Sep 262020
 

Bachelot, Touraine, Buzyn, Véran… Les ministres de la Santé de droite, sarkozystes, hollandistes ou macronistes, se succèdent pour enfoncer les clous du cercueil de l’hôpital public. Chronique d’une catastrophe annoncée.

Hôpitaux : "On n'a pas tiré les conclusions" de la première vague, accuse le professeur Philippe Juvin
Ici, un soignant nommé Philippe Juvin, qui déplore la casse de l’hôpital public

C‘est quand même assez incroyable que huit mois après la crise, on soit dans un système où on n’a pas augmenté le nombre de lits de réanimation ou d’hospitalisations, on l’a même réduit. Paradoxalement, au mois d’octobre, nous risquons d’avoir moins de moyens hospitaliers à la disposition des malades du Covid qu’au mois de mars. » Voici l’alerte lancée par le professeur Philippe Juvin, chef des urgences de l’hôpital européen Georges-Pompidou. Il a raison et c’est un scandale. « Nous sommes à l’os en matière hospitalière, nous n’avons pas de marge de manœuvre et la Covid arrive en faisant déborder le vase qui était déjà extrêmement plein. Toutes ces mesures ne sont prises que dans un seul but, c’est de faire en sorte de ne pas submerger le système de santé. Aujourd’hui, on paye un système de santé qui s’est appauvri. » C’est exactement ça. Si les restaurants et les bars ferment à nouveau dans la Métropole Aix-Marseille Provence dimanche soir (pour une semaine finalement, au terme de laquelle on réévaluera la situation) et en Guadeloupe, ce n’est pas que la fameuse « deuxième vague » – expression entre guillemets pour interroger sa pertinence – serait particulièrement submersive, mais bien parce que le système de santé, « à l’os » comme le diagnostique notre professeur, ne peut assumer de surcharge. Autrement dit, le problème n’est pas sanitaire. Il résulte de choix politiques : il n’y a pas assez de lits, pas assez de soignants. Depuis quand ? Longtemps.

La Garenne-Colombes : retour de buzz (suite 2): Nicolas Sarkozy a trouvé  quelqu'un chez les Républicains qui a encore envie d'être soutenu par lui  ...
Là, un homme politique Les Républicains nommé Juvin Philippe, qui a mis en œuvre avec ses amis la casse de l’hôpital public

Problème : le soignant est aussi un politique, RPR puis UMP et aujourd’hui LR avec une belle constance, ancien eurodéputé, actuel maire de La Garenne-Colombes et président de la fédération LR des Hauts-de-Seine. Et que disait-il de la loi Bachelot, en 2009, pour la défendre ardemment ? « La loi Bachelot permet de sauver l’hôpital public en l’organisant mieux ». Nous sommes en 2020, onze ans plus tard, et il est donc manifeste que la loi Bachelot a échoué à « sauver l’hôpital public », si toutefois tel était son objectif authentique. Mais qu’a-t-elle produit comme résultat, dès lors ?

La loi Bachelot a fait de l'hôpital une entreprise - le Plus
La loi Bachelot, censée « sauver l’hôpital public » en 2009, vue par les syndicats de santé de l’époque

La loi du 21 juillet 2009 – tiens, pendant les vacances ! – « Hôpital, patients, santé et territoire », dite loi Bachelot pour la ministre de la Santé qui l’a portée, Roselyne Bachelot-Narquin, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, a jeté les bases du système de santé français tel qu’il fonctionne encore aujourd’hui. Quatre ans après sa promulgation, André Grimaldi, chef de service à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris), la dénonçait pour avoir « anéanti le service public hospitalier », pas moins : « cette loi a supprimé « le service public hospitalier » pour le remplacer par « des établissements de santé aux statuts variables ». Elle a, au nom de la lutte contre les abus du pouvoir médical, supprimé tout pouvoir soignant pour donner tout le pouvoir aux gestionnaires. Elle a signifié formellement la fin des services qui regroupent les équipes soignantes, remplacés par des « pôles » de gestion. Elle a consacré le pouvoir du directeur, « seul patron à bord », sous la tutelle étroite du directeur de l’ARS (ndlr : Agence régionale de santé), véritable préfet sanitaire aux ordres du gouvernement. (…) Le seul objectif fixé à cette immense machine bureaucratique est celui de la rentabilité promue par la généralisation de la tarification à l’activité (T2A). »

Feu Bernard Debré (décédé le 13 septembre dernier), alors député UMP donc de la même formation politique, tirait à boulets rouges sur cette loi avant même qu’elle ne soit votée : « Nous sommes en révolte parce que nous croyons que le pouvoir qu’ont les médecins de proposer un projet médical pour l’hôpital ne leur appartiendra pas. Ce sera le directeur (qui l’aura) avec une vision uniquement comptable. » Peut-être réagissait-il davantage en soignant, en professeur de médecine, ancien chef du service d’urologie de l’hôpital Cochin qu’il était, qu’en suivant l’idéologie libérale de la loi Bachelot. Au contraire de Philippe Juvin, pas encore touché par la grâce. La loi Bachelot a ainsi consacré la logique de « l’hôpital-entreprise ». Et depuis ?

