Nov 302020
 

La préfecture de police de Paris a menti pour couvrir les tirs d’un policier sur des jeunes innocents, titrent ces empêcheurs de jouer les cowboys en rond de Mediapart. L’information n’est pas parvenue aux oreilles de la rédaction de la matinale de France Inter à cette heure, qui n’en souffle mot, mais la déflagration est pourtant prévisible, inévitable (pourquoi le taire dès lors ? Gagner du temps ? Mal faire son métier, en tous les cas). De quoi s’agit-il ? « Six jeunes, n’ayant commis aucun délit, sont violemment interpellés par des policiers agissant en toute illégalité, résume le chapeau de l’article. L’un des agents tire deux fois, sans sommation, vers la tête du conducteur. La préfecture de police de Paris n’a pas suspendu ce policier affirmant que la justice avait conclu à la légitime défense. Ce qui est faux. » À l’appui, des images de vidéosurveillance, implacables.

Ces images « démentent la version des policiers qui m’ont accusé de violence. J’ai été poursuivi pour ça et relaxé seulement en novembre dernier. Par contre, le policier qui a tiré en me visant continue de se balader avec son arme. J’ai porté plainte, mais l’enquête est plus longue le concernant. »

L’affaire n’est pas nouvelle, elle remonte au 30 avril 2019, mais « les seuls enregistrements provenant des caméras de vidéosurveillance n’ont été transmis à Paul [conducteur de la voiture, dont la vitre a explosé sous l’impact d’une balle] qu’en juin, après de nombreuses demandes, depuis octobre 2019, de son avocat, Raphaël Kempf, auprès du parquet de Paris ». Où en est-on donc exactement aujourd’hui ? C’est là qu’est directement impliqué Didier Lallement, le préfet de police de Paris : « Contactée par Mediapart, la préfecture nous a communiqué une fausse information, déclarant, le 16 novembre, que «le parquet a conclu à la légitime défense», justifiant ainsi qu’«aucune procédure administrative n’a été diligentée à l’encontre du policier ayant fait usage de son arme de service». C’est tout de même ballot, de mentir à Mediapart, comme si ses fins limiers n’allaient pas vérifier ! « Pourtant, de source judiciaire, le parquet n’a rien conclu de tel. » Et voilà, patatras : « L’enquête ouverte en mai 2019 pour «violences par personne dépositaire de l’autorité publique» vient de se terminer et les policiers pourraient bien être poursuivis. La préfecture de police nous a recontactés le 28 novembre, jour des Marches pour les libertés, légitimant cette fois l’absence de suspension des policiers par «la complexité juridique de cette affaire». La complexité juridique ? Très haut niveau de foutage de gueule, au vu des images. Idem de l’invocation, pitoyable, de la légitime défense. « Une communication qui s’emmêle pour tenter de justifier qu’aucune mesure n’a été décidée par le préfet Didier Lallement à l’encontre de ces agents. » Et oui, le tireur se promène toujours tranquillement son arme à la ceinture.

Voilà donc un préfet de police, dont nous avions détaillé les antécédents particulièrement lourds dans un article fleuve qui, coup sur coup, fait donner la violence policière contre les journalistes se plaignant qu’on attente à leur liberté d’informer, lors de deux manifestations consécutives, en mode : « Ah tu te plains qu’on veuille t’empêcher de travailler ? Eh bien prends ce grand coup de matraque dans ta face pour t’apprendre la liberté d’informer ! » Maladroit, pour le moins… Le même préfet lance une ignoble chasse aux migrants place de la République, dans un déchaînement de violence (filmée, toujours, où l’on revient à l’article 24 de la loi Sécurité globale) qui a forcé nos gouvernants à faire mine d’en être choqués. Alors que la seule nouveauté de l’histoire, c’est que ça se passe place de la République devant les caméras, moins discrètement qu’à Calais ou en Seine-Saint-Denis, où les comportements sont identiques depuis des années (superbe continuum Sarkozy-Hollande-Macron !). Lire à ce sujet l’extraordinaire article, de Mediapart là encore, Place de la République: le déshonneur. Le même préfet enfin, qui interdit d’abord la Marche des libertés, lui préférant une « nasse », avec le fallacieux autant que grotesque prétexte sanitaire : on risquerait davantage la contamination covidienne en étant collés-serrés sur une place plutôt qu’en marchant ! Retoqué par le tribunal administratif. Et comment gère-t-il donc la Marche des libertés, puisque celle-ci a bien lieu samedi ? Il laisse faire les casseurs, dont on ignore par quel miracle ils n’ont pas été filtrés et fouillés, et 98 policiers sont blessés, avec des scènes insoutenables – sans doute moins que celles du tabassage en règle de Michel Zecler, mais c’est un autre sujet – d’hommes frappés à terre, victimes d’une défaut manifeste de commandement. Et maintenant, l’affaire qui nous occupe ce matin : celle de trop.

