Il s’appelle Stéphane Liévin, brigadier chef et officier de police judiciaire au commissariat d’Orléans. Représentant du personnel pour le syndicat majoritaire Unité SGP Police, il a accordé un très long entretien au sociologue Laurent Mucchielli, directeur de recherches au CNRS, à lire en intégralité sur le site de ce dernier. Paroles d’un flic de base lucide sur la mystification sécuritaire.
L’amalgame entre gauche et laxisme ou le déni de responsabilité de Sarkozy
Le fait de vouloir s’intéresser davantage aux causes de l’insécurité (causes sociales, éducatives, économiques, sociologiques…) qu’à ses conséquences passait pour une permissivité inacceptable. Les événements de mai 1968 ont d’ailleurs participé à cette idée selon laquelle «les gauchos» étaient les ennemis de l’ordre et de la sécurité. Ce n’est sans doute pas pour rien que Nicolas Sarkozy, tout au long de sa campagne, a voulu trancher le débat en simplifiant les choses par la déclaration suivante : «moi je suis du côté des victimes et pas de celui des auteurs». Cette phrase, prononcée à de nombreuses reprises au cours de ses meetings, consistait à répondre aux attaques sur son bilan au ministère de l’Intérieur et à discréditer la gauche en la matière. Habile manipulation je dois le dire puisqu’elle a fonctionné à merveille. En outre, les déclarations sur les événements de mai 1968 auront parachevé cet amalgame entre la gauche et le désordre. Il s’agit d’un concept nouveau qui tend à déplacer les curseurs dans l’esprit collectif. Ainsi, les travailleurs ne peuvent plus demander des comptes au patronat ou aux pouvoirs publics mais aux chômeurs. En matière d’insécurité c’est la même chose. Il ne faut plus solliciter d’explication auprès du ministère de l’Intérieur mais auprès de la gauche laxiste systématiquement du coté des voyous. Pour les discours de droite, il n’est jamais question de répression sans prévention. Mais il faut bien reconnaître que, dans les faits, la politique sécuritaire imposée par les ministres successifs de ce bord a souvent fait la part belle à l’aspect répressif des choses évoquant l’aspect préventif uniquement comme alibi d’une répression tous azimuts. Du «il faut terroriser les terroristes» à «la racaille» en passant par l’épisode des nettoyeurs haute pression, le catalogue des formules à l’emporte-pièce a été largement utilisé. (…)

Tuer la police de proximité pour une politique du chiffre inefficace
La manipulation des statistiques
Certes, la politique du « tout sécuritaire » est bien plus rapide à faire ses preuves mais sur le long terme apporte-t-elle réellement des solutions pérennes au problème de l’insécurité ? On peut retenir, pour illustrer ce propos, deux exemples très simples. Sous « l’ère » de la police de proximité, il fallait systématiquement traiter les infractions au travers de prises de plaintes. Les bureaux de police et points de contact étaient nombreux et bien répartis sur les territoires couverts par la police nationale. En conséquence, les statistiques ont bien entendu explosé. Aujourd’hui, il faut à tout prix dans les services éviter de prendre des plaintes. Pour des dégradations de véhicule par exemple, la hiérarchie déclare : «un récépissé de main courante suffit pour les assurances». Grâce à cela, les statistiques s’améliorent de jour en jour. (…) Ajoutez à tout cela une chasse au port d’arme de sixième catégorie (quitte à ce qu’il s’agisse d’un poseur de moquette et de son cutter), au quart de gramme de résine de cannabis « trouvé » dans la poche d’un lycéen ou au vol à l’étalage qui permettent de rédiger des Comptes Rendus d’Enquête (CRE) en nombre et vous arrivez à une amélioration spectaculaire des statistiques. Pour autant, lorsqu’on court de la sorte derrière les chiffres, règle-t-on en profondeur le problème de l’insécurité ? (…) on a adapté le mode de travail des fonctionnaires de police vers des solutions davantage destinées à améliorer les statistiques qu’à chercher réellement des solutions en matière de lutte contre l’insécurité. Ainsi, ce même ministre s’est largement vanté d’avoir amélioré les statistiques en matière de faits élucidés. De un fait sur quatre en 2002 à un fait sur trois en 2007. Vaste fumisterie. Il faut savoir, dans ce domaine, que nombre de faits qui entrent dans le cadre des faits élucidés ne donnent pas lieu à une plainte au départ. Ainsi, un individu interpellé pour une infraction à la législation sur les stupéfiants (un étudiant porteur d’un gramme de résine de cannabis pour sa consommation personnelle par exemple) entrera dans les statistiques des faits élucidés. Pourtant, aucune plainte n’est déposée dans ce domaine. C’est la raison pour laquelle on a orienté le travail des policiers de terrain vers la recherche de ces infractions traitées en temps réel dans le seul but d’améliorer les statistiques. (…) Aussi fastidieuse que soit la démonstration, je pense qu’elle mérite qu’on s’y arrête pour comprendre la supercherie des statistiques de la délinquance jetées en pâture tous les mois depuis huit ans à la presse et à l’opinion publique. (…) il est hors de question de reconnaître une quelconque utilité à cette mascarade. (…) Non, je crois qu’on ne soigne pas la grippe en traficotant le thermomètre. »
Soutenez Plume de presse
Cet article vous a intéressé ? L’info indépendante et gratuite ne nourrit pas son homme… Contribuez à faire vivre ce blog en vous acquittant d’une cotisation, même d’un euro. Merci !
