Août 302010
 

Pourquoi croyez-vous donc que l’UMP tente par tous les moyens d’inféoder la justice au gouvernement, par exemple avec le scandaleux projet de suppression du juge d’instruction ? C’est qu’il est encore des magistrats indépendants qui n’hésitent pas à se dresser contre le pouvoir lorsque leur conscience le leur dicte. Insupportable, pour nos apprentis dictateurs, mais réconfortant pour les citoyens ! Deux exemples dans l’actualité, avec le dossier Rom et l’affaire Woerth.« Le tribunal administratif de Lille a annulé vendredi 27 août quatre arrêtés de reconduite à la frontière pris par la préfecture du Nord à l’égard de Roms qui avaient été évacués mardi d’un terrain situé à Villeneuve-d’Ascq » , indique Le Monde du 27 août. Motif ? « La préfecture, pour prendre ces arrêtés, a invoqué le fait que l’occupation d’un terrain privé constituait un trouble à l’ordre public, ce qu’a contesté le président du tribunal », tient le quotidien du greffe du tribunal administratif, « information confirmée par la préfecture du Nord » : « Le tribunal s’est appuyé sur un arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles en juillet 2009, selon lequel l’occupation illégale d’un terrain communal ou privé « ne suffit pas à caractériser l’existence d’une menace à l’ordre public. » Zut alors : si nos zélés préfets, soucieux de lancer la chasse aux Roms pour obéir au président de la République – et à ses hommes de main Hortefeux et Besson – ne peuvent plus utiliser la notion de « trouble à l’ordre public » de façon totalement arbitraire, s’ils sont obligés de se soumettre au droit, comment va-t-on pouvoir afficher de jolies statistiques de reconduites à la frontière, histoire de gonfler les muscles à destination de l’électorat franchouillard ? De quoi se mêlent donc ces juges, au lieu de faire où on leur dit de faire ?

L’interrogation est également valable pour Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation. On le connaissait déjà pour s’être opposé au gouvernement à propos de la suppression du juge d’instruction, qu’il juge inconstitutionnelle, mais voilà qu’il aggrave son cas : « L’information a été révélée par le JDD hier, rapporte le site de France Info ce matin. Jean-Louis Nadal (…) se serait saisi de l’affaire. Il aurait réclamé auprès de la hiérarchie de Philippe Courroye, procureur de Nanterre, les éléments du dossier pénal qui pourraient mettre en cause Eric Woerth. Eléments concernant des faits présumés de prise illégale d’intérêt ou de délit de favoritisme. » Bigre ! A quoi cela sert-il donc que le pouvoir s’entête à refuser la nomination d’un juge indépendant pour enquêter sur le bettencourtgate, laissant le soin au procureur Courroye-de-transmission de classer tranquillement l’affaire, si Nadal passe par-dessus la tête de tout le monde et se permet d’enquêter personnellement sur les agissements du ministre ? « En fait, Jean-Louis Nadal est le seul magistrat en France à pouvoir inquiéter un ministre qui aurait commis un délit dans le cadre de ses fonctions, précise France Info. Si dans la classe politique à gauche, on n’a cessé de réclamer la saisie d’un juge d’instruction, il faut bien savoir que ce magistrat indépendant n’aurait pas été en mesure de poursuivre Eric Woerth en cas d’infraction caractérisée. C’est d’ailleurs aussi le cas du procureur de Nanterre, Philippe Courroye : il peut enquêter sur les soupçons de conflits d’intérêt, (…) mais au final, si il y a matière à poursuite, le procureur ne sera pas compétent [Les bras nous en tomberaient de toute façon qu’il décide de poursuites ! NdA]. Voilà pourquoi cette démarche entreprise par Jean-Louis Nadal est susceptible d’inquiéter le ministre. Le haut magistrat souhaite se faire remettre la synthèse des enquêtes du parquet de Nanterre. S’il estime que des poursuites peuvent être engagées, il saisira alors la commission des requêtes de la Cour de justice qui doit donner un avis conforme pour ouvrir une instruction (menée par les trois magistrats de la commission de l’instruction de la Cour de justice). Dans ce cas, cette instruction déboucherait ou non sur le renvoi d’Eric Woerth devant la Cour de justice de la République, composée de douze juges parlementaires et de trois magistrats professionnels. » Bon, c’est là le hic : cette juridiction d’exception s’est toujours montrée très indulgente vis-à-vis des siens… Et quoi qu’il en soit, elle est encore loin d’être saisie. Mais l’intervention de Jean-Louis Nadal, auréolé du prestige de sa fonction qui le consacre comme l’un des plus hauts magistrats du pays, met en pleine lumière le fait que, malgré les éternelles dénégations offusquées de l’UMP, existent bien de très lourds soupçons de « prise illégale d’intérêt » et de « favoritisme » à l’encontre du ministre. La première sanction de son comportement aurait dû être politique : dans n’importe quelle démocratie de la planète, le membre d’un gouvernement mouillé dans un tel scandale aurait démissionné depuis belle lurette. Question d’honneur. Mais l’honneur d’Eric Woerth ? L’honneur des dignitaires de la Sarkozie, à commencer par celui du premier d’entre eux ? Depuis longtemps perdu ! Aussi Nadal rétablit-il quelque peu celui de l’institution judiciaire*, en n’hésitant pas à défier le pouvoir, et c’est déjà en soi une bonne nouvelle.

