Oct 092010
 

Halte au découragement !

plumedepresse en grève… du zèle : jour 4, édition matinale.
« C’est fini, c’est trop tard, c’est plié : le report de l’âge légal du départ à la retraite de 60 à 62 ans a été voté par le Sénat. » Tout serait donc perdu, fors l’honneur ? Pas si vite. Flashback.

En ce 10 février 2006, le projet de « loi pour l’Egalité des chances » instaurant le Contrat première embauche (CPE) est adopté sans vote (article 49.3), en première lecture à l’Assemblée nationale. Les UMPistes possédaient déjà un solide sens de l’humour, en appellant à « l’égalité des chances » dans le même temps qu’ils frappaient les moins de 26 ans d’une inégalité flagrante au regard du droit du travail : devoir subir une période d’essai longue de deux ans, avec licenciement possible à tout moment de cette période sans besoin pour l’employeur de le motiver ! La Croix raconte : « Le Premier ministre (Dominique de Villepin, NdA), en butte à une stratégie d’obstruction des députés de gauche sur ce texte, avait annoncé jeudi 9 février dans l’après-midi au Palais-Bourbon le recours au 49.3 qui permet d’abréger le débat parlementaire. Le texte est dans ce cas considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée. (…) Syndicats, étudiants et lycéens ont décidé vendredi 10 février d’une nouvelle journée de mobilisation contre le contrat première embauche (CPE), le mardi 7 mars, alors que les partis de gauche ont lancé vendredi leur première action commune avec un tract et une pétition contre le CPE. » Le 1er mars, Le Figaro pavoise : « Malgré une guérilla parlementaire de 20 heures, qui s’est prolongée jusqu’à 2h30 du matin, la gauche n’a pas pu empêcher l’adoption du CPE par le Sénat, à la majorité de 172 voix contre 42. L’ensemble des sénateurs UMP ainsi que des élus radicaux et non inscrits ont voté en faveur du CPE. Le PS et le PCF ont voté contre, comme la majorité des sénateurs UDF. (…) Avec l’adoption du CPE par le Sénat, le gouvernement, qui espérait venir à bout de ce débat avant le 7 mars, date de la nouvelle journée de mobilisation nationale des syndicats et des organisations de jeunesse, a gagné son pari. »

Ça n’empêche pas, le 7 mars, 400 000 personnes (police) à un million (syndicats) de manifester dans toute la France pour exiger le retrait du CPE, ainsi que le récapitule la chronologie de L’Internaute. Le 18 mars, ils sont entre 500 000 et 1,5 millions. Le 27, Nicolas Sarkozy critique les méthodes du Premier ministre Dominique de Villepin : « il me semble utile qu’avant toute initiative d’application on prenne le temps que la négociation aboutisse. » Le lendemain, entre un et trois millions de manifestants défilent. « Dominique de Villepin exclut la possibilité de retrait et appelle les syndicats au dialogue. Les syndicats demandent le retrait du CPE comme préalable à la négociation. » 30 mars : le Conseil constitutionnel valide le CPE sans aucune réserve. Le lendemain, le président Jacques Chirac prend la parole à la télévision. Le billet est listé page 1350 des archives de plumedepresse, sous le titre d’Une vraie-fausse promulgation : « Promulguer : rendre une loi effective en attestant officiellement et formellement son existence et en lui donnant tous ses effets. » Le chef de l’Etat a annoncé hier soir qu’il promulguait la loi, mais qu’elle devait être modifiée et ne devait pas s’appliquer avant ladite modification. Non-sens grotesque, dicté par la volonté d’afficher la posture de la fermeté. » Le 2 avril, nous écrivions : « C’est fait : la loi créant le CPE a été publiée aujourd’hui au Journal Officiel. Les juristes sont unanimes, rien n’empêche donc désormais la signature de tels contrats, quoi qu’en ai dit Jacques Chirac dans son allocution. Il parait que l’intervention présidentielle a été écrite à quatre mains, avec celles du Premier ministre, Dominique de Villepin. Il faudrait plutôt dire à quatre pieds. » L’on entre alors dans une période de flou et une situation idiote, qui malmène les lois de la République : « La dernière guignolade chiraquienne – la vraie-fausse promulgation – pourrait causer d’insoupçonnés dégâts collatéraux. Le ministre de l’Emploi et de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, suivant la requête du chef de l’Etat de ne pas appliquer l’article de loi créant le CPE, a écrit aujourd’hui à toutes les branches professionnelles pour demander aux fédérations de contacter leurs adhérents afin qu’aucun ne signe de CPE. Il a donc pris, remarque finement le député (Radical de Gauche) Roger-Gérard Schwartzenberg, «des mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi sur le CPE», ainsi qu’il l’écrit dans une lettre adressée au ministre. Or, l’article 432-1 du Code pénal stipule que «le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, agissant dans l’exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende». Et si, par malheur, Borloo devait être obéi, c’est pire : l’infraction est «punie de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende si elle a été suivie d’effet» (article 432-2). Dix ans de prison pour Borloo parce que Chirac n’a pas voulu désavouer Villepin (tout en le désavouant copieusement) : vive la République, vive la France, vive l’UMP ! » (Borloo en prison, 3 avril). Une plainte avait même effectivement été déposée devant la Cour de justice de la République mais, allez savoir pourquoi, elle n’eut jamais de suite.

