Sainte-Laïcité, priez pour nous, pauvres pêcheurs de voix catholiques.
« Ce vendredi 16 juillet 2021, Emmanuel Macron s’est rendu en déplacement officiel à Lourdes, réagit le député insoumis (Parti de Gauche), Bastien Lachaud. Cette visite n’est pas anodine. Le président bafoue le principe de laïcité et fait sienne une vision identitaire et réactionnaire de l’histoire de France. Pourtant, l’intérêt général commande au contraire de rassembler notre peuple autour des principes républicains.(…) Qu’un président rende visite au sanctuaire de Lourdes pour y saluer les pèlerins, accompagné par le délégué apostolique et le recteur du sanctuaire, un 16 juillet, date anniversaire de la dernière apparition de la Vierge Marie à Bernadette Soubirous dans la grotte de Massabielle, le 16 juillet 1858, n’est évidemment pas un geste anodin. (…) Le message est clair : le président de la République s’est associé directement et étroitement à un rite religieux. Rupture nette avec la pratique de ses prédécesseurs : François Hollande, Jacques Chirac et François Mitterrand se sont tous les trois rendus à Lourdes au cours de leurs mandats respectifs. Mais ils se sont bien gardés de pénétrer dans le sanctuaire, a fortiori à la date du pèlerinage. Et surtout, quelle transgression inouïe de la laïcité ! Les principes de séparation de l’Église et de l’État et de neutralité de ce dernier sont foulés aux pieds par celui-là même, le président de la République, qui se devrait d’en être le garant. (…) En rendant une visite officielle au sanctuaire de Lourdes, le Président s’est placé dans les pas de Philippe Pétain, dernier « chef de l’État » à s’y être rendu avant lui, le 20 avril 1941. Le symbole est d’autant plus funeste que la date qu’Emmanuel Macron a choisi pour se rendre à Lourdes, le 16 juillet, est aussi celle de la commémoration de la « Rafle du Vel’ d’Hiv’ », le 16 juillet 1942, emblématique de la collaboration du régime de Vichy avec la politique nazie d’extermination des Juifs. Marcher dans les pas de Pétain, le jour même de la commémoration de la « Rafle du Vel’ d’Hiv » : le geste est si effarant que l’on n’ose imaginer qu’il ait été conscient. Il reste que l’avoir commis est une faute, morale autant que politique. »
Tout cela après nous avoir bassinés depuis des années avec la laïcité, enfantant même une loi « anti-séparatisme » dévoyant le concept pour en faire une arme antimusulmans : nous avions bien raison de le dénoncer sur tous le tons ! Aujourd’hui, les masques sont tombés, sans équivoque.
La Macronie se moque ouvertement du monde et les médias mainstream ne remplissent pas leur tâche démocratique d’éclairer l’opinion par les faits. Combien de policiers harcelés suite à la diffusion de vidéos en intervention ? Nous avons cherché et trouvé… un cas. Et on en fait une loi ?
« Tout en garantissant la liberté d’informer » : mais Ferme ta gueule!
Regardez ce reportage extrait du 20h de TF1 du 17 novembre dernier, à partir de 22 minutes et 20 secondes. On y apprend le calvaire vécu par un policier : « Filmée en intervention, l’image de son visage a été partagée plus de 100 000 fois, son identité et son adresse rendus publics ». Menaces de mort, de « s’occuper de [ses] enfants », de « violer [sa] femme » tant et si bien que cette dernière, « terrorisée », est partie avec les enfants se réfugier chez son père pendant six mois ! Le reportage ne précise pas ce que la vidéo à l’origine de ce harcèlement ignoble, inacceptable quoi qu’il en soit, montrait de l’intervention du policier. Notons au passage que, sans la loi Sécurité globale, ce type de cyberharcèlement est déjà lourdement puni par le droit français : deux ans de prison et 30 000 € d’amende. Et que la peine s’aggrave, article 433-3 du Code pénal, pour protéger une personne dépositaire de l’autorité publique (la liste est longue) : « Est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende la menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes ou les biens proférée à l’encontre d’une personne investie d’un mandat électif public, d’un magistrat, d’un juré, d’un avocat, d’un officier public ou ministériel, d’un militaire de la gendarmerie nationale, d’un fonctionnaire de la police nationale, des douanes, de l’inspection du travail, de l’administration pénitentiaire ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, d’un sapeur-pompier professionnel ou volontaire, d’un gardien assermenté d’immeubles ou de groupes d’immeubles ou d’un agent exerçant pour le compte d’un bailleur des fonctions de gardiennage ou de surveillance des immeubles à usage d’habitation ». Pour autant, la Macronie a cru bon d’inclure dans la loi susmentionnée un tristement célèbre article 24 qui prévoit, « sans préjudice du droit d’informer », de pénaliser d’un an de prison et 45 000 euros d’amende la diffusion de « l’image du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier ou d’un gendarme en intervention quand ladite diffusion poursuit l’objectif de porter « atteinte à son intégrité physique ou psychique ». Ce texte a été voté hier soir à l’Assemblée nationale par 146 votes contre 24. Et puisqu’il est censé « protéger les policiers et les gendarmes souvent jetés en pâture sur les réseaux sociaux », selon la justification tweetée par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, alors que nous venons de voir que le droit les protège déjà d’abondance, c’est donc que ce phénomène doit avoir une certaine ampleur. Nous avons par conséquent cherché des exemples. Le premier, celui du 20h de TF1 détaillé plus haut, nous n’avons pas eu trop de mal à le dégotter, bien que le message qui le relayait sur Twitter ne mentionnait pas sa date de diffusion, vite retrouvée. Devinez l’émetteur dudit message ? Le compte officiel de La République en marche.