Cazeneuve, Le Drian, Vallaud-Belkacem... Qui pour remplacer Valls à  Matignon?
Appelle Marisol, on va supprimer 16 000 lits en trois ans !
Sérieux ?

« Tous les gouvernements, de droite comme de gauche, ont mené cette politique de casse pendant ces «trente désastreuses», récapitule l’économiste Jean Gadrey, membre du Conseil scientifique d’Attac, dans Politis. Il en a fallu, des lois austéritaires, pour cela ! Rien qu’au cours des onze dernières années, on a eu la loi Bachelot de 2009, qui avait pour objectif de supprimer 22 000 postes et de fermer 16 000 lits d’hospitalisation en installant à la direction des hôpitaux des managers non médicaux. En 2015, la loi de Marisol Touraine et Manuel Valls était tout aussi «ambitieuse» dans la casse. Depuis le début du règne d’Emmanuel Macron, le tour de vis s’est poursuivi en dépit des puissants mouvements des personnels soignants. La loi Buzyn de 2019 a prévu notamment de «déclasser» environ 300 hôpitaux de proximité en fermant de nombreux services d’urgence et de chirurgie et des maternités. »

Image
Edit du 29 septembre

Voilà donc où nous en sommes aujourd’hui. Nous payons les conséquences de trente ans de politiques libérales. Depuis 1991, la densité de lits d’hôpital par habitants a baissé en France de 48% ! Macron, à la suite de la crise sanitaire, va-t-il améliorer les choses ? Il n’en a en tout cas rien fait pour l’instant, alors que l’électrochoc du confinement aurait dû le pousser à agir, mieux qu’avec un « Ségur » bidon. C’était l’occasion, le moment idéal. Mais l’hypocrite petit banquier d’affaires ne renoncera jamais à ses dogmes, dussent-ils précipiter la France dans le mur. Alors qui ? Un LR, un PS, responsables complices de cette casse ? Ne les croyez pas s’ils l’osaient promettre. Un programme politique a chiffré l’effort qu’il propose de mettre en œuvre : le recrutement de 62 500 soignants et médecins à l’hôpital. Pour cela comme le reste, un seul choix donc, celui de L’Avenir en commun.

NOTRE BIEN
COMMUN
LA SANTÉ
Les livrets de la France insoumise #22 SANTÉ
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Juil 202020
 

« D’après nos calculs, le budget pour une famille de quatre personnes avec deux enfants âgés de plus de 11 ans (NDLR : âge à partir duquel un enfant doit obligatoirement en porter un) s’élève à 96 euros par mois pour des modèles lavables et à… 228 euros (!) pour des masques à usage unique » : Le Parisien chiffre l’ampleur du scandale de refuser la gratuité des masques désormais obligatoires (depuis ce matin) dans les lieux publics clos.

Les députés France insoumise expliquaient dans leur projet de loi du 28 avril dernier : « il est indispensable de généraliser le port du masque dans la population et le rendre obligatoire dans les lieux publics. Pour ce faire, il faut que ceux-ci soient accessibles, donc disponibles, mais aussi gratuits. Même si le coût unitaire du masque peut sembler modique, il ne sera pas à la portée des personnes les plus démunies déjà fortement touchées par la crise sociale. (…) Pour que le port obligatoire du masque soit possible, il faut que personne ne se pose la question de s’en passer. Pour qu’il soit efficace, il faut que personne ne doive économiser les masques par manque d’argent. »

SOLIDAIRES 28
Les Insoumis ne sont pas seuls à le réclamer : le Parti socialiste, Europe Écologie-Les Verts, l’association Attac, la CGT et l’Union syndicale Solidaires aussi.

Le groupe parlementaire France insoumise fait preuve de constance : après que la proposition de loi du 28 avril, présentée par Bastien Lachaud, a été rejetée, Alexis Corbière a présenté un amendement au projet de loi sur l’état d’urgence sanitaire dans la nuit du 8 au 9 mai, pour demander à nouveau la gratuité. Amendement rejeté… en huit secondes exactement, sans discussion (voir la séquence vidéo), jugé « irrecevable ». Jamais deux sans trois, dit-on ? C’est cette fois Adrien Quatennens qui va s’y coller : une nouvelle proposition de loi a été déposée aujourd’hui 20 juillet. Que répondra cette fois La République en marche ?

