Juin 282011
 

C’était dans Zélium N°5 : avez-vous acheté votre exemplaire ?

« Il n’y a pas de crise humanitaire à Gaza » : cette surprenante déclaration, attribuée à une responsable de la Croix rouge locale, tombe à pic pour discréditer l’initiative de la deuxième flottille humanitaire qui appareillera fin juin. Mais ne tombe-t-elle pas un peu trop à pic, justement ? Enquête.

« L’assaut israélien contre la flottille en route vers Gaza provoque un tollé international », titre Le Monde du 31 mai 2010 : l’un des huit bateaux de militants pro-palestiniens qui tentaient de briser le blocus de la bande de Gaza avait été attaqué dans les eaux internationales par l’armée israélienne, faisant neuf morts. Nullement intimidés par cet épilogue tragique, les militants vont remettre ça cette année. Initiative évidemment condamnée par l’Etat hébreu : « Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a informé le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, que ce projet « était organisé notamment par des extrémistes islamistes afin de monter une provocation et d’entraîner un affrontement », rapporte l’agence Reuters. Il a ajouté qu’Israël « était déterminé à prendre des mesures énergiques » pour empêcher cette flottille d’atteindre Gaza. » C’est dans ce contexte que le site Israël 7 publie le 20 avril dernier l’article suivant : « Il n’y a pas de crise humanitaire à Gaza », c’est ce qu’affirme l’adjointe de la délégation de la Croix rouge dans la Bande de Gaza, la Suissesse Mathilde de Riedmatten. Dans une conversation avec le site internet de Tsahal, elle déclare que si vous vous rendez au marché à Gaza, les étalages sont remplis de produits alimentaires. Il y a également des restaurants et un front de mer très agréables. Le problème est principalement pour l’entretien des infrastructures et pour l’accès à des marchandises comme le ciment. Cependant, elle ajoute que l’armée israélienne est habilitée à opérer pour protéger sa population civile qui subit quotidiennement les effractions au droit international par le Hamas. » Trois heures plus tard, l’information est reprise par l’agence Guysen news international, qui ose une traduction un peu différente : « Il y a aussi des restaurants et une belle plage », omettant curieusement les vendeurs de chouchous et autres matches de beach-volley. Le surlendemain, le site de l’ambassade d’Israël en France le reproduit à son tour, citant Israël 7 et ajoutant au titre pour faire bonne mesure « Croix rouge officielle ». La blogosphère communautaire juive s’empare prestement de cet article, le dupliquant à l’infini. Pensez donc : si même la Croix rouge le dit ! Mais de quoi se plaignent-ils donc, ces Gazaouis, avec leur belle plage, leurs restaurants et leurs étals gorgés de denrées ?

« Gaza : un désespoir sans fin »

Intrigué par ce tableau pour le moins inhabituel, nous sommes remonté jusqu’à la source. Quelques détails nous mettent la puce à l’oreille : aucun média français n’a repris l’interview et nulle part n’est livré le lien de l’entretien avec le site de tsahal. Cette Mathilde de Riedmatten a-t-elle réellement déclaré ce qu’il est dit ? Existe-t-elle, du reste ? La Croix rouge internationale à Gaza, jointe par téléphone, nous renvoie à la chargée de relations avec les médias internationaux à Jérusalem, Maria Cecilia Goin. Bonne nouvelle – surtout pour elle… -, Mathilde de Riedmatten existe ! Mais pour ce qui est de la fidélité de retranscription de ses propos… Lorsque nous faisons part de notre étonnement à Maria Cecilia Goin, la réponse fuse : « Bien sûr ! Elle n’a pas dit ça ». « Nous venons justement de publier un entretien avec elle sur notre site pour rétablir les choses. » Le son de cloche y est effectivement tout autre. Titré  Gaza : des difficultés et un désespoir sans fin, le texte commence par la question : « Comment décririez-vous la situation humanitaire dans la bande de Gaza aujourd’hui ? » Réponse de la chef adjointe de la sous-délégation locale : « Le CICR est préoccupé par le fait qu’un million et demi de Gazaouis ne peuvent pas mener une existence normale et digne. » Curieusement, Riedmatten ne parle plus « des restaurants » ni de « belle plage »… Mais que l’on tape son nom dans Google et l’on tombe sur cinq pages de liens qui affirment : « Pas de crise humanitaire à Gaza selon la Croix rouge ». Désinformez, il en restera toujours quelque chose… Heureusement, Zélium est là !

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  5 commentaires à “Gaza : petite désinformation ordinaire entre amis communautaires”

  1. Twitter annalysa17annalysa MortCivile

    GAZA. Blocus de l’aide. Il est logique et certain qu’une bande de terre sous contrôle et dépendance de ses ennemis est forcément en pénurie

    • mais cette opération est, paraît-il, inacceptable pour Israël car considérée comme de l’aide humanitaire-spectacle.
      J’en déduis qu’il faudrait donc passer l’aide humanitaire sous silence. Alors comment être certains que la bande de Gaza en a bénéficié ?

  2. La désinformation, c’est la base même du travail des services secrets. Aucun risque réel, et cela peut rapporter gros

  3. « aucun média français n’a repris l’interview et nulle part n’est livré le lien de l’entretien avec le site de tsahal »

    Incroyable ! Vous êtes sûr ? Même pas au journal de 12h30 sur france culture ? Alors là ça m’en bouche un coin !!!

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