Il est évidemment logique que les macronistes dégainent des exemples pour justifier leur texte. Or là, en réalité, ils n’en ont qu’un. Darmanin lui-même n’en donne pas d’autre. Il mentionne seulement, à plusieurs reprises ainsi que le précise 20 minutes, l’attentat de Magnanville : « Je rappelle d’ailleurs que les attentats, c’est aussi ceux de Magnanville où un policier et sa compagne qui était policière ont été égorgés dans leur domicile, devant leur enfant de quelques années, par quelqu’un qui a eu leur adresse personnelle et qui a commis un attentat », a ainsi déclaré Gérald Darmanin en guise d’exemple justifiant l’intérêt protecteur, pour les forces de l’ordre, de la loi sur la « sécurité globale ». Or de quoi s’est-il s’agi concernant ce drame ? « Gérald Darmanin dit vrai en indiquant que Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider ont été assassinés par un terroriste disposant de leur adresse personnelle. Mais l’enquête s’oriente plutôt sur la piste d’une fuite de cette information cruciale au sein de la police. »Strictement rien à voir avec la diffusion de vidéos sur les réseaux, donc : et Darmanin n’a trouvé que ça ! Il sait pertinemment du reste qu’il n’existe aucun rapport entre Magnanville et ce fichu article 24, puisqu’il s’est fendu devant la Commission des lois de l’Assemblée nationale d’un piteux « on ne sait pas si ce sont les images des réseaux sociaux qui ont fait naître cet attentat, m’enfin… » Évidemment qu’on ne le sait pas, puisqu’il n’existe strictement aucun élément en ce sens ! Alors pour en avoir le cœur net, nous avons longuement cherché la trace d’autres cas, que n’auraient pas manqué de partager les hérauts de #JeSoutiensLaPolice et autres macrono-fascistoïdes, a fortiori la fachosphère proprement dite. Et ? Rien. Ou presque : un « jeune influenceur auteur de vidéos humoristiques » qui s’était moqué d’un policier de Clermont-Ferrand a été condamné à quatre mois de prison avec sursis, 210 heures de travaux d’intérêt général et 1 500 € de dommages et intérêts au policier harcelé.
Ugo Bernalicis, député France insoumise et membre du Parti de gauche
Voilà donc que cette majorité fait voter un texte (inutile) pour protéger les forces de l’ordre d’un danger théorique dont la survenue n’est pas documentée. Il y a donc bien une autre raison, énoncée par le député France insoumise Ugo Bernalicis : « L’article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale est celui qui retient le plus l’attention médiatique, car il vise à dissuader de filmer et photographier les policiers. Il n’était pas prévu dans la version initiale du texte proposé par Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot, députés LREM. C’est un ajout sur commande de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur. Cette proposition est à la base faite par Alliance police, corporation policière radicalisée, qui ne supporte pas que les journalistes et les manifestants puissent filmer et diffuser les violences policières de plus en plus nombreuses, notamment sous le quinquennat d’Emmanuel Macron. Le 26 mai 2020, Eric Ciotti avait déposé une proposition de loi allant dans ce sens. Elle avait suscité un tollé dans les médias. En revanche, le député Ciotti avait eu les honneurs dans un tract d’Alliance. Puis c’est maintenant au tour de LREM de le mettre cette fois-ci à l’ordre du jour. » Le choses sont claires : l’extrême droitisation de la Macronie est en marche et ce régime confirme de plus en plus ses dérives dictatoriales.
Caroline Fourest, notre consœur en perpétuelle croisade contre l’islamo-gauchisme, concept d’extrême droite dont elle s’est goulûment emparée, le traque jusqu’aux États-Unis : elle n’a ainsi pas de mots assez durs pour CNN, la chaîne d’info américaine dûment réprimandée sur Twitter: « La presse américaine vient de franchir un pas de plus dans l’ignominie, accuse-t-elle. Relayant, sans vérification, les mensonges d’une organisation proche des Frères musulmans (très soutenus aux États-Unis), basés sur la dispute entre quatre femmes transformée en agression raciste sous la Tour Eiffel. »Caroline chérie réagit à l’annonce d’un « avertissement » aux voyageurs musulmans les dissuadant de se rendre en France, où « les tensions montent après les récentes attaques islamistes », émis par un « groupe d’avocats musulmans ».
The American press has just taken another step in ignominy. Relaying, without investigating, the lies of an organization close to the Muslim Brothers (very supported in the USA) based on an argument between 4 women who turned into a racist aggression at the Eiffel Tower. ⤵️ https://t.co/mIRfOxR30a
« La police a enquêté sur cette affaire, bien-sûr, poursuit notre Torquemada en jupons. Il y a beaucoup de colère après tant d’attaques terroristes et nous craignons des réactions racistes, mais cette affaire n’a rien à voir avec cela ! La bagarre a commencé à propos de chiens bruyants. » Oui, et ? C’est tout ce que Fourest écrira sur le fait-divers proprement dit. Qu’il n’a rien à voir avec une réaction raciste, ce que confirme une enquête de police établissant que le déclenchement des faits provient d’une histoire de chiens bruyants.
Le même jour qui voit notre traqueuse d’islamo-gauchistes traiter la presse américaine d’ignominieuse complice, France bleu revient sur l’affaire : « la préfecture de police avait dans un premier temps évoqué un « différend à cause d’un chien non tenu en laisse ». « À ce stade des investigations, aucun élément ne permet d’accréditer la thèse d’un mobile raciste ou lié au port du voile », avait indiqué mardi à franceinfo une source proche du dossier. » Voilà donc la thèse reprise par Fourest, celle de la préfecture de police de Paris, autrement dit Radio-Lallement. Oui mais voilà : « Les deux femmes ont été blessées dimanche soir aux abords de la tour Eiffel à Paris, blessures qui ont entraîné plus de huit jours d’interruption de travail. L’avocat des victimes affirme à franceinfo que l’insulte « sale arabe » a été prononcée par les agresseurs qui ont asséné des coups de couteaux. Au moins l’une des victimes portait le voile. » Et surprise, « le caractère raciste des violences retenu par le parquet », titre France bleu : « Le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire ce mercredi pour violences volontaires avec arme, en réunion et à caractère raciste(…). Les deux personnes qui étaient en garde à vue dans cette affaire ont été déférées ce mercredi. » A force de nier le concept d’islamophobie – ou racisme anti-musulmans, pour les puristes sourcilleux -, on dirait bien que Fourest s’est pris les pieds dans le tapis (de prière).