Mais revenons aux moutons de notre mobilisation : le 4 avril, 1 028 000 personnes selon la police et 3,1 millions selon les syndicats manifestent à nouveau contre le CPE. Vous avez noté les chiffres ? C’est là où nous en sommes aujourd’hui. Suite de l’histoire ? Retrait du CPE, commenté en une Phrase du jour du 10 avril : « J’ai voulu proposer une solution forte, parce que j’ai la conviction qu’au-delà de l’engagement nécessaire de l’Etat, seul un meilleur équilibre entre plus de souplesse pour les employeurs et plus de sécurité pour les salariés, nous permettra de rompre avec le chômage dans notre pays. Cela n’a pas été compris par tous, je le regrette » : en annonçant le retrait du CPE, le Premier ministre ne fait qu’un seul mea culpa, celui de ne pas avoir su se faire comprendre par tous. Qui sont ces « tous » qui n’ont pas compris qu’une période de deux ans durant laquelle on pouvait être congédié sans en connaître le motif correspondait à « un meilleur équilibre entre plus de souplesse pour les employeurs et plus de sécurité pour les salariés » ? Sans doute les 65% de Français qui disent avoir une opinion plutôt ou très négative de Villepin, selon le baromètre mensuel publié hier par Libération. » Là aussi, notez le chiffre : comme nous le rappelions dans ce billet-bilan, 72% des Français désavouent actuellement Sarkozy. Vous nous voyez venir depuis un bon moment avec nos gros sabots : non, la contestation de la contre-réforme des retraites n’est pas condamnée et le gouvernement n’a pas encore réussi son coup de force. Citons à nouveau, pour finir, Xavier Mathieu, leader des ouvriers licenciés de l’usine Continental de Clairoix : « quand on se bat, on peut gagner. Il faut relever la tête et aller au combat. Et c’est pas terminé ! Sur les retraites, la fonction publique, le privé, il est temps, une bonne fois pour toutes, qu’on y aille tous ensemble. Qu’on y aille tous ensemble, dans la rue, c’est ce qui leur fait peur. On est quarante millions de travailleurs, on est pas des faibles, on est bien plus puissants que n’importe quelle armée. C’est notre force ! Nous, les Conti, on a relevé la tête, on est allé au combat. Maintenant c’est à la France d’en faire autant. A la France d’en faire autant ! Je vous garantis que les combats à venir seront certainement bien plus durs. Il faut pas se laisser faire. Il faut pas baisser la tête. » Alors, vous ne vous sentez pas tout regonflé, ce matin ?


L’illustration CPE : Offre spéciale de lancement a été créée par Tropicalboy.

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  6 commentaires à “Le CPE aussi avait été voté…”

  1. Si, ça fait du bien de lire le type de Conti et la suite réservée au CPE suite aux manifs.

    J’écrivais ce matin pour savoir si vous aviez eu vent de ça :
    http://amitie-entre-les-peuples.org/spip.php?article1264

    • Non, je n’avais pas vu passer cet Appel. Je vois que l’ami Bernard Langlois a signé mais je ne trouve pas comment faire de même sur la page ! Quoi qu’il en soit, tout ce qui mobilise va dans le bon sens.

      • Si j’ai bien compris sur le lien que j’ai mis plus haut, il faut envoyer un mail pour soutenir l’appel (destinataire en bas de la page en lien).

        J’ai oublié dans mon précédent commentaire :
        Merci pour tous vos articles ! Ca fait du bien de lire un journaliste tranché, virulent et dans le vrai.
        Et je suis largement en retard de cotisation, j’essaie de me rattraper vite.

  2. […] This post was mentioned on Twitter by Olivier Bonnet, Stéphane Dardenne. Stéphane Dardenne said: RT @OlivierBonnet: Le CPE aussi avait été voté… http://alturl.com/bixa4 #retraites Halte au découragement, nous sommes des millions ! […]

  3. Ecoutez bien ce que dit Eric Cantona dans cette vidéo :

    http://bellaciao.org/fr/spip.php?article107495#forum407370

  4. […] Le CPE aussi avait été voté… | Plume de presse par Olivier Bonnet Dominique de Villepin exclut la possibilité de retrait et appelle les syndicats au dialogue. Les syndicats demandent le retrait du CPE comme préalable à la négociation. » 30 mars : le Conseil constitutionnel valide le CPE sans aucune … […]

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