Faisons un rêve… Illustration provenant du Village.

*Il faut rendre à César… Nadal s’est auto-saisi à la suite d’un courrier que lui a adressé l’avocate écologiste (de droite) Corinne Lepage : « Depuis l’origine de l’affaire Bettencourt, la stratégie suivie est de contourner les organes normalement compétents, explique-t-elle au JDD. Dans ce dossier, il aurait fallu saisir un juge d’instruction depuis longtemps ! Le nouveau système d’enquête préliminaire est malsain, il donne aux parquets tous les moyens d’intervenir dans un dossier sans que personne ne puisse voir ce qui s’y passe. J’ai aussi été choquée que le ministre du Budget saisisse l’Inspection générale des finances pour lui demander s’il y avait eu ou non intervention dans un dossier fiscal. Cette demande était anormale : ce n’est pas le rôle de l’Inspection des finances, sous le contrôle de l’exécutif, d’enquêter sur l’exécutif ! (…) En tant que citoyenne et députée européenne, j’observe que la situation de blocage est aujourd’hui complète. Dans tous les pays démocratiques, la justice se doit d’être indépendante. La situation actuelle est grave pour notre pays, son fonctionnement démocratique et son image internationale. Au Parlement européen, je vois bien que si nous ne faisons rien pour restaurer l’indépendance de notre justice, nous descendons au niveau de l’Italie de Silvio Berlusconi. »

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  22 commentaires à “Quand la justice défie le pouvoir”

  1. […] This post was mentioned on Twitter by Irene Delse, Olivier Bonnet and Collectif SDF Alsace, Collectif SDF Alsace. Collectif SDF Alsace said: RT @OlivierBonnet: Quand la justice défie le pouvoir http://alturl.com/vkbvj Deux exemples dans l’actualité, avec le dossier #Rom et l’a … […]

  2. Allez Nadal: Des cojones !

  3. Eric Woerth dénonce sa «lapidation médiatique».

    Eric Woerth nous a reçus samedi dans sa mairie à Chantilly (Oise). Dans son bureau ouvert sur l’hippodrome, il affiche une solide combativité. Reposé après une trêve estivale à Chamonix (Haute-Savoie), il prévient : « Je suis en forme olympique. » Mais il reste visiblement affecté par deux mois et demi d’attaques ininterrompues.

    « C’est un peu une chasse à l’homme, comme il existe ici des chasses à courre. Sauf que c’est moi qui joue le rôle du cerf, commente-t-il avec une certaine résignation. Je suis un dommage collatéral des écoutes sauvages d’un majordome (NDLR : celui de Liliane Bettencourt). Je subis depuis deux-trois mois une sorte de lapidation médiatique assez impressionnante. »

    http://www.leparisien.fr/politique/eric-woerth-denonce-sa-lapidation-mediatique-30-08-2010-1047658.php

    L’Iran a Sakineh Mohammadi-Ashtiani, condamnée à mort par lapidation.

    La France a Eric Woerth.

    Chaque pays a les martyrs qu’il mérite.

    Woerth, tu n’as pas honte de parler de lapidation ?

    Tu n’as pas honte par rapport aux femmes qui sont lapidées ?

  4. en attendant, un nouveau rat quitte le navire : Mr bernard kouchner, qui trouve comme argument uniquement cette affaire des roms, c’est à en devenir risible.

  5. On peut simplement s’étonner de la lenteur de la justice. La demande de Corinne Lepage date de la mi-juillet…et ça ne ressort que maintenant!
    L’UMP s’en sert déjà comme explication pour casser la réforme des retraites.

