Depuis quelque trois semaines qu’il n’était plus en charge de la Persécution des étrangers et de l’Identité nationale-sarkozyste, il s’était fait un peu oublier dans son nouveau ministère, celui de l’Industrie et l’Economie numérique. Mais voilà qu’Eric Besson signe son grand retour : « On ne peut héberger des sites internet qualifiés de criminels et rejetés par d’autres Etats en raison d’atteintes qu’ils portent à leurs droits fondamentaux », vitupère-t-il. Allons bon. De quels « autres Etats » parle-t-il ? Quand même pas ceux où règnent d’odieux islamistes, horrifiés par la seule vue d’une femme non-voilée ? Dans ce cas, nombre de sites français encourraient son courroux et sa censure ! Mais tout de même, on est en France… Ah mais non, nous n’y étions pas du tout : on nous souffle dans l’oreillette que les « Autres Etats » en question sont… Unis. Eh oui, Hillary Clinton s’est fâchée toute rouge et les autorités américaines ont sommé l’hébergeur de WikiLeaks de jeter ce site à la rue virtuelle, ce qu’Amazon s’est empressé de faire. Et du coup, WikiLeaks avait trouvé cyber asile dans la patrie des droits de l’Homme (rires), chez OVH, hébergeur français. Mais selon Éric Besson, WikiLeaks « met en danger les relations diplomatiques, mais aussi des personnes qui se pensaient légitimement protégées par le secret diplomatique ». En conséquence de quoi a-t-il pris sa plume et écrit au vice-président du Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies : « Je vous demande de bien vouloir m’indiquer dans les meilleurs délais possible quelles actions peuvent être entreprises afin que ce site internet ne soit plus hébergé en France et que tous les opérateurs ayant participé à son hébergement puissent être dans un premier temps sensibilisés aux conséquences de leurs actes, et dans un deuxième temps placés devant leurs responsabilités ».
Et Le Point de commenter : « Le gouvernement cherche donc des pistes légales pour faire fermer l’hébergement de WikiLeaks chez OVH. Si le projet de loi Loppsi 2 doit permettre à l’exécutif de contrôler Internet sans l’intervention d’un juge, ce texte n’est pas encore adopté et la tâche pourrait donc être complexe. » On mesure bien ici le contenu liberticide de Loppsi 2 : une fois la loi adoptée, le gouvernement sera en mesure de censurer tout site qui lui déplairait sans autre forme de procès. « Cerise sur le gâteau : une partie des sites officiels du gouvernement (adresses en .gouv.fr) seraient hébergés par… OVH », précise l’hebdomadaire. Mais on n’est pas aux Etats-Unis et le prestataire français ne se laisse pas faire : « OVH veut que la justice se prononce, pas l’exécutif. (…) L’entreprise lilloise a saisi le juge des référés « afin qu’il se prononce sur la légalité de ce site sur le territoire français » et parce que « ce n’est pas au monde politique ni à OVH de décider la fermeture d’un site ». Une décision judiciaire favorable à WikiLeaks pourrait être une véritable épine dans le pied du gouvernement, dont les relations avec les États-Unis ne manqueraient pas d’être entachées. Une décision conforme aux volontés du gouvernement ouvrirait, quant à elle, une dangereuse brèche dans la liberté d’expression sur Internet telle qu’elle existe aujourd’hui. » C’est Le Point qui l’écrit ! Et du côté de Numérama, on observe : « Le ministre qui a pour charge de protéger les libertés numériques demande donc expressément qu’elles soient violées ». Mais oui, ça se passe comme ça en Sarkozie !
L’illustration sur Loppsi provient de la Quadrature du Net.
[…] This post was mentioned on Twitter by Olivier Bonnet, C. D.. C. D. said: Le retour de Besson-le-terrible » Plume de presse http://bit.ly/fyz3bh […]
Autre paradoxe concernant l’intervention de l’ex-ministre de l’immigration :
extrait entendu hier sur France Inter, dans lequel Eric Besson se soucie de la vie de personnes en danger, du respect de la vie, et des droits fondamentaux …
http://storage.canalblog.com/22/90/398124/59643724.mp3
On est bien loin de l’expulsion d’afghans vers leur pays en guerre, il y a de cela un an presque jour pour jour.
