L’immense régression environnementale d’une loi conçue sur mesure pour les industriels et le Medef (et tant pis pour la pollution !), qui ouvre en outre une voie royale à la corruption, s’applique désormais, validée par le Conseil constitutionnel. La loi Asap, pour « Accélération et simplification de l’action publique », « poursuit à marche forcée le démantèlement du droit de l’environnement », résume Reporterre, avec force cris de joie macronistes, alors que les médias dominants regardent ailleurs. Le rôle des hypocrites en chef est ici tenu par les ministres Amélie de Montchalin et Agnès Pannier-Runacher : « Ces évolutions (…) démontrent qu’il est possible de conjuguer protection de l’environnement et attractivité économique de notre territoire », se rengorgent-elles. Le toupet ! « Conjuguer protection de l’environnement » en lançant des travaux avant que l’autorisation environnementale ne soit délivrée ? C’est ce que permet par exemple cette loi.
Le docteur en droit de l’environnement Gabriel Ullmann remet les pendules à l’heure : « Si la loi comporte d’indéniables avantages pour les opérateurs économiques (…), elle comporte de graves atteintes pour les droits des citoyens et de la société. Loin d’être une loi de simplification, elle complexifie le droit en instituant des régimes différents selon les activités, les objets ou les circonstances, tout en étant elle-même une loi bavarde et fourre-tout ». Sur ce dernier point, le Conseil constitutionnel a sévi, censurant pas moins de 26 articles, dénoncés comme « cavaliers législatifs » – c’est-à-dire introduits dans la loi alors qu’ils n’ont aucun rapport avec son objet, pratique interdite. Légère satisfaction que de voir ainsi taper sur les doigts de nos législateurs indélicats. Restent les principaux points négatifs de cette loi, chroniques de catastrophes environnementales et de scandales de corruption annoncés.
PS : puisque nous vous tenons et qu’il est question plus haut d’Agnès Pannier-Runacher, ministre de l’Industrie, ne résistons pas à citer sa déclaration de dimanche dernier, qui vaut son pesant de cacahouètes.
« La gauche, c’est de ne pas sacrifier les classes populaires (…) leur donner les moyens de prendre leur destin en main et de se réaliser ». Prends ton destin en main, feignant, traverse la rue pour trouver du travail – ou enfourche le tigre avec des sandwichs jambon fromage ! Le macronisme est décidément orwellien : « La guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force » et donc le libéralisme c’est la meilleure façon d’être de gauche.
Censée répondre aux « attentes majeures des Français » ressorties du « grand débat », cette loi organise une réalité une dérégulation en faveur des implantations industrielles au détriment de l’environnement et de la sécurité, tout en ouvrant une voie royale à la corruption. Dans la discrétion des grands médias.
La journaliste canadienne Naomi Klein l’a théorisé dans La Stratégie du choc, sous-titré La Montée d’un capitalisme du désastre, qui vise à « imposer d’un seul coup, immédiatement après une crise, les réformes économiques douloureuses, avant que les gens n’aient eu le temps de se ressaisir ». Elle balaie l’histoire contemporaine et analyse « Le coup d’État du Chili en 1973, suivi des strictes réformes économiques des « Chicago Boys » ; la guerre des Malouines en 1982, suivie de la rigueur thatchérienne ; le massacre de la place Tian’anmen en 1989 et le tournant économique néolibéral chinois ; l’attaque du Parlement russe en 1993 par Boris Eltsine et la libéralisation la plus débridée au profit des oligarques ; les attentats de 2001 puis l’invasion de l’Irak en 2003, suivis de la privatisation de la guerre, de la défense et de la sécurité ; le tsunami en 2004, suivi du déplacement des populations au profit d’installations hôtelières et d’une dérégulation étatique ; l’ouragan Katrina en 2005 suivi de la refonte sociologique de la Nouvelle Orléans et de la privatisation de secteurs publics entiers, etc. » Ajoutons désormais à la liste la pandémie de la Covid-19. Que font en effet les macronistes avec leur loi Accélération et simplification de l’action publique (Asap) ? « Ce texte poursuit à marche forcée le démantèlement du droit de l’environnement », résume Reporterre.
