Nous en parlions il y a deux jours, sous ce titre : Violences policières systémiques : le préfet solidaire des brutes racistes et menteuses sous serment. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin était interrogé ce matin sur France Info à propos de cette décision du préfet de prendre en charge les frais de justice des accusés de l’agression de Michel Zecler et débute sa réponse par : « Je la trouve normale ». Puis il poursuit : « D’abord, il n’y a pas eu de soutien financier, c’est ce qu’on appelle la protection fonctionnelle. » Qui consiste en quoi ? « Les avocats sont payés par l’État ». Allons bon : l’État ne doit pas les payer financièrement, sinon il s’agirait bien d’un soutien financier ! Darmanin conteste l’évidence en tentant de jouer sur les mots mais le vrai mensonge arrive très vite : « Tous les agents publics, tous les fonctionnaires ont droit à la protection fonctionnelle« . Le journaliste de France Info objecte en le coupant : « Elle n’est pas toujours accordée… » « Attendez, je vais en dire quelques mots dans quelques instants », annonce le ministre pour se lancer dans une longue digression, s’indignant que ce n’est pas Twitter qui décide de qui est coupable et que les policiers ont droit à un procès équitable et bla bla bla. Il revient ensuite au sujet : « Cette protection fonctionnelle, elle a été accordée dans toutes les affaires précédentes, même quand les policiers ont été mis en cause, l’affaire Chouviat, l’affaire Théo, par exemple. » Pour rappel, l’un est mort étranglé – fracture du larynx – au terme d’un placage au sol et l’autre est atteint de séquelles irréversibles suite à une déchirure anale de dix centimètres causée par un coup de matraque télescopique. Les policiers concernés ont-ils effectivement bénéficié de la protection fonctionnelle ? Si c’est exact, ce n’est pas une excuse. Elle doit en effet être refusée en cas de « faute personnelle », définie par le Conseil d’État : « un comportement incompatible avec les obligations qui s’imposent dans l’exercice des fonctions publiques » ou qui « eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité ». Quand on a vu les images des trois policiers s’acharnant comme des « barbares » sur l’infortuné producteur de rap, on ne se pose pas la question de savoir s’il y a « faute personnelle » !
Vous avez dit « barbares » ? Comme c’est barbare !
« Les barbares étaient de sortie, les barbares revêtus d’uniformes étaient de sortie ce soir-là. » Qui a fait cette déclaration, parlant justement des agresseurs de Michel Zecler ? Jean-Michel Fauvergue, député LREM, ancien policier du Raid et co-rapporteur de la loi Sécurité globale ! On se souvient des tombereaux de boue déversés sur Jean-Luc Mélenchon lorsqu’il avait lui aussi utilisé le mot de « barbares » pour dénoncer les violences policières. Cette fois-ci, on n’entend pas l’inénarrable Christophe Castaner dénoncer « une insulte inacceptable » et sommer le député marcheur de s’excuser. Ni menacer de porter plainte : « Jeudi matin, le ministre a indiqué sur RTL qu’il allait saisir la justice, annonçait alors Le Monde, en septembre 2019. «Je ferai un article 40 et je vais demander au procureur de la République d’étudier la faisabilité d’une poursuite.» L’article 40 du code de procédure pénale prévoit que toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit, est tenu d’en informer le procureur de la République. » Personne n’a jamais entendu parler d’une plainte. Sans doute que même le procureur de la République, pourtant hiérarchiquement aux ordres du gouvernement, a envoyer bouler le ministre de l’Intérieur de l’époque invoquant cet article 40 parce qu’il avait eu connaissance d’un délit, en l’espèce une « insulte inacceptable ». Fin de la blague. Cette fois-ci, 150 policiers ne sont pas allés manifester devant le siège d’En marche, comme ils l’avaient fait pour la France insoumise. On a donc désormais le droit de parler de « barbares », nous le notons.
Toujours est-il que le préfet de police de Paris, dont une pétition de SOS Racisme réclame le départ – que nous avons signée -, ne juge pas les fautes des policiers tabasseurs de Zecler assez graves pour constituer une « faute personnelle ». Il a préféré cocher la case « faute de service », précise RAPRNB. C’est pas eux, c’est le service. Le webzine musical nous donne l’explication par la bouche du professeur de droit public à l’université de Grenoble-Alpes, Serge Slama : “Certes les fautes sont graves mais on peut penser qu’elles sont également dues à un défaut d’encadrement, qu’il y a aussi faute de service et donc de l’État”. Mais alors, si l’encadrement est fautif, il faut remonter à la source des ordres et le responsable en chef doit démissionner. Lallement, démission, CQFD.
PS : depuis un arrêt « Teitgen » du Conseil d’État (14 février 1975), l’administration peut refuser d’accorder la protection fonctionnelle à un agent pour des motifs d’intérêt général. Il doit s’agir d’un motif susceptible de « discréditer l’administration ou de faire obstacle de façon particulièrement grave à la bonne marche du service public« . N’est-ce pas le cas en faisant bénéficier de cette protection les « barbares revêtus d’uniformes » qui ont massacré le producteur innocent et menti ensuite pour l’accuser, qui l’auraient envoyé en prison si la vidéo ne les avaient trahis ?