Juil 122020
 

Coup sur coup, le Haut conseil pour le climat sort un rapport au vitriol et le Conseil d’État ordonne une astreinte record (10 millions par semestre) pour inaction contre la pollution de l’air. Derrière le vibrant « Make the planet great again », le vide.

L’actuel président de la République s’est fait élire sur une imposture majeure, le fameux « ni droite, ni gauche » ou sa variante « de gauche et en même temps de droite ». Certes, il fallait manquer singulièrement de culture politique pour tomber dans ce panneau-là, mais le fait est que l’opération a fonctionné, avec l’aide de l’idiote utile du système, la Pen. Comment ne pas se faire élire face à un tel repoussoir ? Pour le plaisir, nous vous offrons le flashback sur la séquence-culte du débat.

4 mai 2017 : le freluquet tête-à-claques face à la semi-démente

Or donc, il fallait tomber de la lune pour ne pas avoir très bien compris que Macron était de droite, même si c’est le président « socialiste » – guillemets placés à dessein : lui, de gauche ? -, François Hollande, qui lui a mis le pied à l’étrier. Tout simplement parce qu’il appliquait déjà sous Hollande une politique de droite – ainsi la loi travail, exemple emblématique, c’est lui. Son appartenance idéologique au camp de la droite est du reste devenue aujourd’hui encore plus évidente, avec le nouveau gouvernement dirigé par des sarkozystes. Mais une deuxième imposture marque son mandat présidentiel, qui nous fait surnommer Sa Suprême Hypocrisie l’escrologiste. Dès son installation à l’Élysée, Macron a en effet adopté, face à Donald Trump, la posture de héraut de la lutte contre le réchauffement climatique et pour ainsi dire de sauveur du monde. Oh bien-sûr, il n’est pas difficile d’être plus écologiste que le fou-furieux imbécile de la Maison blanche ! Mais tout de même, quelle pantalonnade que d’accorder à Jupiter le titre de Champion de la Terre, décerné par l’Organisation des nations unies !

Vu par le dessinateur satirique Placide

L’Obs.com s’était alors interrogé : « blague ou récompense méritée ? ». L’introduction de l’article donnait le ton : « Le président français est actif sur la scène diplomatique, mais peine à montrer l’exemple dans les actes ». C’est bien le moins que l’on puisse dire ! La démission de Nicolas Hulot, à qui nous reprocherons toujours d’avoir apporté une caution verte à Macron – comme à Christiane Taubira d’avoir incarné l’alibi de gauche de Hollande -, donnait déjà un indice de la vacuité environnementale concrète du soi-disant Champion de la Terre : « On s’évertue à entretenir un modèle économique cause de tous ces désordres climatiques, avait expliqué le ministre en claquant la porte. (…) Nous faisons des petits pas, et la France en fait beaucoup plus que d’autres pays, mais est-ce que les petits pas suffisent… la réponse, elle est non. » Et d’ajouter : « Je ne peux pas passer mon temps dans des querelles avec Stéphane Travert ». Vous savez, le ministre de l’Agriculture d’alors, auteur de cette fantastique saillie, à propos du glyphosate : « Il n’est pas nécessaire que [son interdiction] soit dans la loi dès lors que nous prenons des engagements ». La loi est passée sans et l’on connaît la suite : le zéro-glyphosate est repoussé à la Saint-Glinglin fin du quinquennat.

Où en sommes-nous donc aujourd’hui, alors que Barbara Pompili vient d’être nommée ministre de la Transition écologique ? Et que Macron le bonimenteur a rajouté d’écœurantes couches à ses dégoulinantes incantations écologistes ?

Les écrits restent.