Open bar pour la bétonisation et la destruction de la biodiversité
Asap signifie en anglais as soon as possible, aussi vite que possible. Que faut-il donc faire, selon le gouvernement, aussi vite que possible ? Une fois n’est pas coutume, donnons la parole à Lutte ouvrière : « Le gouvernement a fait voter une loi dite de simplification administrative qui, entre autres, autorise les entreprises à lancer la construction d’un nouveau site industriel avant que soient terminées toutes les enquêtes administratives quant à son éventuel impact sur l’environnement. Elle diminue aussi les délais de recours pour demander une concertation sur certains projets. Et, si elle reconnaît quand même que chacun a le droit d’être informé des risques auxquels il est soumis, cette possibilité reste limitée par l’obligation de respecter le secret des affaires. Des réglementations existaient qui entravaient, un tout petit peu, la possibilité laissée à certains patrons de transformer une région en poubelle ou d’empoisonner l’eau ou le sol. Au lieu de les faire respecter, on les supprime tout simplement. » Délire de gauchiste ? Hélas non : « le gros morceau se trouve dans le titre III, sur la «simplification des mesures applicables aux entreprises», résume Reporterre. Et plus précisément, aux sites industriels. Lorsque ceux-ci veulent s’implanter, ils doivent — en fonction de leur dangerosité – donner des garanties de sécurité, évaluer les risques sur la santé et l’environnement, consulter les riverains. Les articles 21 à 26 du projet de loi visent à gommer des étapes dans ce processus, pour toujours plus d’industries… et donc de terres bétonnées. (…) Parmi les plus contestés, l’article 25 donne la possibilité au préfet, dans certains cas, de dispenser l’industriel d’enquête publique et de la remplacer par une simple consultation publique. »
Détruire d’abord, avoir l’autorisation (ou pas) après
Abordons le point sans doute le plus ahurissant : « L’article suivant, le 26, enfonce un clou de plus dans le cercueil du droit de l’environnement. Il prévoit que les travaux pourront commencer avant que l’autorisation environnementale ne soit délivrée. Cette autorisation vérifie que le projet (d’usine ou d’entrepôt, par exemple) a bien pris en compte toutes les conséquences sur l’eau, la biodiversité, l’air, etc. Il sera donc possible de détruire à coup de bulldozers la biodiversité… avant d’avoir l’autorisation de le faire. Autrement dit, d’artificialiser les sols en toute impunité. Que se passera-t-il si l’autorisation environnementale est finalement refusée? «On aura fait tous ces dégâts à la biodiversité, tous ces travaux pour rien!» s’émeut Morgane Piederrière [porte-parole de France Nature Environnement]. Ou alors, les travaux ayant commencé, la biodiversité sur le site ayant déjà été détruite, il n’y aura plus grand-chose à sauver, et il sera bien plus facile d’obtenir l’autorisation environnementale. «Cela légitime la politique du fait accompli», regrette encore la juriste. »
À qui profite le crime ? « Ce sont des revendications du Medefdepuis la nuit des temps », constate Émilie Cariou, députée macroniste repentie (elle fait partie des fondateurs du groupe Écologie démocratie solidarité créé en mai dernier). Sa circonscription, la Meuse, doit accueillir le très controversé projet d’enfouissement des déchets nucléaires Cigéo, or Asap supprime la commission chargée d’évaluer le coût du démantèlement du nucléaire et de ses déchets : « L’excuse est qu’elle n’a jamais siégé. Mais il aurait été important qu’elle siège, j’ai tenté — par des amendements cosignés avec Barbara Pompili [l’actuelle ministre de la Transition écologique et solidaire] – de la réactiver plusieurs fois et cela a été refusé.» On interdit que la commission se réunisse et l’on dit ensuite : « regardez, elle ne s’est jamais réunie ! » Trop fort.