Post scriptum : les ventes de masques ont généré 175 millions d’euros de chiffre d’affaires dans la grande distribution.

Mise à jour du 22 juillet : Macron répond non.

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Juil 182020
 

Pour tous les soignants, la Covid 19 sera au-to-ma-ti-que-ment reconnue comme maladie professionnelle, jurait-il, la main sur le cœur. Mais une immense majorité des soignants contaminés sera finalement laissée pour compte. Le reniement, c’est maintenant.

Le syndicat Sud alerte : « Olivier Véran avait promis solennellement et réaffirmé devant l’assemblée nationale le 21 avril : «s’agissant des soignants, quels qu’ils soient, quels que soient leur lieu d’exercice et leur mode d’exercice – à l’hôpital, en Ehpad, en ville –, quelle que soit la discipline concernée, nous avons décidé une reconnaissance automatique comme maladie professionnelle, ce qui signifie une indemnisation en cas d’incapacité temporaire ou permanente, et, en cas de décès, des mesures au bénéfice des descendants. Autrement dit, l’imputabilité du travail dans la survenue de la maladie est automatique. C’est unique. (…) Un soignant n’aura pas à démontrer qu’il a été contaminé sur son lieu de travail ; on considérera automatiquement qu’il l’a été.»

Deux fois « automatique » et une fois « automatiquement » : le ministre de la Santé avait été on ne peut plus clair ! Mais que croyez-vous qu’il advint ensuite ? Les syndicalistes racontent : « Une réunion de présentation du futur décret créant le nouveau tableau de maladie professionnelle lié au Covid s’est tenue ce vendredi 10 juillet devant les organisations syndicales des hospitaliers. On nous y annonce que seule.e.s les hospitalier.e.s contaminé.e.s par le Covid ayant bénéficié d’une assistance par oxygène seront reconnus automatiquement en maladie professionnelle. Soit une infime proportion au regard du nombre de professionnel.le.s contaminé.e.s ! Pas de négociation, le texte est bouclé, nous a-t-on répondu. (…) La Fédération Sud Santé Sociaux a dénoncé cette décision insultante, et averti de la colère et du dégoût que cela allait susciter dans les équipes, à l’heure où l’on nous prépare à une deuxième vague. »

« Et aussi vrai que les promesses n’engagent que ceux qui les croient, je veux dire aux soignants… »
Derrière, Édouard Philippe sifflote.
©JACQUES WITT / POOL/EPA/MAXPPP

La conclusion est sans appel : « derrière ce texte, se cache la volonté du gouvernement de masquer la réalité du nombre de contaminations et d’assumer pleinement qu’il a envoyé sans moyen de protection et mis en danger des centaines de milliers de soignant.e.s ! La fédération Sud Santé Sociaux est d’ores et déjà en ordre de bataille pour engager des voix de recours et faire en sorte que toutes les victimes puissent faire valoir leurs droits. »

Décidément, après n’avoir cessé hier de glorifier les soignants, à longueur d’hommages et de remerciements éplorés, ces hypocrites n’ont pas mis longtemps avant de revenir à leur ancien monde. Où les acteurs du système de santé ont pu se mettre en grève et manifester pendant plus d’un an (avant la crise sanitaire) sans rien obtenir que gazages et coups de matraques, ce monde où on les ignore et les méprise. Comme l’on ignore et méprise les revendications sociales et écologiques. Non sans belles paroles à l’exact opposé des actes ! Que se vayan todos*.

Post scriptum : puisque le port du masque dans les lieux publics couverts sera obligatoire à partir de lundi, réitérons qu’il est scandaleux que lesdits masques ne soient pas gratuits !

La France insoumise fait une proposition de loi pour la gratuité des masques. On parie que les macronistes vont refuser ?


*« Qu’ils s’en aillent tous » en espagnol, slogan du mouvement des piqueteros en Argentine face à la banqueroute bancaire en 2001.

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Juil 122020
 

Coup sur coup, le Haut conseil pour le climat sort un rapport au vitriol et le Conseil d’État ordonne une astreinte record (10 millions par semestre) pour inaction contre la pollution de l’air. Derrière le vibrant « Make the planet great again », le vide.

L’actuel président de la République s’est fait élire sur une imposture majeure, le fameux « ni droite, ni gauche » ou sa variante « de gauche et en même temps de droite ». Certes, il fallait manquer singulièrement de culture politique pour tomber dans ce panneau-là, mais le fait est que l’opération a fonctionné, avec l’aide de l’idiote utile du système, la Pen. Comment ne pas se faire élire face à un tel repoussoir ? Pour le plaisir, nous vous offrons le flashback sur la séquence-culte du débat.