Norvège, Nouvelle-Zélande, États-Unis… Bientôt Paris ? Exaltés par le discours de l’extrême droite désignant les ennemis à éliminer pour « sauver la patrie » – étrangers de préférence racisés, musulmans ou « gauchistes » accusés d’être « collabos » -, ces terroristes suprémacistes sautent le pas entre théorie et pratique. Des crimes à la fois encouragés et suscités par les paroles d’intellectuels ou de politiciens pyromanes, qui gangrènent la société. Avec la complicité de certains médias, de la police et parfois des pouvoirs en place, comme avec Trump ou les macrono-sarkozystes, engagés dans une course à l’échalote avec le Rassemblement national. Le torchon Valeurs actuelles déversant sa haine raciste sur la députée Danièle Obono exprime la même violence, fût-elle encore symbolique. Jusqu’à quand ?
Capture d’écran : cet homme vient d’en tuer deux autres.
Très bon papier de France Culture : « Mardi soir, nous explique The Guardian, Kyle Rittenhouse était venu à Kenosha avec son fusil d’assaut, répondant à un appel lancé sur Facebook, demandant s’il y avait« des patriotes prêts à prendre les armes pour défendre la ville contre les voyous diaboliques qui y sèment le chaos ». Il s’agissait donc, selon ces groupes d’extrême droite, de former des milices citoyennes pour protéger les commerces et les habitations des honnêtes Américains menacés. Or l’écho est assez saisissant entre ce discours et ceux que l’on entend depuis trois soirs à la Convention d’investiture du Parti républicain. C’est bien en cela que Philip Bump du Washington Post évoque cet « écho que l’on ne peut plus faire mine d’ignorer » entre la mort des manifestants de Kenosha et la rhétorique de campagne de Donald Trump. (…) comment ne pas remarquer que la veille même de ce passage à l’acte, à la convention républicaine, « pas moins de 5 orateurs dont l’un des fils du président avaient dans leur discours brandi la menace de soi-disant hordes violentes et incontrôlées qui selon eux étaient en train de gagner les rues des cités américaines ».
« Nous ne tolérerons pas les pillages, les incendies criminels, la violence et l’anarchie dans les rues américaines », affirmait, martial, le (grotesque et terrifiant) président des États-Unis, Donald Trump himself (cité par Le Monde), à propos de ce qui se passait à Kenosha. C’était avant les deux crimes perpétrés par Rittenhouse, très jeune (17 ans) supémaciste, soutien affiché de Donald Trump et fervent militant du mouvement #BlueLivesMatter, qui détourne le slogan Les vies noires comptent, protestant contre les assassinats racistes de la police américaine, en Les vies bleues (couleur de l’uniforme de la police) comptent. En France, voici ce que ça donne.
Éternelle et pathologique obsession de l’extrême droite à propos de l’immigration et de l’islam, cause de tous les mots pour ces esprits haineux et simplistes.
Mais revenons à Kenosha. On a donc le président et ses soutiens préparant les esprits avec un discours qui légitime l’auto-défense et leurs adeptes qui passent à l’acte. Ce qui est très loin d’être la première fois : « ABC Newscompile 54 cas où des personnes reconnues coupables de meurtres, crimes de haine, violences ou menaces racistes ont expliqué leur geste en invoquant la personnalité et la politique de Donald Trump… dont ils étaient tous de fervents supporters », rappelle France Culture. Dans l’affaire Rittenhouse, notons aussi la bénédiction de la police : « Dans une vidéo tournée après ces événements, on voit Kyle Rittenhouse s’avancer vers quatre voitures de police, les bras levés, relate FranceTVInfo. Des témoins crient aux agents qu’il vient de tirer sur quelqu’un, mais les véhicules passent devant le jeune homme sans s’arrêter. » Une autre vidéo montre les policiers féliciter les miliciens – « Nous apprécions que vous soyez là » – et leur distribuer des bouteilles d’eau. Quant aux médias, sur Fox news, l’éditorialiste vedette, Tucker Carlson, proche de Trump, s’est distingué en formulant« la défense d’un meurtrier et un appel assez clair à d’autres actes de haine et de violence », juge The Guardian : « Faut-il vraiment s’étonner du fait que les pillages et les incendies criminels débouchent in fine sur des meurtres ? Est-il vraiment choquant que des jeunes de 17 ans armés de fusils décident de ramener l’ordre, quand personne d’autre ne le fait ? », a-t-il déclaré. « Ramener l’ordre », c’est donc tuer, suivant la conception humaniste de Carlson ; c’est abattre qui passait par là et a voulu désarmer le jeune extrémiste. Et est-ce vraiment choquant ? Il pose la question. Vous nous direz : d’accord, mais c’est l’Amérique. Pas que.
Attentat de #Christchurch: Brenton Tarrant condamné à la prison à perpétuité pour le meurtre de 51 personnes dont un enfant de 3 ans le 15 mars 2019 dans deux mosquées de Nouvelle-Zélande. Il se revendiquait de la théorie du "grand remplacement" de Renaud Camus@taym0rpic.twitter.com/laKZlJ1i1R
Le terroriste d’extrême droite Brenton Tarrant, avant de s’en aller gaiement occire 51 personnes coupables de s’être rendues dans des mosquées de Christchurch (Nouvelle-Zélande), s’est dit inspiré par la théorie complotiste du « Grand Remplacement » formulée par l’essayiste français Renaud Camus (remplacement des autochtones par des étrangers majoritairement noirs, arabes et musulmans). Parenthèse amusante : Philippe de Villiers, le grand ami d’Emmanuel Macron, y souscrit ! Le supémaciste néo-zélandais s’est aussi revendiqué d’Anders Behring Breivik, assassin de sang-froid de 77 jeunes socio-démocrates norvégiens. Qui, lui aussi, a avoué que le même Camus, condamné par la justice française en 2014 pour provocation à la haine et à la violence contre les musulmans, a motivé son passage à l’acte. Voilà ainsi comment les mots tuent. Aussi est-il révoltant d’entendre les macronistes reprendre le langage et les thèmes de l’extrême droite, Darmanin en tête, les banalisant et les popularisant, en en faisant la promotion. Marlène Schiappa, et ce n’est pas la première fois, en a rajouté une louche récemment: « Il existe maintenant une gauche identitaire qui porte une culture de l’excuse », déclare-t-elle le 26 août dernier. Un calendrier taquin veut que le même jour, Marion Maréchal-Le Pen, sur l’antenne de la chaîne locale Azur TV, « dénonce l’ensauvagement, conséquence de l’immigration, de la culture de l’excuse et de l’effondrement de la chaîne pénale ». Peu avant, l’ancien éminent magistrat Philippe Bilger accusait tout bonnement et tel quel Noirs et Arabes d’être responsable de ce fameux ensauvagement de la France.