Mathilde Panot, députée France insoumise, résume la philosophie de la loi Asap : «On réduit le nombre d’agents publics, donc le nombre de contrôles, donc l’efficacité des lois. Ensuite, on dérégule. Et enfin, on privatise les missions de l’État [concernant l’Office national des forêts et les chambres d’agriculture], on affaiblit la puissance publique et on met les gens en dangersur la question des risques industriels. Tout cela au moment où la crise sanitaire nous a fait ressentir l’importance du service public. C’est un choc de simplification, un texte idéologique qui vise à démanteler l’État et va à contresens de tout ce qu’on aurait dû apprendre de la période.» Sur les risques industriels que la députée mentionne, l’article 23 de la loi « prévoit que si un nouveau site industriel s’implante dans un lieu où d’autres sont déjà installés, on n’étudiera les dégâts que de ce nouveau site, et pas ceux cumulés de toutes les activités, synthétise Reporterre. Pourtant, l’accident de Lubrizol a permis de constater ces effets cumulés, les entrepôts du voisin NL Logistique ayant aussi largement brûlé. » La zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer comporte par exemple 13 sites Seveso et on ne les prendra pas en compte pour autoriser une nouvelle activité dangereuse ? Proprement hallucinant.
L’hydre de la corruption invitée au festin
Comme si tout cela ne suffisait pas, la loi Asap ouvre grand la porte à la corruption, comme l’explique un expert en a matière, Kévin Gernier, chargé de mission collectivités territoriales auprès de Transparency France, interrogé par Marianne: « Il y a d’abord le seuil en dessous duquel une personne publique qui veut réaliser un marché est dispensée de publicité et autres formalités administratives. Il y a un mouvement de fond qui s’est récemment accéléré. On est passé de 4 000 euros à 25 000 en 2011, puis à 40 000 fin décembre dernier, notamment sous l’impulsion des Sébastien Lecornu, alors ministre en charge des Collectivités territoriales et d’Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances. Laquelle a multiplié les réunions avec le secteur du BTP à Bercy. Puis un décret de juillet l’a propulsé à 70 000 euros pour une période de un an. Le texte Asap ne mentionne plus de seuil. » Transparency et Anticor dénoncent ensemble cette loi qui limite « l’encadrement des marchés publics et le droit à l’information » : « le projet de loi introduit ainsi un «motif d’intérêt général» permettant de justifier la conclusion d’un marché public sans aucun appel d’offre préalable, quel que soit son montant. Un élu local ou un agent public pourrait ainsi conclure un contrat de plusieurs millions d’euros avec l’entreprise de son choix sans mise en concurrence préalable, s’il estime que le délai nécessaire à cette procédure serait «manifestement contraire à un motif d’intérêt général». Le Code de la commande publique inclut pourtant déjà une palette de situations justifiant de passer outre cette procédure essentielle pour éviter le risque de favoritisme et le potentiel surcoût pour la communauté (urgence impérieuse, première procédure infructueuse, etc.). L’ajout de cette référence – très large – à «l’intérêt général», qui devra être précisée par décret en Conseil d’État, pourrait faciliter la signature de contrats opaques avec une dimension clientéliste ou même d’enrichissement personnel. » Et le droit à l’information ? Il sera restreint concernant « des éléments dont la divulgation serait «de nature à faciliter des actes susceptibles de porter atteinte à la santé, la sécurité et la salubrité publique». Cette mention risque de justifier de nombreux refus d’accès à des documents par l’administration, et elle pourrait mettre en danger la protection des lanceurs d’alerte qui choisissent de divulguer des informations sur des menaces à l’intérêt général. »
Concluons avec Politiset la plume de notre confrère Michel Soudais : « Dans l’exposé des motifs, très succinct, qu’en avait donné le gouvernement lors de son adoption en Conseil des ministres le 5 février, ce projet de loi prétendait répondre aux «attentes majeures des Français» ressorties du grand débat national «en matière de transformation de l’action publique, de simplification de leur relation avec l’administration et d’accompagnement de leurs projets».La fumisterie est complète. Le texte comprend bien des mesures de simplification consensuelles à destination des particuliers (…) Mais les dispositions relatives à la simplification des procédures applicables aux entreprises sont bien plus nombreuses. (…) Difficile de ne pas voir dans l’empilement de mesures de ce monstre législatif la patte de puissants lobbys. Il s’agit en définitive, en diabolisant les réglementations, instances de concertation et de réflexion, de lever les obstacles à la relance de l’économie. Dans la «libération des énergies», qui guide la macronie depuis la réforme par ordonnances du code du travail, la loi Asap que des parlementaires et juristes ont traduit As soon as possible («aussi vite que possible»), un leitmotiv libéral en vogue outre-Atlantique, marque un grand recul de l’État. Au détriment de la justice sociale, de l’environnement, de la santé et de la démocratie. Car moins de règles et moins de procédures, c’est au final moins de protections. »
Face aux dégâts dévastateurs de cette loi, l’on reste pantois et désabusé devant l’extrême discrétion des médias dominants.