4 mai 2017 : le freluquet tête-à-claques face à la semi-démente

Or donc, il fallait tomber de la lune pour ne pas avoir très bien compris que Macron était de droite, même si c’est le président « socialiste » – guillemets placés à dessein : lui, de gauche ? -, François Hollande, qui lui a mis le pied à l’étrier. Tout simplement parce qu’il appliquait déjà sous Hollande une politique de droite – ainsi la loi travail, exemple emblématique, c’est lui. Son appartenance idéologique au camp de la droite est du reste devenue aujourd’hui encore plus évidente, avec le nouveau gouvernement dirigé par des sarkozystes. Mais une deuxième imposture marque son mandat présidentiel, qui nous fait surnommer Sa Suprême Hypocrisie l’escrologiste. Dès son installation à l’Élysée, Macron a en effet adopté, face à Donald Trump, la posture de héraut de la lutte contre le réchauffement climatique et pour ainsi dire de sauveur du monde. Oh bien-sûr, il n’est pas difficile d’être plus écologiste que le fou-furieux imbécile de la Maison blanche ! Mais tout de même, quelle pantalonnade que d’accorder à Jupiter le titre de Champion de la Terre, décerné par l’Organisation des nations unies !

Vu par le dessinateur satirique Placide

L’Obs.com s’était alors interrogé : « blague ou récompense méritée ? ». L’introduction de l’article donnait le ton : « Le président français est actif sur la scène diplomatique, mais peine à montrer l’exemple dans les actes ». C’est bien le moins que l’on puisse dire ! La démission de Nicolas Hulot, à qui nous reprocherons toujours d’avoir apporté une caution verte à Macron – comme à Christiane Taubira d’avoir incarné l’alibi de gauche de Hollande -, donnait déjà un indice de la vacuité environnementale concrète du soi-disant Champion de la Terre : « On s’évertue à entretenir un modèle économique cause de tous ces désordres climatiques, avait expliqué le ministre en claquant la porte. (…) Nous faisons des petits pas, et la France en fait beaucoup plus que d’autres pays, mais est-ce que les petits pas suffisent… la réponse, elle est non. » Et d’ajouter : « Je ne peux pas passer mon temps dans des querelles avec Stéphane Travert ». Vous savez, le ministre de l’Agriculture d’alors, auteur de cette fantastique saillie, à propos du glyphosate : « Il n’est pas nécessaire que [son interdiction] soit dans la loi dès lors que nous prenons des engagements ». La loi est passée sans et l’on connaît la suite : le zéro-glyphosate est repoussé à la Saint-Glinglin fin du quinquennat.

Où en sommes-nous donc aujourd’hui, alors que Barbara Pompili vient d’être nommée ministre de la Transition écologique ? Et que Macron le bonimenteur a rajouté d’écœurantes couches à ses dégoulinantes incantations écologistes ?

Les écrits restent.

Ironie du sort, c’est une instance indépendante qu’il a lui-même créée, le Haut conseil pour le climat (HCC), qui répond par le constat sans appel suivant : « La France n’est “pas à la hauteur des enjeux ni des objectifs qu’elle s’est donnés” sur la lutte contre le réchauffement climatique », déplore le deuxième rapport annuel de 160 pages du HCC, en date du 8 juillet dernier. « La redevabilité du gouvernement sur les politiques climatiques reste faible, résume le communiqué de presse. En dépit de certains progrès comme le budget vert qui sera mis en œuvre sur le prochain projet de loi de finances [bien-sûr, le meilleur est toujours pour plus tard !, NdA], l’évaluation des lois et des politiques en regard du climat (…) n’a pas progressé. Les annonces faites au cours de l’année écoulée, comme la feuille de route de chaque ministère sur son budget carbone, sont toujours en attente d’être mises en œuvre. La réduction des émissions de gaz à effet de serre est insuffisante pour respecter les budgets carbone futurs. Les émissions de la France ont diminué de 0,9% en 2019, ce qui est similaire aux années précédentes et loin des –3% attendus dès 2025. » Et concernant le plan de reprise ? « Les premières dispositions du gouvernement en réponse à la crise du COVID-19 ne vont pas dans le sens des recommandations du HCC. Les dispositions sont peu contraignantes et n’incluent pas de mesures d’évaluation. En bénéficiant de plusieurs dizaines de milliards d’euros pour aider à la reprise économique, les entreprises françaises pourraient être sollicitées plus fermement par des mesures contraignantes. » Mais Bruno Le Maire, Emmanuel Macron et la droite en général jamais n’imposent quoi que ce soit aux entreprises : leur religion leur interdit d’exiger toute contrepartie, c’est pécher. Des exhortations, des suppliques, des proclamations de bonne intentions, ça, d’accord. Pour le reste…

« Le décalage entre les discours et les actes d’Emmanuel Macron sur l’écologie et le climat est abyssal » : Greenpeace in Le monde après-Covid : E. Macron arrive à faire pire qu’avant.