La députée Danièle Obono représentée en esclave par le journal Valeurs actuelles
C’est dans ce climat délétère que l’hebdomadaire d’extrême droite Valeurs actuelles inflige à la députée France insoumise Danièle Obono l’humiliation de la représenter en esclave dans une fiction la projetant en Tchadienne du XVIIIe siècle. Obono, cible idéale des racistes de tous poils : pensez donc, une féministe antiraciste et noire députée ! Comme en son temps Christiane Taubira, l’élue de la 17e circonscription de Paris fait office de chiffon rouge, d’exutoire, et sur elle se déversent quolibets, injures et anathèmes. Elle est ainsi qualifiée de communautariste, d’indigéniste, de racialiste et, naturellement, d’islamo-gauchiste. Ne manque que la qualification de judéo-bolchévique, qui fait il est vrai de nos jours mauvais genre. Le hic, c’est que les crachats ne viennent pas que de la droite radicale, dans laquelle nous englobons naturellement Les républicains, dont les positions sont identiques à celles du Rassemblement national sur la plupart des sujets depuis Sarkozy. La République en marche, on l’a vu dans le paragraphe précédent, lui emboîte désormais résolument le pas (de l’oie), à présent qu’elle ne peut plus faire croire à personne qu’elle n’est « ni de droite, ni de gauche », imposture originelle de Macron. Vous avez peut-être noté que Schiappa parle plus haut, en même temps qu’elle enfourche la monture idéologique de l’extrême droite, de « gauche identitaire ». C’est Obono qui est visée. Une Obono également vilipendée par les cercles valssistes, hollandistes, Charlie-Hebdoïstes, Mariannistes (pas lepénistes, polonistes !) et Caroline Fourestistes. Elle ne défendrait pas assez la laïcité. Mais de quelle laïcité parle-t-on ? De sa version dévoyée pour porter l’islamophobie ? Elle-même se défend de toute complaisance envers ceux qui contestent la laïcité telle que la définit la République et met les points sur les i : « Mon seul programme est celui de la France insoumise, L’Avenir en commun ». Qui soutient absolument toute la laïcité. Mais rien que la laïcité.
« Je ne suis pas et n’ai jamais été membre du PIR [Parti des indigènes de la République]. Je suis en profond désaccord avec leur thèses. »
Que le tollé soit unanime pour dénoncer la saloperie l’article de Valeurs actuelles a certes quelque chose de rassurant. Mais il est des soutiens de façade qui ressemblent à des poignards plantés dans le dos. Les messages « républicains » de ceux qui continuent de la qualifier de communautariste–indigéniste–racialiste–islamo-gauchiste lui dessinent dans le dos la cible de la femme à abattre. Un peu comme certains disent en parlant de femmes violées qu’elles l’ont tout de même un peu cherché. Notre solidarité pleine et entière est acquise à notre camarade Danièle Obono, ainsi victime d’une chasse aux sorcières. Un cocktail de trois ingrédients : le masculinisme, le racisme et… la politique. De l’extrême droite aux macronistes en passant par les sociaux démocrates, on s’entend pour tenter de la discréditer. Mais on est insoumis ou on ne l’est pas. En attendant, puisque les mots tuent, craignons qu’un extrémiste fanatisé ne décide un jour d’abattre celle dont on lui répète sans cesse sur tous les tons qu’elle incarne la menace mortelle qu’il croit peser sur son pays. Parce qu’au fond, l’accusation de ses adversaires, formulée de façon brutale et plus clairement qu’ils ne l’osent en général, est celle-ci : d’être une collabo des islamistes. Prions que ne naisse pas en France, nourri de propagande haineuse, un « nouveau Chevalier Templier » (« reborn Knights Templar »), mystérieuse organisation – il n’est pas prouvé qu’elle existe – dont se réclament les suprémacistes auteurs des massacres de masse en Norvège et en Nouvelle-Zélande. Explication de TV5 monde : « un réseau de militants nationalistes chargés de commettre des « actes héroïques ». D’après les déclarations durant l’audience du terroriste Breivik, l’organisation visait à « unifier tous les militants nationalistes d’Europe » en mettant en place des « cellules individuelles et autonomes » (…) pour diffuser l’idéologie nationaliste et inciter d’autres militants à l’action. »Sommes-nous tellement à l’abri qu’un terroriste ne vienne, un jour, mitrailler un meeting politique, une mosquée ou un rassemblement du collectif Justice pour Adama ? On saura alors quels intellectuels et politiciens auront armé son bras.
Signe suprémaciste pour l’un, salut nazi pour l’autre.
Au terme d’une complaisante énumération de faits-divers, Philippe Bilger désigne les coupables : les Arabes et les Noirs. Et il regrette que « l’infinie pudeur médiatique » empêche que l’on dévoile cette vérité (sic) aux citoyens.La fachosphère en mode #OnVeutLesNoms exulte et les ferments de guerre civile germent, germent, germent…
Philippe Bilger sévit aussi sur Sud radio.
L’ancien juge d’instruction puis avocat général, Philippe Bilger, sarkozyste fervent puis repenti – rupture actée par ses critiques dans l’affaire tunisienne de Michèle Alliot-Marie en février 2011, n’en reste pas moins de droite. Il est même désormais, tranquillement, sur des positions d’extrême droite. Tout en le niant : « Je l’avoue : j’ai un peu peur de formuler cette interrogation, sont les premiers mots de son billet intitulé Qui ensauvage la France?. Je pressens les tombereaux d’insultes qui vont se déverser sur moi, notamment dans ce cloaque qu’est souvent Twitter, et dont la moindre sera l’accusation de penser et d’écrire comme le RN. [Rassemblement national] Ce reproche sera grotesque mais il constituera, comme d’habitude, l’argumentation simpliste de ceux qui n’en ont pas d’autre. » Voyons donc pourquoi on l’accuserait, comme il en a déjà la fulgurante intuition en débutant son texte, « de penser et d’écrire comme le RN ».