    Cdt,
    Cpolitic

    • Heu, il y a quelque chose qui ne va pas dans votre phrase, camarade : l’UMP n’a pas du tout du tout l’air d’être parti pour « casser la réforme des retraites » ! 😀

      Ils invoqueraient donc le fait que la démarche de Jean-Louis Nadal cherche à torpiller leur saleté de réforme antisociale pourrie ? C’est grave, très grave : ils mettent en cause la probité du premier parquetier de France, professionnel unanimement louangé pourtant ! Rien ne les arrête.

  6. […] This post was Twitted by patageron […]

  7. « Israël, c’est plus important que les retraites » Éric Raoult

  8. Ils sont rigolos, navrants, cyniques ou quoi, les gens de l’UMP ? Dord, le nouveau trésorier est un ancien de l’Oréal et sa belle-mère habite à deux étages de De Maistre ! A moins qu’ils ne se foutent carrément de notre gueule ? Mauvais esprit ? Voire…

    • C’est exactement ça Duszka : l’ UMP prend le peuple pour des cons ; ils se foutent de nous et ça les amuse. Ils n’ont sans doute rien à craindre de la justice, vu que certains juges sont des amis du pouvoir.

  9. Affaire Bettencourt : la lettre qui contredit Eric Woerth.

    Une simple lettre, découverte à la mi-août lors d’une perquisition, fragilise la position d’Eric Woerth.

    L’actuel ministre du Travail a toujours affirmé ne pas être intervenu dans l’octroi, en juillet 2007, de la Légion d’honneur à Patrice de Maistre, futur employeur de son épouse et gestionnaire de fortune des Bettencourt. Il a maintenu cette version lorsqu’il a été entendu comme témoin, le 29 juillet dernier, par la police judiciaire dans l’enquête sur un éventuel trafic d’influence autour de cette décoration.

    Or, selon nos informations, le procureur Courroye et les policiers de la Brigade financière disposent aujourd’hui d’un élément crucial qui infirme cette version : une lettre signée d’Eric Woerth lui-même, datée du début du mois de mars 2007.

    Ce courrier, adressé à Nicolas Sarkozy, place Beauvau, recommande Patrice de Maistre pour l’obtention de cette décoration.

    A l’époque, Eric Woerth est à la fois trésorier de l’UMP et du candidat à l’élection présidentielle. Quant à Nicolas Sarkozy, il se trouve pour quelques semaines encore à la tête du ministère de l’Intérieur, qu’il s’apprête à quitter pour se consacrer à la campagne.

    Dans la lettre, rédigée sur du papier à en-tête d’une association de soutien à l’action de Nicolas Sarkozy, Eric Woerth vante les mérites de Patrice de Maistre, membre du Premier cercle, rassemblant les principaux donateurs de Sarkozy. Le gestionnaire de fortune est, par ailleurs, un collecteur de fonds légaux pour l’UMP.

    Avec ce document, l’hypothèse d’une récompense pour ses bons et loyaux services prend corps.

    Interrogé le 30 août par L’Express, pour savoir s’il était intervenu par écrit ou oralement dans le dossier d’attribution de Légion d’honneur, Eric Woerth n’a pas souhaité entrer dans le détail. Il a simplement répété que cette remise de décoration n’avait donné lieu à « aucune contrepartie ».

    Quant à l’avocat de Patrice de Maistre, Maître Pascal Wilhelm, il nous a indiqué que son client avait découvert l’existence de cette lettre le 25 août, lorsque les policiers l’ont interrogé pendant six heures. Une nouvelle audition d’Eric Woerth semble désormais inévitable.

    http://www.lexpress.fr/actualite/politique/affaire-bettencourt-la-lettre-qui-contredit-woerth_916022.html

  10. Affaire Bettencourt : Nicolas Sarkozy serait cité dans les carnets de Banier.

    Mediapart révèle jeudi 2 septembre que le photographe François-Marie Banier, poursuivi pour abus de faiblesse, a rédigé dans son journal intime, au printemps 2007, des « propos tenus » par Liliane Bettencourt selon lesquels Nicolas Sarkozy aurait reçu, en pleine campagne présidentielle, de l’argent des époux Bettencourt.

    Le document, saisi par les policiers de la brigade financière lors d’une perquisition en juillet, pourrait conforter les soupçons qui pèsent sur le financement de l’UMP et de Nicolas Sarkozy.

    Si, devant les policiers, François-Marie Banier confirme avoir entendu de telles déclarations de la part de la milliardaire, le photographe se montre très prudent quant à leur véracité : « Ce sont des propos qu’elle m’a tenus, mais je ne sais pas s’ils sont vrais ».