Ironie du sort, c’est une instance indépendante qu’il a lui-même créée, le Haut conseil pour le climat (HCC), qui répond par le constat sans appel suivant : « La France n’est “pas à la hauteur des enjeux ni des objectifs qu’elle s’est donnés” sur la lutte contre le réchauffement climatique », déplore le deuxième rapport annuel de 160 pages du HCC, en date du 8 juillet dernier. « La redevabilité du gouvernement sur les politiques climatiques reste faible, résume le communiqué de presse. En dépit de certains progrès comme le budget vert qui sera mis en œuvre sur le prochain projet de loi de finances [bien-sûr, le meilleur est toujours pour plus tard !, NdA], l’évaluation des lois et des politiques en regard du climat (…) n’a pas progressé. Les annonces faites au cours de l’année écoulée, comme la feuille de route de chaque ministère sur son budget carbone, sont toujours en attente d’être mises en œuvre. La réduction des émissions de gaz à effet de serre est insuffisante pour respecter les budgets carbone futurs. Les émissions de la France ont diminué de 0,9% en 2019, ce qui est similaire aux années précédentes et loin des –3% attendus dès 2025. » Et concernant le plan de reprise ? « Les premières dispositions du gouvernement en réponse à la crise du COVID-19 ne vont pas dans le sens des recommandations du HCC. Les dispositions sont peu contraignantes et n’incluent pas de mesures d’évaluation. En bénéficiant de plusieurs dizaines de milliards d’euros pour aider à la reprise économique, les entreprises françaises pourraient être sollicitées plus fermement par des mesures contraignantes. » Mais Bruno Le Maire, Emmanuel Macron et la droite en général jamais n’imposent quoi que ce soit aux entreprises : leur religion leur interdit d’exiger toute contrepartie, c’est pécher. Des exhortations, des suppliques, des proclamations de bonne intentions, ça, d’accord. Pour le reste…

« Le décalage entre les discours et les actes d’Emmanuel Macron sur l’écologie et le climat est abyssal » : Greenpeace in Le monde après-Covid : E. Macron arrive à faire pire qu’avant.

Si le HCC « critique vertement l’action gouvernementale », selon la formule amusante du Huffington post, le Conseil d’État va plus loin et « ordonne au gouvernement de prendre des mesures pour réduire la pollution de l’air, sous astreinte de 10 M€ par semestre de retard », par sa décision du 10 juillet. Bigre ! « Après une première décision en juillet 2017, le Conseil d’État constate que le gouvernement n’a toujours pas pris les mesures demandées pour réduire la pollution de l’air dans 8 zones en France. Pour l’y contraindre, le Conseil d’État prononce une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard, soit le montant le plus élevé qui ait jamais été imposé pour contraindre l’État à exécuter une décision prise par le juge administratif. » C’est le problème quand on ne fait rien : ça finit par se voir. « Cette décision historique fait suite à un recours déposé par Les Amis de la Terre France, accompagnés de 77 autres requérants dénonçant l’inaction du gouvernement en matière de protection de la qualité de l’air, synthétise Reporterre. Le Conseil d’État leur a ainsi donné raison, constatant qu’à Grenoble, Lyon, Marseille-Aix, Reims, Strasbourg et Toulouse et Paris, la pollution au dioxyde d’azote continue de dépasser les valeurs limites légales. » Qui touchera cette manne ? Réponse dans le communiqué de presse du Conseil d’État : « cette somme pourrait être versée non seulement aux associations requérantes mais aussi à des personnes publiques disposant d’une autonomie suffisante à l’égard de l’État et dont les missions sont en rapport avec la qualité de l’air ou à des personnes privées à but non lucratif menant des actions d’intérêt général dans ce domaine ».

Même si la satisfaction est de mise de voir ainsi l’inaction macroniste dûment stigmatisée et sanctionnée par la plus haute juridiction administrative française, notons néanmoins que si l’État est ainsi condamné, ce sont in fine les Français qui paient. Ce qui justifiera de nouvelles rengaines sur la dette à l’appui d’austérités futures.

À moins de vraiment renverser la table, c’est toujours le libéralisme qui gagne…

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