Bilger dit exactement la même chose que Marine Le Pen, en osant s’en défendre !
Pour commencer, il utilise le mot ensauvagement. Comme Gérald Darmanin, récemment, ministre de l’Intérieur macroniste en flagrant délit de racolage électoraliste sur les terres de l’extrême droite. « Dans son discours de rentrée, prononcé à Henin-Beaumont ce dimanche 8 septembre [2019], Marine Le Pen a consacré un long passage au thème de l’insécurité en appuyant sa démonstration sur de récents faits divers afin de dénoncer “l’ensauvagement progressif de la société”, dont l’immigration serait selon elle en grande partie responsable », résume le Huffington post. Et que fait très exactement Philippe Bilger ? Il égraine les faits-divers, en une interminable succession de 18 questions commençant par « Qui ». Exemples : « Qui a agressé et tué Philippe Monguillot à Bayonne parce que conducteur d’autobus exemplaire, il avait voulu faire respecter l’ordre et la loi ? Qui, sans permis, sous l’emprise de la drogue, récidiviste, a été responsable de la mort de la gendarme Mélanie Lemée ? Qui à Seynod a insulté et agressé des chasseurs alpins faisant tranquillement leur footing ? » Il ne s’arrête pas à des faits précis et enfourche à l’occasion des généralités aussi approximatives que zemmouriennes : « Qui multiplie les refus d’obtempérer, se soustrait aux interpellations de la police avec des conséquences souvent dramatiques que leur mauvaise foi et le soutien médiatique imputeront systématiquement aux FDO [forces de l’ordre] ? Qui dans les cités et les quartiers sensibles se livre au trafic de stupéfiants, terrorise les résidents honnêtes, empêche les interventions de la police ou n’hésite pas à exercer des violences de toutes sortes contre elle ? Qui tend des guet-apens aux pompiers et à la police ? » Rappelons à ce stade que penser et écrire comme le Rassemblement national (RN) est pour l’auteur de ces lignes un reproche « grotesque ». Mais qui se cache donc (surprise ?) derrière l’insistant « qui » de l’avocat général en retraite ? Au long de son énumération, alors que le suspense devient insoutenable, Bilger lâche un indice : « l’anonymat systématique concédé aux transgresseurs [laisse] présumer leur origine ». Anonymat, origine ? Bon sang mais c’est bien sûr : l’homme qui ne pense ni n’écrit nullement comme le RN nous assène sa réponse, sur le ton de l’évidence : « On comprendra que ces interrogations sont de pure forme puisqu’à tout coup la responsabilité incombe à des fauteurs d’origine étrangère, maghrébine ou africaine, parés nominalement de la nationalité française grâce à un droit du sol qui n’a plus aucun sens puisqu’on l’offre mécaniquement à des générations qui haïssent ce cadeau et dévoient cet honneur. Sans oublier les clandestins qui se glissent dans ces bandes ou participent à ces exactions. » L’on comprend que l’ancien magistrat, assis sur un baril de poudre et allumant la mèche, s’attend à recevoir « des tombereaux d’insultes » : il vient tranquillement de nous exposer que ce sont des personnes d’origine étrangère, avec l’utile précision qu’ils viennent du Maghreb ou de l’Afrique – entre parenthèses, le Maghreb EST en Afrique, Bilger pense donc « des Arabes et des Noirs » – sont responsables de ce supposé ensauvagement de la France. S’agit-il de tous les Arabes et les Noirs ? Est-ce justement parce qu’ils sont Arabes ou Noirs ? L’ignoble billet ne le précise pas.
Philippe Bilger police le discours de Génération identitaire.
Après avoir censément établi que les Arabes et les Noirs ensauvagent la France, la plume de fiel de Bilger déplore : « L’infinie pudeur médiatique avec laquelle, dans neuf cas sur dix, on occulte les identités est la preuve la plus éclatante de l’écrasante domination de ces Français dans le tableau pénal national et dans les prisons, notamment en Île-de-France ». Il ose parler de preuve : qu’ « on occulte les identités » prouve que ce sont des Arabes et des Noirs. Quel dommage que « l’infinie pudeur médiatique » empêche les médias d’annoncer en titre des journaux : « Encore un fait-divers qui implique un Arabe ou un Noir » ! C’est le mot-clef (hashtag) en vogue dans la fachosphère sur Twitter : #OnVeutLesNoms. Bilger poursuit : « Le refus entêté d’authentiques statistiques ethniques est également un indice capital qui explique la répugnance de la bienséance à prendre la mesure d’une réalité qui démolirait ses préjugés et sa bonne conscience. » Discours typique, ici particulièrement ampoulé, des autoproclamés « briseurs de tabous » chers au camarade Sébastien Fontenelle, qui pourfendent le « politiquement correct » et « la bien-pensance » (souvent de « bobos ») et se répandent partout pour déplorer qu’on les empêche de s’exprimer !
Enfin une presse affranchie de « l’infinie pudeur médiatique » !
« Est-ce à dire qu’il n’existe pas des voyous français de souche ? Assurément il y en a mais leur rareté est démontrée par le fait troublant que, si l’un d’eux est impliqué – une agression contre une mosquée à Bayonne par exemple -, on peut être sûr qu’on aura son identité complète, son âge, son passé judiciaire et sa structure familiale. Ces données sont si chichement communiquées dans les comptes rendus habituels qu’aucune hésitation n’est possible et l’appréciation quantitative vite opérée. » Et la question vite répondue ? Des Arabes et des Noirs, on vous dit ! On apprécie au passage l’estimation de la « rareté » des « voyous français de souche ». Un sur dix, à la louche du pyromane.