Si le HCC « critique vertement l’action gouvernementale », selon la formule amusante du Huffington post, le Conseil d’État va plus loin et « ordonne au gouvernement de prendre des mesures pour réduire la pollution de l’air, sous astreinte de 10 M€ par semestre de retard », par sa décision du 10 juillet. Bigre ! « Après une première décision en juillet 2017, le Conseil d’État constate que le gouvernement n’a toujours pas pris les mesures demandées pour réduire la pollution de l’air dans 8 zones en France. Pour l’y contraindre, le Conseil d’État prononce une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard, soit le montant le plus élevé qui ait jamais été imposé pour contraindre l’État à exécuter une décision prise par le juge administratif. » C’est le problème quand on ne fait rien : ça finit par se voir. « Cette décision historique fait suite à un recours déposé par Les Amis de la Terre France, accompagnés de 77 autres requérants dénonçant l’inaction du gouvernement en matière de protection de la qualité de l’air, synthétise Reporterre. Le Conseil d’État leur a ainsi donné raison, constatant qu’à Grenoble, Lyon, Marseille-Aix, Reims, Strasbourg et Toulouse et Paris, la pollution au dioxyde d’azote continue de dépasser les valeurs limites légales. » Qui touchera cette manne ? Réponse dans le communiqué de presse du Conseil d’État : « cette somme pourrait être versée non seulement aux associations requérantes mais aussi à des personnes publiques disposant d’une autonomie suffisante à l’égard de l’État et dont les missions sont en rapport avec la qualité de l’air ou à des personnes privées à but non lucratif menant des actions d’intérêt général dans ce domaine ».

Même si la satisfaction est de mise de voir ainsi l’inaction macroniste dûment stigmatisée et sanctionnée par la plus haute juridiction administrative française, notons néanmoins que si l’État est ainsi condamné, ce sont in fine les Français qui paient. Ce qui justifiera de nouvelles rengaines sur la dette à l’appui d’austérités futures.

À moins de vraiment renverser la table, c’est toujours le libéralisme qui gagne…

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Juil 012020
 

Pour l’ensemble de son œuvre, hélas encore inachevée, le préfet de police de Paris Didier Lallement méritait bien son pilori sur plumedepresse !

Lallement et Castaner, les copains et les coquins, morts de rire lors de la première journée nationale d’hommage aux victimes du terrorisme (11/06/2020).

Le dossier est lourd, très lourd. Par quoi commencer ? Allez, la déclaration qui a inspiré le (piteux) titre de ce billet, en date du 24 juin 2020, carrément dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Le préfet de police de Paris, Didier Lallement, y était auditionné par la commission d’enquête parlementaire sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire. Répondant à Ugo Bernalicis, député La France insoumise, à propos du laisser-faire total de la préfecture face aux manifestations « sauvages » des policiers – parfaitement illégales – protestant qu’on les accuse de racisme et de violence et qu’on veuille les empêcher d’étrangler les gens jusqu’à la mort, il a osé cette réponse : « Je n’ai pas trouvé les organisateurs. » Libération déduit : « En conséquence : aucune interpellation n’a pu avoir eu lieu puisque pour que le délit d’attroupement «soit constitué, il faut que la personne qui a appelé à la manifestation soit identifiée». Didier Lallement venait pourtant d’expliquer que dans les cas des manifestations non autorisées, qui sont appelées sur les réseaux sociaux, «la doctrine que j’ai mise en place, c’est de dire : oui, on interpelle, puisqu’il y a un délit d’attroupement qui est constitué».
Sauf que là, donc, il n’a pas trouvé les organisateurs.