Coup sur coup, le Haut conseil pour le climat sort un rapport au vitriol et le Conseil d’État ordonne une astreinte record (10 millions par semestre) pour inaction contrela pollution de l’air. Derrière le vibrant « Make the planet great again », le vide.
L’actuel président de la République s’est fait élire sur une imposture majeure, le fameux « ni droite, ni gauche » ou sa variante « de gauche et en même temps de droite ». Certes, il fallait manquer singulièrement de culture politique pour tomber dans ce panneau-là, mais le fait est que l’opération a fonctionné, avec l’aide de l’idiote utile du système, la Pen. Comment ne pas se faire élire face à un tel repoussoir ? Pour le plaisir, nous vous offrons le flashback sur la séquence-culte du débat.
4 mai 2017 : le freluquet tête-à-claques face à la semi-démente
Or donc, il fallait tomber de la lune pour ne pas avoir très bien compris que Macron était de droite, même si c’est le président « socialiste » – guillemets placés à dessein : lui, de gauche ? -, François Hollande, qui lui a mis le pied à l’étrier. Tout simplement parce qu’il appliquait déjà sous Hollande une politique de droite – ainsi la loi travail, exemple emblématique, c’est lui. Son appartenance idéologique au camp de la droite est du reste devenue aujourd’hui encore plus évidente, avec le nouveau gouvernement dirigé par des sarkozystes. Mais une deuxième imposture marque son mandat présidentiel, qui nous fait surnommer Sa Suprême Hypocrisie l’escrologiste. Dès son installation à l’Élysée, Macron a en effet adopté, face à Donald Trump, la posture de héraut de la lutte contre le réchauffement climatique et pour ainsi dire de sauveur du monde. Oh bien-sûr, il n’est pas difficile d’être plus écologiste que le fou-furieux imbécile de la Maison blanche ! Mais tout de même, quelle pantalonnade que d’accorder à Jupiter le titre de Champion de la Terre, décerné par l’Organisation des nations unies !
L’Obs.com s’était alors interrogé : « blague ou récompense méritée ? ». L’introduction de l’article donnait le ton : « Le président français est actif sur la scène diplomatique, mais peine à montrer l’exemple dans les actes ». C’est bien le moins que l’on puisse dire ! La démission de Nicolas Hulot, à qui nous reprocherons toujours d’avoir apporté une caution verte à Macron – comme à Christiane Taubira d’avoir incarné l’alibi de gauche de Hollande -, donnait déjà un indice de la vacuité environnementale concrète du soi-disant Champion de la Terre : « On s’évertue à entretenir un modèle économique cause de tous ces désordres climatiques, avait expliqué le ministre en claquant la porte. (…) Nous faisons des petits pas, et la France en fait beaucoup plus que d’autres pays, mais est-ce que les petits pas suffisent… la réponse, elle est non. » Et d’ajouter : « Je ne peux pas passer mon temps dans des querelles avec Stéphane Travert ». Vous savez, le ministre de l’Agriculture d’alors, auteur de cette fantastique saillie, à propos du glyphosate : « Il n’est pas nécessaire que [son interdiction] soit dans la loi dès lors que nous prenons des engagements ». La loi est passée sans et l’on connaît la suite : le zéro-glyphosate est repoussé à la Saint-Glinglin fin du quinquennat.
Où en sommes-nous donc aujourd’hui, alors que Barbara Pompili vient d’être nommée ministre de la Transition écologique ? Et que Macron le bonimenteur a rajouté d’écœurantes couches à ses dégoulinantes incantations écologistes ?
Les écrits restent.