Penser et écrire comme le RN ? Il faut décidément être d’une mauvaise foi abyssale pour le contester. « Qui ensauvage la France ? S’accorder sur le constat que je propose ne permettra pas de résoudre magiquement le problème lancinant causé par ces jeunes Français d’origine africaine ou maghrébine et ces étrangers en situation irrégulière (il va de soi que tous ne sont pas à stigmatiser dans ces catégories) [ouf !] mais au moins ne nous voilons plus la face. » D’accord avec la formation d’extrême droite sur un pseudo-constat (les Arabes et les Noirs coupables de tout), Bilger propose-t-il les mêmes « solutions » ? « On a trop longtemps refusé de répondre à cette interrogation, non pas à cause d’une quelconque incertitude mais parce que la vérité nous aurait encore plus confrontés à notre impuissance. Le désarroi d’une démocratie désarmée, répugnant à user de tout ce qu’elle aurait le droit d’accomplir, aspirant à l’ordre mais sans la force ! » Voilà qu’il appelle donc, comme l’extrême droite, à un durcissement de la répression. On se pince : les violences policières ne sont-elles pas déjà bien assez proliférantes ? Généralisons-les ! Systématisons-les. Contre l’ensauvagement, ensauvageons-nous !
Marion Maréchal : « L’ensauvagement de la France est le résultat de 3 phénomènes : l’immigration, la culture de l’ex https://t.co/iG82lSXAct
« L’immigration légale n’est pas coupable mais la clandestine contre laquelle jusqu’à aujourd’hui on lutte mal, poursuit le juriste blogueur. Et, au sein de la première comme de la seconde, les délinquants déshonorant l’une et profitant de l’autre. » Pour être juste, notons ici un vrai désaccord avec le discours du RN, pour lequel toute immigration est « coupable ». Mais il est en réalité purement formel, puisque parfaitement incohérent : comment Bilger peut-il dénoncer « ces jeunes Français d’origine africaine ou maghrébine » et en même temps avancer que seule l’immigration clandestine – donc par essence composée d’étrangers, pas de Français – serait « coupable » ? Pourquoi écrire pareille ânerie ? Mais passons à la suite : « Les solutions pour combattre cette réalité, après en avoir pris acte sans barguigner, imposeront, outre un courage politique de tous les instants et une politique du verbe sans complaisance, expulsions et éloignements à un rythme soutenu, une action équitable dans sa rigueur, une police et une gendarmerie accordées avec une justice sans faiblesse, une exécution des sanctions efficace et réactive et, surtout, le retour des peines plancher sans lesquelles la magistrature ne tirera jamais assez la conséquence de certains passés judiciaires. » Traduisons : traque des sans-papiers, inhumanité de la séparation de familles, de l’expulsion de mineurs scolarisés, charters de la honte, durcissement généralisé et impitoyable de la répression… Voilà ce que propose Bilger pour lutter contre l’ensauvagement. Comme le RN. « Il conviendra de remettre en discussion, dans un débat honnête, sans excommunication, le droit du sol. » Voilà, il ne manquait plus que cela au catalogue des « solutions » de l’extrême droite, la remise en cause du droit du sol, qui veut que qui naît en France est Français. Bilger l’enfourche : « Envisager, aujourd’hui, dans une France éclatée, son effacement n’est ni inhumain ni contraire à une tradition dont les effets sont devenus dévastateurs. Ou alors continuons à révérer, contre vents et marées, celle-ci, et laissons l’ensauvagement de notre pays se poursuivre. Notre noblesse abstraite sera garantie mais non la sauvegarde de notre nation. On sait qui ensauvage la France. Ne fermons plus les yeux. Apeuré légèrement en commençant ce billet, je le termine en le jugeant nécessaire et, je l’espère, convaincant. » L’avocat-général en retraite s’imagine-il donc que ses lecteurs auront été convaincus que la violence de la société française sera réglée par une lutte sans merci contre l’immigration clandestine des Arabes et des Noirs et la remise en question du droit du sol, qui fabrique mécaniquement de futurs délinquants français nés de parents étrangers Arabes et Noirs ? Qu’il nous soit permis d’en douter, tant est grotesque ce parallèle caricatural entre violence et immigration, dont la démonstration repose exclusivement sur le fait que l’on ne cite pas les noms des criminels, pour ne pas révéler leur origine ethnique. Mais c’est le fantasme xénophobe basique. Que propage ainsi un éminent juriste, apportant sa caution intellectuelle à un discours raciste et semant ainsi des graines de guerre civile en France.
Impunité, enquête accablante sur la mort de Cédric Chouviat, nouvelle affaire de violences, témoignages internes de racisme… Dans ce lourd contexte, le syndicat Unité SGP Police FO n’a pas trouvé mieux que nommer un délégué condamné aux assises pour avoir abattu un fuyard dans le dos et non sanctionné par la police !
Puisqu’il sera question dans ce billet d’impunité – ne parlons même pas d’exemplarité -, convoquons Damien Saboundjian. En 2012, il « avait tué un fugitif d’une balle dans le dos », résume Le Monde. Acquitté en première instance, il est condamné en appel par la cour d’Assises en 2017, reconnu coupable de « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». On peut dès lors se demander quelle est donc l’intention quand on tire quatre balles sur un homme : le blesser seulement ? Ce qui n’a pas empêché le policier de plaider la légitime défense… Elle « n’a pas été retenue, et la cour a prononcé une peine de cinq ans de prison avec sursis et une interdiction de porter une arme pendant la même durée à l’encontre de Damien Saboundjian. Il peut en revanche continuer d’exercer le métier de policier. » Ce qu’il fera, Médiapart nous apprenant que le délinquant en bleu « n’a jamais été sanctionné sur le plan disciplinaire ». Depuis mars dernier – mais Médiapart ne l’a révélé qu’il y a cinq jours -, il est désormais délégué Unité SGP Police FO. Quel symbole !