Que Lallement soit débarqué, il est plus que temps. À notre sens, Gérald Darmanin aussi, pour l’ensemble de son œuvre de ministre de l’Intérieur – et déjà pour ses antécédents de monnayeur de faveurs sexuelles. Mais le vrai responsable est tout en haut, sur l’Olympe jupitérien : « C’est Emmanuel Macron en personne qui, au cœur de la crise des «gilets jaunes», l’a choisi pour devenir préfet de police de Paris« , précisait Le Monde en février dernier. Il a nommé en toute connaissance de cause un fou furieux, contesté jusque dans les rangs de la police, pour mieux réprimer les Gilets jaunes. Cynique hypocrite. Dans Les Jours heureux est détaillée sa dernière sortie : « Emmanuel Macron, chef de l’État français, s’est donc fendu, ce vendredi 27 novembre 2020, après la diffusion des images du tabassage en règle d’un producteur parisien roué de coups et d’insultes racistes par des policiers, d’un long communiqué, publié sur Facebook et sur Twitter. Il commence par ces mots : «Les images que nous avons tous vues de l’agression de Michel Zecler sont inacceptables. Elles nous font honte. La France ne doit jamais se résoudre à la violence ou à la brutalité, d’où qu’elles viennent. La France ne doit jamais laisser prospérer la haine ou le racisme.» (…) Puis il annonce : «Je demande au gouvernement de me faire des propositions pour (…) lutter plus efficacement contre toutes les discriminations.» On le constate : Emmanuel Macron omet d’abord de rappeler que «l’agression de Michel Zecler» a été perpétrée par des fonctionnaires de police [1]. Plutôt que de nommer pour ce qu’elles sont ces violences policières, il s’empresse au contraire de les insérer, comme pour mieux les relativiser, et en même temps qu’il assure que les images qui les montrent dans toute leur cruauté sont «inacceptables», dans une plus large condamnation de «la violence» et de «la brutalité, d’où qu’elles viennent». Il est vrai qu’il avait, au mois de janvier dernier, formellement «récusé» (…) «le terme “violences policières“» [2]. Et qu’il n’a pris ensuite aucune mesure pour empêcher ces brutalités dont il niait donc la réalité (dûment documentée, pourtant, par les glaçantes images, parmi d’autres, de l’interminable répression, qui avait ému jusqu’à l’ONU, du mouvement des gilets jaunes) – mais dont il prétend aujourd’hui, après les avoir ainsi encouragées par son refus de les reconnaître (car qui ne dit mot consent), qu’elles lui feraient «honte». Les coups de matraque, les éborgnages de manifestants, c’est donc Macron !

« Quel genre d’ordre maintient Monsieur Lallement ? »

Et puisque le problème est bel et bien systémique : « La police est mal employée, mal formée, mal commandée, mal équipée. Elle est donc inefficace. Comment s’en sortir ? En réformant de fond en comble toute la police : ses effectifs, sa formation, sa doctrine d’emploi, son commandement » : Jean-Luc Mélenchon, septembre 2020.

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