Août 152020
 

Après les lieux clos recevant du public, le port du masque est désormais exigé même en extérieur, dans les rues les plus fréquentées, mais aucune mesure semblable ne concerne les entreprises, pourtant premiers lieux de contamination. Et l’on sanctionne un inspecteur du travail coupable d’avoir voulu protéger des salariés !

https://photos.lci.fr/images/1920/1080/la-chronique-eco-tous-masques-dans-les-entreprises-20200812-0845-5d4ab1-0@1x.jpeg
Tu rigoles ? On va pas embêter le Medef !

Pourtant, dans le recensement des foyers d’infection (ou clusters en anglais, comme il est très agaçant que les médias usent de ce terme jusqu’à plus soif), « plus d’un cluster sur cinq se trouve en entreprise », comme le titrent Les Échos. « Dans un contexte de recrudescence de l’épidémie de Covid-19, les entreprises apparaissent comme d’importants foyers de propagation du virus », écrit pudiquement le quotidien économique libéral, qui poursuit ainsi : « Les regroupements familiaux et amicaux ne sont pas les seuls responsables de la reprise de l’épidémie de coronavirus. Les entreprises sont montrées du doigt, alors que le nombre de clusters ne cesse de croître (91 nouveaux foyers hebdomadaires déclarés début août contre 65 fin juillet) ». L’article mentionne le chiffre de 22% de ces clusters concernant les entreprises, hors établissements de santé, sans évoquer les 78% d’autres foyers, et pointe vers le point épidémiologique de l’agence d’État Santé publique France en date du 6 août dernier. Qu’y lit-on en page 14 ? « Parmi les 609 clusters, le milieu familial élargi (plusieurs foyers) et les événements publics/privés rassemblant de manière temporaire des personnes restent les types de collectivités les plus représentés (21%), avec les établissements de santé (ES) (17%) et les entreprises hors ES (22%). » Non mais, sérieusement, qu’est-ce que c’est que cette façon de s’exprimer, en plaçant le pourcentage le plus élevé à la fin tout en faisant mine au début de commencer par celui qui est en tête (« les types de collectivités les plus représentés »)? Remettons la phrase dans le bon sens, rectifiée de ce qui apparaît objectivement comme une grossière tentative de manipulation sémantique : parmi les 609 clusters, les entreprises hors ES restent les types de collectivités les plus représentés (22%), avec le milieu familial élargi (plusieurs foyers) et les événements publics/privés rassemblant de manière temporaire des personnes (21%) et les ES (17%). C’est plus clair, mais Santé publique France refuse de l’écrire.

Masques coronavirus : une centrale d'achat pour les entreprises ...
Ben voyons… Et les masque gratuits, c’est pour quand ?

On ne le lira pas non plus dans Les Échos, dont nous reprenons l’extrait précité, qui apparaît dès lors particulièrement hypocrite : « Les regroupements familiaux et amicaux ne sont pas les seuls responsables de la reprise de l’épidémie de coronavirus. Les entreprises sont montrées du doigt ». Tu m’étonnes, Colette Aubert (journaliste qui signe ce papier) ! On les montre du doigt parce qu’elle représentent les foyers infectieux numéro un ! Le choix éditorial du titre laisse songeur : Plus d’un cluster sur cinq se trouve en entreprise plutôt que Les entreprises premiers clusters devant les regroupements privés ? Cela ressemble fort à un déni volontaire, presque un mensonge par omission. Et d’une façon générale, les médias dominants n’ont pas crié sur les toits que la première cause de contamination était celle d’aller travailler ! Deux poids, deux mesures, la santé d’un côté, l’économie et les profits de l’autre : auriez-vous imaginé un autre choix de la part du président des riches et de son équipe de sarkozystes libéraux, laquais du Medef, que celui de sacrifier les travailleurs sur l’autel des bénéfices et des dividendes ? Que compte donc faire le gouvernement, qui prétend lutter contre la pandémie sans se soucier des foyers d’infection les plus nombreux ? « Les consultations sur le port du masque en entreprise ont démarré », annonce le Journal du dimanche. Allons bon, une consultation. « Des discussions s’ouvrent dès ce vendredi [hier] avec les partenaires sociaux pour réfléchir à une adaptation des règles de protection en vigueur », précise l’organe appartenant à Arnaud Lagardère, qui ose même un assez incroyable « Le gouvernement a décidé d’accélérer le tempo ». En commençant à s’occuper mi-août de ce qui se passe dans les entreprises, où la règle n’a pas évolué depuis le 24 juin dernier ?