[…] Olivier Bonnet pour « Plume de presse« Comments […]
Janvier 2007, Besson déclare : « Nicolas Sarkozy est un néo-conservateur américain à passeport français »
A peine 4 ans plus tard, le même reprend les accusations d’un congressman républicain proche tu Tea Party pour qualifier une entreprise à vocation citoyenne et journalistique de criminelle et d’attentatoire aux droits fondamentaux.
Je pense qu’il y a une justice en ce bas monde, et que les types comme Besson finissent un jour payer la note.
Et oui… il continue dans la bêtise même dans un ministère où il aurait pu se faire (enfin) oublier… mais chez lui, l’obsession de l’expulsion va se nicher jusque dans les mondes virtuels….
On ne peut qu’être pessimiste en ce qui concerne la liberté d’expression sur internet. Il faut craindre que celle-ci ne soit qu’une courte parenthèse. Pour le moment, l’oligarchie n’a aucune prise sur les informations qui circulent librement sur la Toile, et elle en est prodigieusement exaspérée. Le pouvoir fera tout, en saisissant n’importe quel prétexte (Wikileaks p.ex.), pour y remettre bon ordre. Que faire?
Sujet intéressant qui mériterait bien un livre ou une thèse, si cela n’a pas déjà été fait.
De mémoire j’ai vu depuis trente ans la manière dont l’oligarchie s’y est pris pour limiter ou anihiler la liberté d’expression chaque fois qu’un media nouveau faisait son apparition, de mémoire donc :
– Régulation des ondes et lourde taxation et réglementation à l’apparition de la CB à la fin des années 70
– Régulation des ondes et étouffement par la publicité pour les radios libres (avec la complicité de Jacl Lang, cf. la prétendue manif de défense de NRJ en 1984…)
– Commission paritaire (et oui c’est dans leur arsenal aussi), ségrégation par le prix et étouffement par le porno pour les messageries minitel à la fin des années 80.
– Commission paritaire, cartes de presse et non accès aux nmpp à l’apparition de la PAO et de la micro-édition
Tous ces moyens ont été tentés sans succès définitif (*) pour minimiser Internet, il va leur falloir trouver autre chose effectivement !
(*) Sans succès définitif, car ça a quand même réussi en partie (Pas de carte de presse pour les bloggueurs, « internet c’est que du cul », « Internet c’est que du ragot des rumeurs » assénés à longueur d’antennes, mondialisation et expansion massive de sites de cul, de poker, de jeux lénifiant et/ou guerriers, procès et menaces envers les bloggueurs, etc. l’a quand même bien limitée la liberté d’expression !)
Pas encore assez à leurs yeux, las…
Profiter de notre liberté d’expression tant qu’elle dure, s’appliquer à respecter rigoureusement la loi pour ne pas s’exposer à des procès et… les gagner s’ils surviennent, parce qu’on aura suffisamment bétonné la forme et le fond… Et protester, alerter, dénoncer les menaces pesant sur cette fameuse liberté d’expression. Tant pis si nous ne sommes que des grains de sable et n’avons comme arme que notre clavier, mais nous sommes des milliers !
Très intéressant et aussi très inquiétant que l’exécutif puisse choisir ce qui doit être hébergé ou non , publié ou non sur le web .
Néanmoins il faut désamorcer un peu le problème, internet a toujours su trouver des possibilités parallèles lorsqu’ils y avait contrôles et interdictions …J’irais même jusqu’à dire que c’est les tentatives de contrôle qui font évoluer le média dans le bon sens pour garder sa liberté .
« Néanmoins il faut désamorcer un peu le problème »
Euuuhh… non, hélas, il n’y a pas de solution miracle, malgré ce que « l’élasticité » apparente de l’internet pourrait donner à penser. Son potentiel de création d’interstices viables pour la liberté d’expression a lui aussi des limites. Il suffit, pour s’en convaincre, de poser la question aux chinois, tunisiens, algériens, etc, emprisonnés pour avoir occupé ces interstices techniques un peu trop longtemps.