    « Je ne cherche pas à protéger Sarkozy, par contre Liliane est du genre à confondre les noms. Elle aurait pu confondre avec Balladur ou un autre. Elle m’a à plusieurs reprises cité des demandes d’argent en se trompant sur la personne qui lui demandait », tempère-t-il encore.

    Une bien étrange déclaration quand on sait que François-Marie Banier n’a de cesse, d’ordinaire, de vanter la bonne santé mentale de l’héritière de l’Oréal.

    En outre, Claire Thiboult, l’ancienne comptable de Liliane Bettencourt avait évoqué en juillet, la remise d’une somme en liquide de 150.000 euros au début de l’année 2007 à Eric Woerth, par le biais de Patrice de Maistre, gestionnaire de fortune de l’héritière, dans le but de financer de manière illicite la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.

    http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/politique/20100902.OBS9320/nicolas-sarkozy-serait-cite-dans-les-carnets-de-banier.html

  11. Maître Antoine Gillot est l’avocat de Claire Thibout, l’ex-comptable des époux Bettencourt.

    Vendredi 9 juillet 2010 :

    Maître Antoine Gillot dénonce l’ »acharnement » du parquet contre sa cliente, l’ex-comptable des époux Bettencourt. Parce que « c’est un témoin crédible et qu’elle sait beaucoup de choses ».

    Maître Gillot affirme encore que sa cliente « ne s’est aucunement rétractée et a maintenu mot pour mot » ce qu’elle avait déclaré au journaliste de Mediapart. Notamment les « espèces demandées » par Patrice de Maistre « pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy » et le versement de ces fortes sommes en liquide à Eric Woerth.

    Claire Thibout confirme également les visites de Nicolas Sarkozy chez Liliane Bettencourt, comme d’autres hommes politiques de droite. Et qu’à l’occasion de ces visites de politiques, « il lui était demandé de préparer des enveloppes avec des espèces », explique l’avocat.

    Monsieur et Madame Bettencourt « se montraient très généreux avec les personnels politiques de droite », a-t-elle réaffirmé aux enquêteurs. Tout en concédant que Claire Thibout n’avait jamais assisté personnellement à des remises d’enveloppes.

    « Je crois que la vérité va sortir », pronostique l’avocat, évoquant les documents produits par le site marianne2.fr (près de 400.000 euros sortis en liquide dans les mois qui ont précédé l’élection présidentielle, ndlr).

    http://www.france-info.com/france-justice-police-2010-07-09-bettencourt-l-avocat-de-l-ex-comptable-denonce-le-harcelement-464014-9-11.html
    Jeudi 2 septembre 2010 :

    Bettencourt : les carnets Banier désignent Nicolas Sarkozy.

    Dans l’un des carnets intimes du photographe François-Marie Banier, qui ont été saisis par la police, le protégé de Liliane Bettencourt mentionne une confidence faite par la milliardaire, au printemps 2007. Liliane Bettencourt aurait évoqué devant lui la remise d’argent à Nicolas Sarkozy, au moment de l’élection présidentielle.

    «Elle ne m’a pas dit si c’était pour Neuilly, pour sa campagne ou pour autre chose», ajoute le photographe.

    (Mediapart.fr

  12. Affaire Bettencourt : l’ex-comptable confirme les dons d’argent à Woerth.

    L’ex-comptable de Liliane Bettencourt, Claire Thibout, accuse à nouveau Patrice de Maistre d’avoir versé 150.000 euros à Eric Woerth pour financer la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, dans un entretien exclusif à «Complément d’enquête» diffusé lundi sur France 2.

    Le gestionnaire de la fortune de l’héritière de l’Oréal, Patrice de Maistre, «vient me trouver dans mon bureau et il me dit : « Claire, j’ai besoin de 150.000 euros ». Alors je lui demande pour quoi faire, et il me dit : « Je dois donner ces 150.000 euros à M. Woerth pour la campagne électorale de M. Sarkozy »», explique Claire Thibout dans l’émission.

    http://www.liberation.fr/politiques/01012291337-affaire-woerth-l-ex-comptable-de-bettencourt-maintient-ses-dires

  13. […] refusa de répondre…, 23 juillet). Mais ce n’est nullement le cas du second, qui pourrait saisir la Cour de Justice de la République pour juger des actes du ministre. Une fois sa démission remise, et on ose penser qu’elle est […]

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