L’humoriste Alex Vizorek, au micro de Par Jupidémie sur France Inter, s’illustre mieux qu’un analyste juridico-politique en s’exclamant en substance : « C’est bête, quel dommage qu’il ne dispose pas d’équipes d’enquêteurs ! » C’est entendu, ce « Je n’ai pas trouvé les organisateurs » est à la fois grotesque et odieusement méprisant tant il insulte la représentation nationale à laquelle il s’adresse. Les députés vont-ils croire une seconde que le préfet de police de Paris est incapable de trouver qui a organisé cette manifestation illégale de policiers ? Les limiers de Libération y sont parvenus, eux : « En cherchant l’origine de ces manifestations sur les réseaux sociaux, CheckNews a pu identifier plusieurs messages, qui indiquent que les rassemblements parisiens répondent à l’appel de la BAC 75N, c’est-à-dire la brigade anticriminalité de nuit de Paris. Ainsi, la page Facebook du syndicat policier Unité SGP Police 94 note le 14 juin qu’elle «a répondu présente à l’appel initié par nos collègues de la BAC 75N, appelant à se réunir au pied de l’arc de Triomphe». Idem le 18 juin, elle note «Unité SGP 94 présent lors du rassemblement initié par la Bac 75 N au Château de Vincennes», où avait lieu un nouveau rassemblement. » Ce bon préfet Lallement n’avait pas pensé à aller voir sur Twitter ! Et les organisateurs de la manifestation illégale ne seront pas inquiétés.

Une autre déclaration de Lallement fait encore frémir à la relecture : « ceux qui sont aujourd’hui hospitalisés, ceux qu’on trouve dans les réanimations, désormais, aujourd’hui, ce sont ceux qui au début du confinement, ne l’ont pas respecté. C’est très simple. Il y a une corrélation très simple. » Cette fois, le préfet a dû présenter ses excuses: « la préfecture de police a fait savoir, par le biais d’un communiqué, que Didier Lallement « regrette les propos qu’il a tenus ce matin lors d’une opération de contrôle des mesures de confinement et tient à les rectifier. » Toujours selon la préfecture, « son intention n’était pas d’établir un lien direct entre le non-respect des consignes sanitaires et la présence des malades en réanimation. Il s’agissait de rappeler la nécessité d’une stricte application du confinement dans cette période, pour la protection de la santé de chacun. » En bref, il ne voulait pas dire ce qu’il a très exactement dit, en des termes on ne peut plus explicites. Sors les rames, Didier !

« Nous ne sommes pas dans le même camp, Madame »
Nous vous annoncions un dossier très lourd et nous tenons nos promesses. Il y a donc aussi cette scène captée en vidéo, face à une manifestante Gilet jaune.

Pourquoi donc le préfet, qui « s’abstient, dans l’exercice de ses fonctions, de toute expression ou manifestation de ses convictions religieuses, politiques ou philosophiques » (code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale), dit-il à cette femme qu’ils ne sont « pas dans le même camp » ? Parce qu’elle manifeste contre le pouvoir ? Qu’elle manifeste tout court ? La question reste posée. La réponse suggérée côté préfectoral relève là encore du parfait foutage de gueule : « L’entourage du préfet de police de Paris assure à franceinfo que Didier Lallement parlait « du camp des casseurs et pas de celui des gilets jaunes. » Il est vrai que la femme à qui il s’adresse ressemble furieusement à une membre des black blocks !

« Mise en danger de la vie d’autrui »

Priscillia Ludosky, co-organisatrice d’une manifestation Gilets jaunes en novembre 2019, porte plainte contre le préfet de police de Paris.

Mais voyons concrètement comment Lallement traite donc ces Gilets jaunes qu’il assimile tous à des casseurs, avec l’exemple d’une manifestation de novembre 2019, qui lui vaut une plainte pour « atteinte à la liberté individuelle par personne dépositaire de l’autorité publique », « entrave à la liberté d’expression, de réunion et de manifestation » et « mise en danger de la vie d’autrui. » Les plaignants sont les co-organisateurs de la manifestation, Priscillia Ludosky et Faouzi Lellouche. Ils sont soutenus par la Ligue des droits de l’Homme, qui dénonce de « graves atteintes aux libertés » et « un recours disproportionné à la force publique », et décompte « au moins 94 blessés. » Dont un énième éborgné : insupportable ! Que s’est-il passé ?

La stratégie de la nasse contre le droit de manifester est le titre du rapport de 30 pages de L’Observatoire parisien des libertés publiques, émanation de la Ligue de droits de l’Homme. En voici la conclusion : « La manifestation prévue au départ de la place d’Italie a été le théâtre d’interventions violentes, d’un recours massif aux armes du maintien de l’ordre, dont des armes de guerre, par les forces de police et de gendarmerie présentes sur place. Place d’Italie, on dénombre 94 personnes prises en charge par les secouristes de rue présents sur place, une personne mutilée ayant perdu un œil, un journaliste grièvement blessé au visage et des personnes en état de détresse (évanouissements, crises de panique). L’Observatoire s’inquiète de l’emploi d’armes qui mutilent, blessent et traumatisent. Utilisées dans le cadre d’une stratégie de dissuasion et d’intimidation, elles affaiblissent le droit de manifester pourtant nécessaire dans une société démocratique. Il s’alerte également que journalistes et «streets-médics» soient pris pour cible. (…) De multiples irrégularités ont été constatées, telles l’absence de sommations, l’utilisation d’armes en dehors de toute nécessité ou proportionnalité, et l’absence d’insignes ou d’identification de policiers en intervention. »