Ironie du sort, c’est une instance indépendante qu’il a lui-même créée, le Haut conseil pour le climat (HCC), qui répond par le constat sans appel suivant : « La France n’est “pas à la hauteur des enjeux ni des objectifs qu’elle s’est donnés” sur la lutte contre le réchauffement climatique », déplore le deuxième rapport annuel de 160 pages du HCC, en date du 8 juillet dernier. « La redevabilité du gouvernement sur les politiques climatiques reste faible, résume le communiqué de presse. En dépit de certains progrès comme le budget vert qui sera mis en œuvre sur le prochain projet de loi de finances [bien-sûr, le meilleur est toujours pour plus tard !, NdA], l’évaluation des lois et des politiques en regard du climat (…) n’a pas progressé. Les annonces faites au cours de l’année écoulée, comme la feuille de route de chaque ministère sur son budget carbone, sont toujours en attente d’être mises en œuvre. La réduction des émissions de gaz à effet de serre est insuffisante pour respecter les budgets carbone futurs. Les émissions de la France ont diminué de 0,9% en 2019, ce qui est similaire aux années précédentes et loin des –3% attendus dès 2025. » Et concernant le plan de reprise ? « Les premières dispositions du gouvernement en réponse à la crise du COVID-19 ne vont pas dans le sens des recommandations du HCC. Les dispositions sont peu contraignantes et n’incluent pas de mesures d’évaluation. En bénéficiant de plusieurs dizaines de milliards d’euros pour aider à la reprise économique, les entreprises françaises pourraient être sollicitées plus fermement par des mesures contraignantes. » Mais Bruno Le Maire, Emmanuel Macron et la droite en général jamais n’imposent quoi que ce soit aux entreprises : leur religion leur interdit d’exiger toute contrepartie, c’est pécher. Des exhortations, des suppliques, des proclamations de bonne intentions, ça, d’accord. Pour le reste…
« Le décalage entre les discours et les actes d’Emmanuel Macron sur l’écologie et le climat est abyssal » : Greenpeace in Le monde après-Covid : E. Macron arrive à faire pire qu’avant.
Si le HCC « critique vertement l’action gouvernementale », selon la formule amusante du Huffington post, le Conseil d’État va plus loin et « ordonne au gouvernement de prendre des mesures pour réduire la pollution de l’air, sous astreinte de 10 M€ par semestre de retard », par sa décision du 10 juillet. Bigre ! « Après une première décision en juillet 2017, le Conseil d’État constate que le gouvernement n’a toujours pas pris les mesures demandées pour réduire la pollution de l’air dans 8 zones en France. Pour l’y contraindre, le Conseil d’État prononce une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard, soit le montant le plus élevé qui ait jamais été imposé pour contraindre l’État à exécuter une décision prise par le juge administratif. » C’est le problème quand on ne fait rien : ça finit par se voir. « Cette décision historique fait suite à un recours déposé par Les Amis de la Terre France, accompagnés de 77 autres requérants dénonçant l’inaction du gouvernement en matière de protection de la qualité de l’air, synthétise Reporterre. Le Conseil d’État leur a ainsi donné raison, constatant qu’à Grenoble, Lyon, Marseille-Aix, Reims, Strasbourg et Toulouse et Paris, la pollution au dioxyde d’azote continue de dépasser les valeurs limites légales. » Qui touchera cette manne ? Réponse dans le communiqué de presse du Conseil d’État : « cette somme pourrait être versée non seulement aux associations requérantes mais aussi à des personnes publiques disposant d’une autonomie suffisante à l’égard de l’État et dont les missions sont en rapport avec la qualité de l’air ou à des personnes privées à but non lucratif menant des actions d’intérêt général dans ce domaine ».
Même si la satisfaction est de mise de voir ainsi l’inaction macroniste dûment stigmatisée et sanctionnée par la plus haute juridiction administrative française, notons néanmoins que si l’État est ainsi condamné, ce sont in fine les Français qui paient. Ce qui justifiera de nouvelles rengaines sur la dette à l’appui d’austérités futures.
À moins de vraiment renverser la table, c’est toujours le libéralisme qui gagne…
L’accord de libre-échange entre UE et Mercosur, criminel pour le climat, fait désordre face aux engagements environnementaux de l’escrologiste. Alors Macron, devant la Convention citoyenne pour le climat, assure le 29 juin que les négociations sont « stoppées nettes ». Mais l’on apprend le 2 juillet par la bouche du haut-représentant de l’UE qu’elles viennent de s’achever, couronnées de succès. Make thefoutage de gueulegreat again.