« Basta ! a recensé 213 affaires d’interventions policières létales, en quatre décennies, dont l’issue judiciaire est connue », explique le média « radicalement indépendant ». Résultat édifiant : « Au total, nous avons compté au moins 84 classements sans suite, 59 non-lieux, 10 relaxes, 12 acquittements, 38 peines de prison avec sursis, 10 peines de prison ferme, assorties ou non de sursis. Deux affaires sur trois n’ont débouché sur aucun procès : cela signifie que la justice n’a pas rendu de décision claire (classement sans suite ou non-lieu). » L’affaire Adama Traoré n’en fait pas partie, la procédure judiciaire étant en cours. Au total, à peine 5% des affaires d’interventions policières ayant entraîné la mort aboutissent à de la prison ferme. Quelques exemples ? « L’affaire des agents de la Bac ayant ouvert le feu sur un véhicule et tué Gaye Camara de huit balles à Épinay-sur-Seine mi-janvier 2018 ? Non-lieu. L’affaire des agents de la Bac – encore –, appelés pour des nuisances de voisinage dans un immeuble à Paris et ouvrant le feu sur Shaoyao Liu, devant ses enfants, dans son appartement ? Non-lieu. L’affaire du gendarme qui a lancé la grenade offensive, tuant Rémi Fraisse lors d’une manifestation en octobre 2014 dans le Tarn ? Non-lieu confirmé en appel. Ces noms, ces drames, viennent s’ajouter à une longue liste de décès décrétés sans responsable ni coupable par les instances pénales. » Vous avez dit « impunité » ?
Mort de Cédric Chouviat : l’enquête qui taille en pièces la version des policiers, tel est le titre qui barre la Une de Libération aujourd’hui. « Témoignages, vidéos, auditions des gardes à vue… Libération et Mediapart ont pu consulter de nouveaux documents issus de la procédure ouverte sur les circonstances de la mort du livreur après son interpellation en janvier à Paris. Et révèlent comment les agents mis en cause auraient tenté de dissimuler leur responsabilité. »Médiapart ajoute une précision dans son titre : Des mensonges de policiers couverts par leur hiérarchie. Les deux articles n’étant accessibles que sur abonnement, voyons ce qu’il en est relaté ailleurs. Pour le résumé rapide des faits, franceinfo résume : « Ce livreur de 42 ans avait été interpellé en juillet dernier lors d’un contrôle routier, quai Branly à Paris. Il avait été maintenu au sol par les policiers. Selon une expertise judiciaire, Cédric Chouviat a crié à sept reprises « J’étouffe ». L’autopsie avait conclu à une mort par asphyxie avec fracture du larynx. Depuis la famille de Cédric Chouviat ne cesse de dénoncer une bavure policière. » Regardez et écoutez comment le journaliste Claude Askolovitch relate les faits sur Arte.
« Ils n’ont pas entendu Cédric Chouviat crier «j’étouffe» à sept reprises. C’est ce qu’ont affirmé les policiers, rapporte Le Parisien. Des mensonges que mettent en lumière mardi Mediapartet Libérationgrâce à des documents qu’ils ont consultés. (…) Cédric Chouviat continuait d’enregistrer la conversation lorsqu’il a été attrapé par le cou, plaqué au sol sur le ventre, encore casqué, avant d’être menotté. Non seulement on l’entend se plaindre d’étouffer, mais on entend aussi distinctement l’un des fonctionnaires dire à son collègue, le chef de bord Michaël P. : «C’est bon, c’est bon, lâche», «sur un ton paraissant empreint d’inquiétude». Mais face aux enquêteurs de la police des polices, ce gardien de la paix ne «sait plus» pourquoi il a prononcé ces mots, rapporte Médiapart. La «clé d’étranglement» ? Un simple «maintien de tête», affirme Michaël P. «Il n’y a pas eu de geste volontaire», dit-il encore. D’autres vidéos tournées par l’une des policières impliquées ont pourtant été versées au dossier. » Posent problème aussi les agissements des policiers lorsque l’interpellé perd connaissance : « La police des polices s’interroge aussi sur le temps de réaction de l’équipage lorsqu’il constate son malaise. Ils mettent «1 minute 58 secondes environ» pour lui enlever la première menotte et «2 minutes et 56 secondes» pour commencer «un massage cardiaque».
Lorsque l’on continue à étrangler un homme qui s’étouffe, jusqu’à lui briser le larynx, il s’agit d’un assassinat. Que les policiers ont essayé de dissimuler : « les faits ont été relatés sur les ondes radios de la police par un policier de la BAC (brigade anticriminalité) du VIIe arrondissement, le conjoint de la policière présente au moment des faits. «Il s’agit en fait d’un individu qui a été contrôlé par PS07, ce dernier a été invité à les suivre suite au contrôle. Ce dernier s’est rebellé ; pendant la rébellion, il a fait un arrêt cardiaque», a-t-il déclaré à l’état-major de la Direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne. Il tient à préciser et cela peut mettre la puce à l’oreille : «Il n’y a pas eu d’étranglement ni de coups portés». Cette version, qui concorde avec celle d’un des commandants de police du VIIe arrondissement, a été reprise dans des communiqués de presse par le préfet de police de Paris, Didier Lallement.Une version contredite par l’autopsie [qui] a vite révélé une asphyxie avec fracture du larynx, que «seule une pression prolongée et très forte avec deux points d’appui, par-devant sur la pomme d’Adam et par-derrière dans le haut du dos peut provoquer», selon un expert médical. »
Un joyeux anniversaire
Heureusement moins dramatique, une autre affaire ressemble bien à une énième bavure, survenue il y a dix jours : « Ils étaient venus célébrer les 23 ans d’une amie. Sept d’entre eux ont terminé la soirée en garde à vue. Une fête d’anniversaire organisée dans un appartement du 19e arrondissement de Paris a dégénéré, dans la nuit du vendredi 10 au samedi 11 juillet », rapporte franceinfo. Cette fois encore, les versions de la police et des participants n’ont rien à voir. Côté bleu, « Une source policière explique à l’AFP que les policiers ont d’abord verbalisé l’occupante de l’appartement. » Pour tapage nocturne, motif de leur présence. « En repartant, ils ont aussi interpellé pour « outrage » une femme qui venait de les injurier, dans le hall de l’immeuble. » À ce moment-là, ceux qui étaient dans l’appartement sont descendus et s’en sont pris aux policiers, y compris physiquement », raconte cette source. « L’un d’eux a menacé de prendre l’arme du policier et de lui tirer une balle dans la tête, le véhicule des policiers a été dégradé », poursuit cette même source. Des renforts sont alors appelés et sept personnes sont interpellées, tandis que deux policiers, légèrement blessés, sont emmenés à l’hôpital. » Et que disent les invités de cette fête d’anniversaire, qui a réuni une quarantaine de personnes maximum ? « Ils estiment avoir été eux-mêmes victimes de violences de la part des policiers présents sur place. « La fille dont c’était l’anniversaire s’est fait violenter en bas, raconte un des fêtards. Quand elle est remontée avec du sang partout, ça a mis un froid. » Un autre se souvient de policiers beaucoup plus nombreux, « entre 30 et 50 », « très énervés », « très méchants ». Lisa*, que franceinfo a contactée, souffre toujours, trois jours après, d’une « énorme ecchymose au niveau de la clavicule », conséquence « des nombreux coups de matraques que les policiers m’ont infligés dans le hall de l’immeuble. » (…) Christophe, lui, ne comprend « toujours pas » pourquoi un policier lui a passé les menottes. « Enfin si, j’ai vite compris ce qui m’arrivait, assure-t-il. Une fois dans le camion, ils ont commencé à me crier dessus, à me traiter de fils de pute… Ils me disaient que j’avais frappé leurs collègues. J’avais beau leur dire qu’il y avait erreur, ils ne voulaient rien entendre. » Après les insultes, les coups, selon son témoignage : arrivé au commissariat, il raconte que « trois policiers se sont jetés » sur lui, « l’un d’eux m’a fait une balayette, m’a relevé par le cou avant de me mettre une droite. J’étais au sol, sonné, plein de vertiges et je saignais ». Il explique que les agents lui ont alors « demandé de nettoyer » son propre sang. » Que s’est-il réellement passé ? L’enquête le dira (ou pas). En attendant, on a pu compter sur le camarade préfet Lallement pour y aller de son habituel message sur Twitter.