Premier mai 2019 chamailleur

« L’Observatoire s’inquiète de la pratique de la nasse comme technique de maintien de l’ordre, poursuit le rapport. Cette technique policière à l’utilisation de plus en plus fréquente, pose en effet des réelles questions quant à sa légalité (privation de liberté hors cadre légal, limitation injustifiée des libertés d’aller et venir, d’expression, de réunion et de manifestation) et aux risques qu’elle engendre pour l’intégrité physique des personnes, manifestant·es ou non. Ces éléments conduisent l’Observatoire à s’interroger quant aux objectifs poursuivis par les autorités et salles de commandement à travers la mise en place d’un encadrement de cette nature, dont la capacité à accroître considérablement les tensions et à augmenter les risques de blessures graves ne pouvait raisonnablement être ignorée. Les autorités ont-elles véritablement souhaité éviter les heurts, violences ou débordements ? Au contraire, il apparaît que la stratégie du maintien de l’ordre adoptée et la stratégie de communication offensive, ont constitué un cadre particulièrement favorable au développement de ces situations, entraînant in fine la justification de la nasse place d’Italie, de «l’interdiction» de tout départ de cortège et de la répression particulièrement violente qui a suivi au cours de l’après-midi. »

A police officer kicks a protester during an anti-government demonstration called by the « Yellow Vest » (Gilets Jaunes) movement on January 12, 2019, on the Place de l’Etoile, in Paris. – Thousands of anti-government demonstrators marched in cities across France on January 12 in a new round of « yellow vest » protests against the president, accused of ignoring the plight of millions of people struggling to make ends meet. (Photo by LUDOVIC MARIN / AFP)

Utiliser sciemment la violence pour imprimer la peur et dissuader les citoyens d’aller manifester : la systématisation de cette pratique date en France de François Hollande (pour réprimer la contestation de la loi El Khomri), dont on n’imaginait pas le jour de son élection qu’il infligerait au « pays des droits de l’Homme » (sic) une telle escalade autoritaire et liberticide. Emmanuel Macron s’est coulé avec aisance dans ses traces. Et la justice, laisse-t-elle faire ? La plainte contre Lallement n’a évidemment aucune chance : à Lyon, en 2010, plus de 600 personnes avaient été encerclées par la police pendant plus de six heures sur la place Bellecour, lors d’une manifestation contre la réforme des retraites de Sarkozy, et 19 associations et syndicats avaient porté plainte, comme le rappelle Le Monde. Verdict : non-lieu pour le préfet et le chef de la police lyonnaise de l’époque, confirmé en mars dernier par la cour d’appel. Pas trop de soucis en vue pour notre préfet de police de Paris. Sauf si l’on considère qu’à la différence de l’affaire lyonnaise, on a compté 94 blessés place d’Italie !

Même s’il s’agit de son bilan le plus glorieux, Lallement n’en est pas à son coup d’essai en matière de brutalité : avant Paris, il était préfet de Nouvelle-Aquitaine. Résultat ? Un rapport de soixante pages dédiées à sa politique lors des manifestations en termes de maintien de l’ordre, signé de l’Observatoire girondin des libertés publiques. Émanant comme son frère parisien de la Ligue des droits de l’Homme, il rassemble notamment Greenpeace, Médecins du monde ou le Syndicat des avocats de France. Sous le titre offensif d’Une politique d’intimidation, le rapport ne mâche pas ses mots : « politique d’escalade de la violence« « sommations inexistantes », « répression des manifestations lycéennes », « usage non-maîtrisé et dangereux des armes » (grenades GLI-F4, LBD-40, Lacrymogènes…), « répression judiciaire » (« entrave à la liberté de manifester », « gardes a vues », « traitement judiciaire des procédures à l’encontre des manifestants »…), énumère France 3.