Pointo comme Pinocchio…
Décidément, Emmanuel Macron ne peut pas s’en empêcher. Lundi 29 juin, Sa Menterie Effrontée l’assure devant les membres de la Convention citoyenne sur le climat : les négociations pour l’accord de libre-échange avec le Mercosur sont « stoppées net ». Ouf ! Pas de crainte à nourrir donc, l’UE ne s’unira pas au Mercado común del sur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay). On l’a échappé belle, à croire 265 associations et organisations internationales qui publient le même jour une lettre ouverte : « L’accord UE-Mercosur implique l’aggravation de la destruction de l’environnement et de la crise climatique par l’expansion de l’exportation de voitures et l’extension des monocultures et des pâturages. La production de viande et de soja continue à accélérer la destruction de la forêt humide amazonienne, du Cerrado et des forêts tropicales sèches du Chaco, qui sont essentiels pour la stabilisation du climat mondial et pour la biodiversité. L’accord va récompenser ces pratiques. » C’est déjà énorme, mais ce n’est pas tout. La lettre ouverte dénonce également comme conséquence à l’accord « l’augmentation des violations des droits de l’Homme en toute impunité, notamment la violence physique et l’expulsion de petits cultivateurs et des populations autochtones de leurs terres. De nombreux dirigeants indigènes et défenseurs de l’environnement des pays du Mercosur ont été assassinés, dont cinq au seul Brésil entre novembre 2019 et avril 2020. Sous le gouvernement du président Jair Bolsonaro en particulier, les violations des droits humains contre les minorités, les membres de l’opposition, ainsi que le démantèlement des droits des travailleurs se multiplient. En concluant un accord commercial avec des gouvernements qui promeuvent des politiques répressives et de pillage, l’UE récompense les violations des droits humains, en contradiction flagrante avec ses propres valeurs démocratiques. »
N’en jetons plus ? Si, las : l’accord « va augmenter la souffrance animale et porter préjudice aux chaînes de production locales d’aliments. L’UE exige un meilleur bien-être animal et est dotée de normes sanitaires supérieures à celles du Mercosur, ce qui rend la production agricole plus coûteuse au sein de l’UE. Au lieu de renforcer les règles du Mercosur, cet accord va permettre un plus grand accès aux viandes bon marché sur les marchés européens, créant de la sorte une pression à la baisse sur les prix à la production agricole des deux côtés de l’Atlantique. L’augmentation des exportations de viande, l’intensification des cultures de soja et de canne à sucre, soit comme aliments exportés dans l’UE pour l’élevage, soit comme carburants, vont intensifier la destruction de l’environnement, l’utilisation d’OGMs, d’antibiotiques et de pesticides, et la pollution accrue des sols et des eaux. En outre, de nombreux pesticides utilisés dans le Mercosur sont interdits dans l’UE. » Il faut décidément à tout prix empêcher la conclusion de cet accord ! Comptons donc sur le président, s’il dit que les négociations sont « stoppées nettes ».
Make thefoutage de gueulegreat again
Patatras : en ce même 29 juin, l’association Attac décrypte la conférence de presse devant la Convention et dément déjà l’assertion présidentielle : « Deux autres mesures emblématiques des politiques de rupture qu’il faudrait mettre en œuvre ont été écartées par Emmanuel Macron. Les 150 membres de la Convention proposaient que le Ceta, l’accord de commerce entre l’Union européenne et le Canada, ne soit pas ratifié et qu’il soit renégocié. Ce n’est pas l’option retenue par Emmanuel Macron : le Ceta va continuer à s’appliquer alors que le processus de ratification n’est toujours pas achevé. Par ailleurs, Emmanuel Macron a indiqué qu’il «avait stoppé net les négociations avec le Mercosur». C’est inexact puisque des négociations sur la finalisation du texte ont encore eu lieu ce printemps et que l’Allemagne en a fait une priorité pour les six mois de présidence de l’UE qu’elle va exercer à compter de ce 1er juillet. » Aïe.
