: comment Sarkozy brade l’indépendance nationale http://alturl.com/m3eey L'alignement sur le … […]

  2. Le but jamais avoué de Sarkozy, instrument des capitalistes, est bien de mettre en place, dans tous les domaines, des « réformes » irréversibles, sur lesquelles, de son point de vue nul ne pourra jamais revenir. Il souhaite que la France ne puisse jamais plus s’extirper de la glu capitaliste. Alors, il tisse sa toile, installe ses rets, mine le terrain et cadenasse…
    Qu’en pensent les socialistes ? Rien. Qu’en disent les socialistes ?
    Rien.

  3. Avec ce genre d’accord à la c… pour lequel le parlement n’est même pas consulté (bon d’accord, là aussi c’est des caniches, mais comme ça, c’est encore plus gros) on se serait retrouvé aux côtés des américains et de quelques autres à chercher les armes de destruction massive de Saddam… et à se retrouver englués dans un merdier ingérable.
    Une démonstration flagrante, si besoin était, que Sarkozy se fiche de la France comme d’une guigne.

  4. Nous avons de quoi rire tout de même.
    En France ceux qui nous représentent tant au parlement Européen que sur la scène internationale ne sont même pas anglophones.

    Pas un seul de nos présidents n’a jamais été anglophone, c’est très pratique pour « négocier la crédibilité de la France » à l’international .

    Des « élites » si limitées c’est assez effrayant, surtout de la part d’un américanophile primaire comme Sarkozy le méritocrate d’opérette !

    • Je ne comprends pas le commentaire précédent, qui me paraît à la limite de l’insulte: quoi, ne pas connaître l’anglais vous rendrait ridicule? Ma mère, qui ne connaissait pas l’anglais, mais le français, l’allemand et le néerlandais, serait donc ridicule? Notez, j’ai déjà lu pire que le commentaire précédent, p.ex. l’autre jour dans une gazette allemande, où quelqu’un insinuait, en substance, qu’il fallait connaître l’anglais pour mériter le qualificatif d’être humain; en somme, vous êtes un animal si vous ignorez l’anglais. Il semble que la connaissance de l’anglais soit aujourd’hui le seul critère d’évaluation d’une personne. Pourtant, la plupart des gens que j’ai pu admirer autour de moi, pour leur humanité, leur savoir, leur probité, ou pour toutes sortes d’autres qualités, ne pipaient pas un mot d’anglais. À l’inverse, certains éminents personnages, que nous apprécions tous au plus haut degré, connaissent l’anglais, et en font un usage abondant, même en dehors de toute nécessité: Mme Parisot (quel est déjà le slogan du MEDEF?), mossieu le baron Antoine Sellière, Mrs. Kreesteen TheGuard (qui donne ses instructions en anglais aux subordonnés de son ministrère), et de façon générale toute la haute finance internationale, dont c’est l’idiome privilégié. Contrairement à l’imposture répandue, selon laquelle l’anglais serait une langue «internationale», ou la «langue commune de l’humanité», ou autres mièvreries, cette langue est un outil de domination, voire le principal outil de domination, de l’Empire anglo-américain ultracapitaliste (et ce sont les Anglophones eux-mêmes qui le disent) ― outil dont ils se servent consciemment et méthodiquement. La langue anglaise, si elle est bien sûr parfaitement vénérable en elle-même, fait aussi partie d’un système de domination, d’un vaste réseau d’influence, et vouloir combattre ce système en utilisant cet idiome est illusoire, puisque ce faisant, et à son corps défendant, on est fatalement conduit à confirmer le système, parce que, de même que tous les chemins mènent à Rome, l’anglais vous porte inexorablement vers l’idéologie capitaliste, l’expression d’une idéologie différente restant très minoritaire dans la masse des écrits de langue anglaise. L’anglais, c’est la Grande-Bretagne et les États-Unis, où la pensée de gauche est marginale.

      Quant au parlement européen: oublions un instant le problème de légitimité du Grand Mâchin européen, irréformable car génétiquement programmé pour imposer des transformations néo-libérales aux peuples européens, et supposons que travailler au sein de ce parlement croupion ait quelque sens pour une personne de gauche, au nom de quoi la seule langue à utiliser en exclusivité dans cette enceinte devrait être la langue de tel pays particulier, au détriment de toutes les autres? Qui plus est une langue qui, contrairement à ce qu’on nous répète à longueur de journée, n’est pas internationale, mais au contraire très nationale, véhiculant une culture particulière, une vision du monde très orientée (et certainement pas neutre), et qui se trouve être la langue maternelle de populations qui en grande majorité n’ont que faire de cultures autres que la leur. Mais il semble que ce soit un fait acquis désormais que la seule langue officielle du grand Mâchin est l’anglais, sans doute en prévision de la future Union transatlantique, et que les autres langues sont invitées à se contenter d’un rôle de gentil patois, à n’utiliser que dans nos arrière-cours, arrière-boutiques et arrière-cuisines. Est-on d’accord avec cette relégation?

      J’invite à lire cet article (traduit en français) du Financial Times :
      http://blog.traducteurs.com/les-langues-du-monde/avoir-anglais-pour-langue-maternelle-c-est-dominer-le-monde-180

      • Je suis relativement d’accord avec vous mais n’oubliez pas que nous sommes en train de parler des « élites » dans une « méritocratie » qui discutent de notre avenir dans des sommets internationaux .

        Je n’ai pas dit que c’était une condition « sine qua non » à accéder à un mandat électif, je dis que nos « élites » nous demandent énormément d’efforts et n’hésitent pas à dire que nos enfants « ne sont pas assez anglophones » alors qu’eux-même à la tête du pays ne le sont pas !

        Pour l’Europe nous sommes bien d’accord.
        L’Europe n’a rien de démocratique, à commencer par son fonctionnement où les citoyens n’ont pas leur mot à dire et ne sont jamais consultés .

        L’Europe est taillé sur mesure pour une politique de droite uniquement.
        On ira voir qui a réellement écrit les textes Européens et nous allons mettre les députés Européens réellement au travail .
        Autre chose qu’un copier collé des textes proposés par les cabinets de lobbying des plus grandes industries du monde …
        Pour l’instant la législation Européenne est majoritairement le fruit de cabinets qui défendent des intérêts extra-européens privés, ce qui explique que la majorité des citoyens Européens pourraient s’essuyer les fesses avec ces textes comme ils le feraient avec un simple papier WC, moi le premier !

        On voudrai faire des citoyens européens les esclaves d’intérêts tiers qu’on ne s’y prendrai pas autrement .

  5. Non seulement ce type saborde la France et écrase le peuple mais il la vend à l’étranger!…

    Védrine a de bonnes remarques, mais il y a loin de la coupe aux lèvres…
    Ce socialiste « toulousain » – tout pour moi et rien pour le voisin – n’a pas hésité à aller vendre ses connaissances sur longue pratique et connaissance de la puissance publique, et souiller ses valeurs socialistes au passage, en devenant membre du conseil d’administration de la multinationale du luxe LVMH, comme n’importe quel mercantile élu UMP. Il est également membre d’une des cohortes patriciennes qui popularise l’endomagie des friqués : le Siècle.

    Décidément irrespirable la politique française, aujourd’hui…

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