Le matraquage de parlementaire aussitôt approuvé

« Je marchais tranquillement pour rejoindre mon vélo, avec un ami, vers la place des Victoires quand on s’est fait rattraper par des policiers. J’ai à peine eu le temps de sortir ma carte de parlementaire, de crier mon nom et ma qualité, que je me suis pris des coups de matraque télescopique. Mon ami a eu le même sort » : tel est le récit que fait le député France insoumise Loïc Prud’homme des faits survenus le 2 mars 2019 à Bordeaux. Et le préfet de Nouvelle-Aquitaine d’alors dans cette affaire ? Eh bien notre ami Lallement s’est fendu d’un message sur Twitter à chaud : pour lui, en matraquant un parlementaire qui quitte tranquillement une manifestation, les policiers « ont fait correctement leur travail » et il « les soutien[t] totalement. » Voilà qui suscite la colère d’Eric Coquerel, qui s’exprime ci-dessus, et de son organisation entière, comme le relate L’Obs.com : « La France Insoumise a affirmé dans un communiqué que Loïc Prud’homme avait été matraqué « en toute impunité » par « des policiers » alors qu’il « partait pacifiquement de la manifestation. Ils l’ont fait consciemment après avoir reconnu la fonction de Loïc », ont-il dénoncé. « Frapper un député symbolise la dérive autoritaire actuelle. Nous demandons immédiatement la démission de M. Castaner, ainsi que des excuses et l’ouverture d’une enquête de l’IGPN. » Les Insoumis peuvent toujours courir, et Lallement lui aussi, court toujours… Car revenons à l’accablant rapport de l’Observatoire girondin des libertés publiques, et précisément à sa conclusion : « L’OGLP s’inquiète de voir que les stratégies bordelaises du préfet Didier Lallement, que nous dénonçons dans ce dossier, semblent au contraire avoir été appréciées du gouvernement, au point qu’il a été promu depuis à la préfecture de Paris, comme symbole du durcissement souhaité de la politique du maintien de l’ordre dans la capitale. Nous y voyons une fuite en avant dangereuse pour les droits et libertés comme pour les personnes et souhaitons que ce dossier serve de signal d’alarme. »

Le journaliste David Dufresne dénonce l’omerta des médias français sur les violences policières.

Résumons-nous et concluons : non, las, ce rapport n’aura pas servi de signal d’alarme et le maintien à son poste de cet énergumène, promu à Paris en récompense de ses multiples dérapages, avec sa soi-disant doctrine de gestion de l’ordre qui ne fait que semer le chaos (et terrifie les citoyens, à qui ça apprendra d’aller manifester !), illustre la dérive d’une Macronie en roue libre, qui n’est plus aujourd’hui soutenue par personne mais use et abuse de la violence pour étouffer les oppositions. Cela avec la complicité des médias dominants : « Il y a eu une «omerta ahurissante» des médias français sur les violences policières durant le mouvement des Gilets jaunes, a lancé David Dufresne, en recevant jeudi 14 mars son Grand Prix du jury du journalisme 2019 des mains des journalistes du Monde, Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin. «Ces images étaient sous nos yeux. Faites votre boulot !», a-t-il lancé, en emportant son trophée, sous une belle ovation. »

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Juin 292020
 

Zéro glyphosate au plus tard en 2020, promis-juré-craché ? Le ministre prolonge l’empoisonnement d’au moins cinq ans ! Pour une vraie politique environnementale, dégagez Macron l’imposteur.

« Le député Loïc Prud’homme a ouvert ce jour là la série des questions de la France Insoumise à l’Assemblée nationale avec une interpellation cinglante, relate Jean-Luc Mélenchon, le président de ce groupe parlementaire. mercredi dernier. Car la forfaiture continue. En novembre 2017, Emmanuel Macron avait promis la fin de son utilisation dans 3 ans. Le délai est bientôt écoulé, et le glyphosate est toujours là. Pire, les manoeuvres pour valider son renouvellement le plus long possible se poursuivent de plus belle. L’Agence nationale de sécurité sanitaire est au coeur d’un scandale à ce propos en ce moment. » Pour en savoir plus, lisez Le Monde. Et pour la fameuse promesse d’arrêt du glyphosate solennellement proclamée par celui que nous avons baptisé l’escrologiste ?

Oui mais voilà : « On n’y arrivera pas […] il faut dire la réalité, estime en tout cas ce vendredi Didier Guillaume. Dire que nous devrions tout arrêter, c’est tromper les gens, c’est partir dans une aventure qui serait dramatique, parce que si on dit « zéro glyphosate », on arrêtera de produire de l’alimentation. » Didier Guillaume ? Bingo : ministre de l’Agriculture ! Les mauvaises langues lui donneront plutôt les titres de larbin des lobbies ou de valet de la FNSEA, syndicat des empoisonneurs associés.

Reprenons les termes de cet abandon en rase campagne de la promesse du zéro-glyphosate : « Dire que nous devrions tout arrêter, c’est tromper les gens », explique donc Didier Guillaume. Mais alors, en promettant que « l’utilisation du glyphosate soit interdite en France au plus tard dans trois ans », Emmanuel Macron ne disait pas « la réalité », en flagrant délit de « tromper les gens » ! Si c’est son ministre qui le dit…

Mise à jour : Élisabeth Borne confirme et rajoute une couche de foutage de gueule.

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