Et puis le coup de grâce, relevé par Reporterreet asséné le 2 juillet par Josep Borrell Fontelles, le haut-représentant de l’UE pour les affaires étrangères.
Il se félicite de la finalisation des négociations de l’accord entre l’UE et le Mercosur. Autrement dit, les négociations étaient tellement « stoppées nettes » le 29 juin qu’elles sont achevées le 2 juillet! Et maintenant ? « Après plus de vingt ans de négociations, c’est donc un accord complet (…) qui sera soumis dans les semaines à venir «aux prochaines étapes de délibération requises au sein de l’UE avant sa signature et son entrée en vigueur», selon un communiqué de presse de la délégation permanente de l’UE au Paraguay (pays qui a la présidence tournante du Mercosur). Les pays du Mercosur et l’Allemagne (…) souhaitent que cela aboutisse d’ici à la fin de l’année 2020. »
Au fait, avez-vous entendu, vu ou lu quelque chose à propos de ce flagrant grand écart entre l’affirmation présidentielle et la réalité ? L’Usine nouvelle a certes publié un papier le 2 juillet avec cet intéressant paragraphe : « Le président français Emmanuel Macron a annoncé en août dernier qu’il s’opposait au projet de traité de libre-échange entre l’UE et le Mercosur en reprochant à son homologue brésilien, Jair Bolsonaro, de lui avoir « menti » sur ses engagements écologiques. Il a répété lundi qu’il s’opposait à la signature de tout accord avec les pays ne respectant pas l’Accord de Paris sur le climat. » Ce qui explique le titre de l’article : Le Mercosur veut sceller l’accord avec l’UE malgré la résistance de Paris. Faux ! Le Mercosur ET l’UE veulent sceller l’accord : la « résistance de Paris » n’a pas empêché le haut-représentant européen de se réjouir publiquement (en espagnol) que les négociations soient terminées et couronnées de succès ! Et ce n’est par conséquent même pas non plus qu’ils « veulent sceller l’accord », il est scellé ! Alors quoi ? Macron est-il vraiment hostile à cet accord mais tout le monde s’en fout personne n’en a cure ? Entend-il tout mettre en œuvre pour empêcher qu’il n’entre en vigueur ? En a-t-il seulement les moyens ? Ou tout simplement se moque-t-il une fois de plus du monde ? Biffez les mentions inutiles.
L’arrêt du glyphosate, promis par l’escrologiste en novembre 2017 pour au plus tard dans 3 ans, avait été renié par Didier Guillaume, l’actuel ministre de l’Empoisonnement l’Agriculture la semaine dernière.
« Et alors là, vous allez rire Monsieur Bourdin, le journaliste me demande si on va arrêter le glyphosate… »
Sa collègue en charge de la Transition écologique et solidaire (sic), Élisabeth Borne, confirme mardi dans une interview accordée au Parisien. Ce qui tombe mal : l’ancienne ministre des Transports, fossoyeuse de la SNCF (ouverture à la concurrence du transport ferroviaire, transformation du statut de l’entreprise et arrêt du recrutement au statut de ses agents), en allant au-devant de la presse, « assure le service après-vente présidentiel de la Convention citoyenne pour le climat », comme l’écrivent les confrères du Parisien. Donc elle entend dérouler un discours plus vert que vert, et on va voir ce qu’on va voir, et « Aujourd’hui, on démontre que la promesse sera tenue et qu’on va aller au bout de la transformation écologique du pays » (on pouffe, mais si, elle l’a vraiment dit). Et puis paf ! Question sur le glyphosate. La tuile.