Racisme systémique ?
Un autre papier de franceinfoabordait le 13 juin dernier le thème du racisme au sein des forces de l’ordre, témoignages de flics à l’appui. Stéphane, policier municipal depuis vingt ans : « Les propos racistes, c’est tout le temps. Tous les jours. (…) Pendant le confinement, on effectuait des contrôles d’attestation de déplacement dans les véhicules. Souvent, et naturellement, mes collègues excusaient les personnes blanches, les jeunes femmes, qui n’avaient pas leur attestation. Mais les personnes « de couleur » étaient verbalisées. » Robert, 48 ans : « Je me souviens d’un collègue pendant des contrôles de véhicules. Il était proche de la retraite, moi tout jeune. Il voit passer deux Maghrébins. Il me dit, devant tout le monde : « arrête-moi les deux fellagas, les deux fellouzes ». Samir, policier en région parisienne depuis dix ans : « J’ai vu des usages illégitimes de la force dans certaines cellules de gardés à vue. Quand je reprenais mon service en fin de nuit, des personnes africaines ou arabes avaient de multiples fractures, des ecchymoses, alors qu’elles étaient en bonne santé la veille au soir. En patrouille, d’anciens collègues, qui sont toujours dans le même commissariat que moi, se sont réjouis de la tuerie de Christchurch en Nouvelle-Zélande, trouvant légitime la motivation du terroriste. Lors de contrôles, ils traitent certaines personnes de « sales races », de « bâtards », de « rats ». Ils le font quand ils sont en surnombre ou que la personne est isolée et ne peut se défendre. » Bernard, policier depuis quinze ans en région parisienne : « Un de mes collègues a été évincé au bout de six mois parce qu’il ne tolérait pas les pratiques de la Bac. Contrôles d’identité musclés, propos racistes, coups portés sur les Noirs et les Arabes… Il a voulu en parler à sa hiérarchie, il a été écarté d’office. Et cet écart s’accompagne souvent de harcèlement. » Ah, les célèbres cowboys de la Bac, de sinistre réputation… L’article n’oublie pas de rappeler le « Un bicot comme ça, ça nage pas », prononcé par un policier fin avril, et évoque aussi le rapport du désormais ex Défenseur des droits Jacques Toubon, dénonçant un « harcèlement discriminatoire », et l’usage des « réseaux sociaux et les messageries instantanées, comme l’illustrent deux affaires récentes. La première révèle l’existence, dans des groupes Facebook privés, de dizaines de messages racistes attribués à des membres des forces de l’ordre. La seconde a démarré en décembre 2019, avec la plainte d’un policier noir déposée contre six de ses collègues, après la découverte de propos racistes, notamment à son égard, dans un groupe WhatsApp. »
Concluons ce billet comme nous l’avons commencé, par l’évocation d’une autre figure du syndicalisme policier. « Dénoncer les bavures (policières), ça renvoie à un amalgame ! », protestait vigoureusement Linda Kebbab sur un plateau de France.TV en janvier 2020 (vidéo non disponible). La déléguée syndicale nationale Unité SGP Police FO (encore !), qui possède son rond de serviette à la cantine de BFM TV – où l’on sert une excellente soupe macroniste -, a fait l’objet d’un portrait dans Libération, sous le titre inspiré des Mots bleus : « Selon elle, ce n’est pas la police qu’il faut changer, mais l’image que s’en font les gens. «Les citoyens devraient remettre en question leurs a priori qui ne sont basés sur rien.» Sur rien, vraiment ? Et les 83 blessés graves parmi les Gilets jaunesrecensés par CheckNews? Mais attention, pas d’amalgame ! Or que lisons-nous sur le compte Twitter de la dame ?
Laval vient de la gauche – en réalité, il a rompu définitivement avec elle dès 1926 – et il a ordonné la rafle du Vel’ d’hiv’, donc c’est « l’autorité zélée de l’extrême gauche » qui est coupable de ladite rafle. Singulière – et un tantinet inculte – relecture de l’histoire ! Quant à Mélenchon, il serait « l’héritier idéologique » de ces responsables… En matière d’amalgame, on tient-là une championne du monde ! Mélenchon se voit ainsi littéralement agressé par Linda Kebbab parce qu’il a le toupet d’effectuer le rappel historique de la réalité de la collaboration massive de la police française avec les nazis et que la bouillante syndicaliste policière s’avère adepte du déni. Comme sur le sujet des violences policières actuelles (avec les macronistes au pouvoir, à commencer par Macron lui-même). Parce que « Dénoncer les bavures (policières), ça renvoie à un amalgame! »Idem du racisme au sein de la police. Commode : les forces de l’ordre sont ainsi blanchies de tout, à la sauce Kebbab.