C’est l’arroseur arrosé : Claude Malhuret, sénateur de l’Allier présidant le groupe Les Indépendants – République et territoires (croupion macroniste), jouait les amuseurs le 4 mai dernier : « Je revois le professeur Mélenchon de la faculté de médecine de La Havane pointer sur vous un doigt vengeur et vous lancer : « il y aura un deuxième pic de l’épidémie et vous le savez. » Impressionnant. J’étais au bord du retweet. » Le même Malhuret, membre de la commission d’enquête sur la Covid-19 (tremblez, macronistes !), déclare tranquillement le 29 octobre dernier : « Face à cette situation imprévisible, il est dans de nombreux cas presque impossible d’anticiper. »
Sauf que « le professeur Mélenchon » (de la faculté de médecine de La Havane) avait bien prédit l’imprévisible, ce qui faisait alors se gausser le cacique de la droite, ancien secrétaire d’État de Chirac. En parlant de prédiction, Jean-Luc Mélenchon avait déjà joué les Pythies en 2017 : « Nous sommes menacés d’un véritable krach sanitaire. Un krach, c’est un effondrement. Il résulterait de trois facteurs : le premier, ce sont des défis sanitaires totalement nouveaux ; le second, c’est un appareil de soins, un ensemble de moyens de soins, qui est en voie de dislocation ; et le troisième, le plus grave, le plus important, le plus décisif, c’est ce qu’il y a dans la tête des décideurs. Une vision absolument absurde, mercantile, entrepreneuriale comme ils disent pour se gargariser avec des mots dont ils ne savent plus très bien ce qu’ils veulent dire, mais qui font si bien au goûter de la marquise. Cette vision de la santé nous rend incapable de répondre à ce que nous voyons se lever devant nous. D’abord, le déchainement de nouvelles épidémies. Comment a-t-on pu en arriver là ? Regardez l’hôpital public qui était réputé, parce qu’il faut bien prendre le problème par un bout, être un modèle dans notre pays parmi les autres nations, et ça l’était. Comment en est-on arrivé au point où des gens qui travaillent sont devenus l’unique et dernière ligne qui permet à l’hôpital de fonctionner. Car sans leur dévouement, parfois jusqu’à la mort, il n’y aurait plus d’hôpital public. [On pourra toujours les applaudir à 20h !] Non, tout ça n’est pas normal. C’est pourquoi je vous parle d’un krach sanitaire en vue. Pendant qu’eux vous disent qu’ils vont encore enlever de l’argent public, encore diminuer les budgets publics, moi, je vous dis que nous allons améliorer la vie parce qu’on le peut. Le progrès est le seul horizon qui vaille. C’est ça qui peut nous rassembler. En ceci consiste la vertu : faire ce qui est bon pour tous. » Las, on connaît la suite : Mélenchon n’a pas été élu, Macron a poursuivi la taille en pièces de l’hôpital public et la pandémie est venue. Bien vu, malheureusement, professeur Mélenchon.

L’imprévisibilité, c’est aussi l’alibi fourni par le président de la République : « le virus circule en France à une vitesse que même les prévisions les plus pessimistes n’avaient pas anticipée. Nous avons tous été surpris par l’accélération soudaine de l’épidémie. Tous », ose avec aplomb Emmanuel Macron. Repris de volée par Le Monde : « L’Institut Pasteur avait envisagé une saturation encore plus rapide des services de réanimation ». Et le gouvernement a tellement été surpris qu’il en était évidemment bien informé, puisqu’il diffusait lui-même l’information : « Début octobre, le gouvernement s’est appuyé à plusieurs reprises sur des prévisions de l’Institut Pasteur datées du 25 septembre. Le 4 octobre, Le Journal du dimanche relayait ces «projections qui inquiètent le gouvernement», évoquant une possible saturation des services de réanimation dès la mi-novembre. Ces graphiques diffusés sur Twitter par le ministère de la santé reprennent ainsi ces modélisations dans plusieurs villes », en l’occurrence Lille, Grenoble, Lyon et Saint-Etienne. Et il n’y a pas que l’Institut Pasteur : « À la même époque, le 22 septembre, le conseil scientifique Covid-19 alertait dans une note le gouvernement sur les risques d’une diffusion non maîtrisée du virus ». Conclusion du Monde : « Contrairement à ce qu’a affirmé Emmanuel Macron, le scénario actuel était donc bien sur la table. S’il n’était pas possible de prédire à quel rythme l’épidémie pourrait progresser, plusieurs modélisations ont anticipé les ferments de la situation actuelle, en envisageant même parfois des hypothèses encore plus alarmantes. » Mais à part ça, « Nous avons tous été surpris par l’accélération soudaine de l’épidémie. Tous ».