« Et l’interdiction du glyphosate, c’est enterré ? », l’entreprend frontalement Le Parisien. La réponse est inénarrable : « Non, c’est même le contraire ! » Mais Borne n’a donc aucune limite! « Nous étudions actuellement des alternatives qui pourraient permettre d’en sortir rapidement », poursuit-elle. Oui, ça on sait, Macron l’a annoncé en novembre 2017. Et ça avance? « Il faut bien sûr-étudier la question du surcoût, des alternatives. » Bien-sûr, n’oublions pas que le pouvoir est otage des productivistes empoisonneurs du syndicat agricole FNSEA, lui-même aux mains du lobby de l’agrochimie… Mais ça aussi, le gouvernement – son propre ministère ! – est censé être dessus depuis novembre 2017. Alors ? « Mais je peux vous assurer que cette interdiction sur les principaux usages sera mise en œuvre avant la fin du quinquennat. L’engagement sera tenu. » Certes, par rapport à la sortie de Didier Guillaume, on regagne trois ans. Il avait dit 2025, elle borne à mai 2022. Mais ajouter « L’engagement sera tenu », comment dire ? Pour les mal-comprenant, rappelons que l’engagement était l’interdiction fin 2020. Il ne sera donc de facto pas tenu.
Stéphane Travert : une alimentation saine et durable… au glyphosate
C’est là qu’intervient l’une des plus énormes des Phrases du jour de plumedepresse. Elle date de mai 2018 mais c’est aujourd’hui qu’elle prend tout son sel. Pour rendre à César ce qui lui appartient, c’est le confrère de Libération Sylvain Chazot qui la rappelle dans son excellent article titré avec un bel esprit Glyphosate : le gouvernement recule encore pour mieux reculer. Rappelons le contexte, celui de la loi Agriculture et alimentation, dite loi Égalim et dont le titre complet est « loi pour pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous » (nous pouffons derechef). « Malgré des amendements déposés et défendus y compris par des députés de la majorité », comme le résume France Inter, « pas question d’inscrire dans cette loi la promesse présidentielle d’en finir avec cet herbicide dans trois ans. » Et pourquoi donc ? Fantastique réponse du ministre de l’Agriculture de l’époque, Stéphane Travert : « Il n’est pas nécessaire que ce soit dans la loi dès lors que nous prenons des engagements, dès lors où nous avons un plan sur les produits phytopharmaceutiques qui est en place. La position du gouvernement est claire. »
Pas la peine de l’inscrire dans la loi, puisqu’on vous dit qu’on va le faire ! Nous en prenons l’en-ga-ge-ment. A posteriori, c’est tout à fait savoureux, alors que la Macronie renie sa promesse. Décidément, aucune confiance à accorder à la clique au pouvoir. En doutiez-vous ?
Zéro glyphosate au plus tard en 2020, promis-juré-craché ? Le ministre prolonge l’empoisonnement d’au moins cinq ans ! Pour une vraie politique environnementale, dégagez Macron l’imposteur.
« Le député Loïc Prud’homme a ouvert ce jour là la série des questions de la France Insoumise à l’Assemblée nationale avec une interpellation cinglante, relate Jean-Luc Mélenchon, le président de ce groupe parlementaire. mercredi dernier. Car la forfaiture continue. En novembre 2017, Emmanuel Macron avait promis la fin de son utilisation dans 3 ans. Le délai est bientôt écoulé, et le glyphosate est toujours là. Pire, les manoeuvres pour valider son renouvellement le plus long possible se poursuivent de plus belle. L’Agence nationale de sécurité sanitaire est au coeur d’un scandale à ce propos en ce moment. » Pour en savoir plus, lisez Le Monde. Et pour la fameuse promesse d’arrêt du glyphosate solennellement proclamée par celui que nous avons baptisé l’escrologiste ?
Oui mais voilà : « On n’y arrivera pas […]il faut dire la réalité, estime en tout cas ce vendredi Didier Guillaume. Dire que nous devrions tout arrêter, c’est tromper les gens, c’est partir dans une aventure qui serait dramatique, parce que si on dit « zéro glyphosate », on arrêtera de produire de l’alimentation. » Didier Guillaume ? Bingo : ministre de l’Agriculture ! Les mauvaises langues lui donneront plutôt les titres de larbin des lobbies ou de valet de la FNSEA, syndicat des empoisonneurs associés.
Reprenons les termes de cet abandon en rase campagne de la promesse du zéro-glyphosate : « Dire que nous devrions tout arrêter, c’est tromper les gens », explique donc Didier Guillaume. Mais alors, en promettant que « l’utilisation du glyphosate soit interdite en France au plus tard dans trois ans », Emmanuel Macron ne disait pas « la réalité », en flagrant délit de « tromper les gens » ! Si c’est son ministre qui le dit…