Je jubile ! Les langues se délient petit a petit sur tout les fronts, ca va finir par leur revenir en pleine poire, et ce sera bien mérité !
[…] This post was mentioned on Twitter by Olivier Bonnet, Céleste, Céleste, juanitatardi, Louise de Lannoy and others. Louise de Lannoy said: RT @OlivierBonnet: Quand un policier tire à boulets rouges sur la politique sécuritaire sarkozyste http://alturl.com/i7uxt […]
Votre article a grande valeur, mais pour moi, il n’y a pas de bon flic, même de proximité. A partir du moment où il y a des classes, des clans, des privilégiés, des chefs et des moutons, à partir du moment où les rapports sociaux se font sur des intérêts et des avantages sous couvert d’amour qui n’est que du collage de sexes, de capitaux, de propriétés ou l’octroi d’une bonne assurance, à partir du moment où à l’école on nous apprend à monter sur le voisin pour le dépasser, je sais que le flic n’est là que pour empêcher que la marmite vienne à éclater…, alors qu’il faudrait qu’elle éclate. Le Flic ne fait que colmater un système cancéreux qui nous enserre et nous étouffe comme un serpent. Et tout flic est toujours du côté du Serpent ! Une société qui a des flics est une mauvaise société.
Bravo Amaru quand on voit les gros titres du moments ou les collègues perdent leur vie ou sont gravement blessés dans des interventions qui selon vous n’ont aucune matière à protéger les personnes et les biens, je lis votre commentaire et je reste bouche bée quand je pense à tous mes collègues tombés dans leur travail et que je vous lis je me dis qu’ils ont de quoi se retourner dans leur tombe… Cependant quand vous perdez vos papiers, qu’on vous vole votre voiture ou que vous êtes agressés au coin d’une rue votre premier réflexe est de composer le 17? non évidemment vous vous êtes un guerrier et vous n’avez jamais et n’aurez jamais besoin de la police… Il est vrai que la marmitte devrait éclater et bon nombre de policiers le pensent aussi, nous sommes comme vous des citoyens qui sommes écoeurés de voir comment les choses tournent… mais n’y a t’il pas eu assez de morts dans nos rangs pour ne pas avoir besoin de prouver à quique ce soit qu’on tente de faire notre travail au mieux quitte à payer le prix de nos vies? n’a t’on pas droit nous aussi à une justice équitable??? combien de collègues tués et d’assassins tueurs de flics condamnés? je terminerai avec ceci vous m’avez l’air pourtant d’être quelqu’un d’intelligent à la lecture de votre intervention sans faute d’orthographe alors imaginez ne serait ce que 30secondes un monde sans police faites moi confiance ce n’est pas l’intelligence qui l’emporte ni l’instruction mais la force et le nombre alors je vous laisse rêver d’un monde sans police un monde où vous ne vivrez pas dehors plus d’1journée…
[…] This post was Twitted by Phildp […]
que de choses à dire à ce billet. Sur 68 merci à lui. Je n’en reviens pas on serait capable, jeune, de remettre l’Histoire à l’endroit ? Il se trouve que je viens d’écrire un billet concernant DCB dont je ne peux plus…
Une femme, qui ne sait pas s’exprimer malheureusement, ne pas la juger donc sur une apparence mais sur sa capacité à faire son boulot, dénonce le racisme de la police. Mise en cause par la Halde si j’ai bien compris hier soir.
De plus le PS reprend les rênes en main concernant la sécurité. Je n’ai pas encore tout lu, mais l’analyse de base est ok : c’est d’abord un problème social. Donc on aurait du soucis à se faire ce côté là. DSK reprenant lui aussi… ça par contre… mais loin d’être joué à la vue du bordel ambiant de la droite.
Donc merci 1- pour l’info, mais surtout à ce flic courageux
de plus, j’oublie le principal : cette politique justifie le racisme. Les pauvres de nos jours sont de couleurs, avant ils arrivaient des provinces de France. Ils étaient tout autant des étrangers si on se replace dans la ligne de l’Histoire. « Classes populaires classes dangereuses » étaient des Blancs de souche et catho tout au long du 19è
D’une certaine manière, c’est vraie ! Mais d’une autre, vous oubliez que la pauvreté ne touche pas que certaines minorités ethniques mais de plus en plus de citoyens sans distinction ethnique … Oublions juste ces mots « ethnie et racisme », c’est un faux problème afin de justifier des arguments. Considérons plutôt l’ensemble sans distinction car c’est la réalité d’aujourd’hui. Si on se concentre sur ces minorités on oublie forcément les « autres », or les « autres » sont confrontés aux mêmes problèmes.
[…] faits sont connus et nous avons du reste consacré nombre de papiers à cette « politique du chiffre », mais il est toujours bon de rappeler certaines évidences qu’aimerait nous cacher un pouvoir […]
[…] Quand un policier tire à boulets rouges sur la politique sécuritaire sarkozyste » Plume de presse Il s’appelle Stéphane Liévin, brigadier chef et officier de police judiciaire au commissariat d’Orléans. […]
[…] Quand un policier tire à boulets rouges sur la politique sécuritaire sarkozyste Ce contenu a été publié dans 7 d'ailleurs par Olivier Bonnet. Mettez-le en favori avec son permalien. […]
[…] Quand un policier tire à boulets rouges sur la politique sécuritaire sarkozyste […]