Muriel Penicaud, ministre du Travail, le 1er avril 2020, in Paris. (Photo d’illustration)
« Ce qui compte avant tout, c’est la santé des entreprises des travailleurs ! »
AFP/Ludovic Marin

Présentant alors la mise à jour du Protocole national de déconfinement pour les entreprises, la ministre de l’Exploitation du Travail d’alors, Muriel Pénicaud, assénait : « Le nouveau protocole qui entre en vigueur dès aujourd’hui tient compte de l’évolution de la situation sanitaire. Il est plus souple tout en maintenant une vigilance pour protéger les salariés comme les clients. La reprise de l’activité ne doit pas empêcher la prudence. Nous devons rester vigilants car le virus circule toujours. » Pour mieux tenir compte de l’évolution de la situation sanitaire, maintenir une vigilance pour protéger les salariés comme les clients et rester prudent car le virus circule toujours et ajoutons de plus en plus, on ne s’en est plus occupé depuis le 24 juin, dis donc !

La scandaleuse sanction de l’inspecteur du travail

Soutien à Anthony Smith - Home | Facebook
La pétition de soutien a recueilli près de 150 000 signatures.

Dans ce contexte, les macronistes envoient un signal clair aux fonctionnaires en charge de protéger la santé des travailleurs : on n’embête pas les entreprises pour des histoires de Covid ! « Un inspecteur du travail, accusé d’avoir désobéi à sa hiérarchie pendant le confinement, a été sanctionné par le ministère du Travail d’une mutation d’office, ont annoncé vendredi 14 août le ministère du Travail et une intersyndicale, qui réclame le retrait de cette sanction «particulièrement injuste», avertit Ouest France. Injuste ? « Les syndicats CGT, FO, FSU, Sud et CNT rappellent que l’inspecteur était suspendu depuis le 15 avril pour avoir exigé la mise à disposition d’équipements de protection individuelle (notamment des masques) et la mise en œuvre de mesures de protection contre la Covid-19 au bénéfice de salariées d’une association d’aide à domicile du bassin rémois. » En clair, Anthony Smith – c’est le nom de l’inspecteur du travail, par ailleurs syndiqué à la CGT – a été sanctionné pour avoir accompli sa mission de protection des salariés. Le ministère du Travail tente de justifier cette scandaleuse décision en prétendant que le fonctionnaire n’aurait « pas respecté le cadre de légalité qui s’impose au service de l’inspection du travail ». Tellement vague et jargonneux que ça sent la noyade de poisson à plein nez !« La direction du travail interdit désormais les contrôles inopinés dans les entreprises et les subordonne à l’autorisation de la hiérarchie, officiellement pour protéger les agents du coronavirus, protestaient les syndicats en soutien à l’agent alors mis-à-pied, le 16 avril, durant le confinement. Or, les masques sont inexistants dans la plupart des départements, ce qui limite considérablement l’activité d’inspection. (…) Alors que la situation exigerait des droits et des pouvoirs renforcés pour protéger les salariés, le ministère du Travail organise la paralysie et le court-circuitage de l’inspection du travail et l’empêche d’exercer ses missions en violation des règles de l’OIT [Organisation internationale du travail]. Dans le Nord, une inspectrice du travail a été dissuadée d’exercer un référé à l’encontre d’une association d’aide à domicile pour défaut de protection de ses salariés (port du masque, etc.). Le tribunal lui a donné raison la semaine dernière, contre l’avis de sa hiérarchie qui est allée jusqu’à intervenir directement auprès du tribunal, relèvent les syndicats. » Il s’agit donc bien d’une stratégie délibérée de la part de la direction de l’inspection du travail : les agents avaient le choix entre lui désobéir ou renoncer à protéger les salariés.

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