Oct 112020
 

Plus de 5 millions de Français ont désormais besoin de l’aide alimentaire, tandis que les 0,1% les plus riches ont enregistré 25% d’augmentation de leur fortune en deux ans, grâce aux cadeaux fiscaux du président des riches.

Merci à notre confrère Guillaume Blardone, qui exhume fort à propos un extrait de la conférence de presse post « grand débat national », en avril 2019, où Emmanuel Macron annonce qu’il ne reviendra pas sur la transformation de l’Impôt sur la fortune (ISF) en Impôt sur la fortune immobilière (IFI) : « Comme c’est une réforme pragmatique, elle sera évaluée en 2020 et nous regarderons son efficacité. Si elle n’est pas efficace, nous la corrigerons. Si elle est trop large, qu’elle a des effets pervers, ils seront corrigés. Mais je le dis très clairement : c’est une réforme pour produire, pas un cadeau pour les plus fortunés. » Bien, bien, bien. Nous sommes en 2020 et que nous apprend Le Monde ? Après la suppression de l’ISF, les revenus des 0,1% les plus riches ont explosé en France, titre-t-il. Le quotidien résume ainsi le deuxième rapport du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité, publié jeudi 8 octobre, précisant qui en sont les auteurs : « Réalisé sous l’égide de France Stratégie, l’organisme d’évaluation et de prospective rattaché à Matignon, [il est le] travail d’économistes, de députés, de représentants de l’Insee, du Trésor, ou encore du Medef et de la CFDT. » Pas un ramassis de gauchistes, donc. Et que concluent-ils ? « La suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) et l’instauration de la «flat tax» [prélèvement forfaitaire unique de 30% sur les revenus du capital] au début du quinquennat ont eu pour effet de faire fortement augmenter les revenus des 0,1% des Français les plus aisés, tandis que la distribution de dividendes, de plus en plus concentrée, a explosé. »

« Mettant en série les faits, arpentant les lieux du pouvoir, brossant le portrait de l’entourage, ce livre fait la chronique édifiante d’une guerre de classe menée depuis le cœur de ce qui s’apparente de plus en plus à une monarchie présidentielle. »

Public Sénat effectue un constat implacable : « les dividendes ont augmenté «fortement», de 60% en 2018, pour atteindre en volume 23,2 milliards d’euros. La tendance haussière se poursuit en 2019. «Les 0,1% de Français les plus aisés sont un quart de fois plus riches que les 0,1 % de 2017», constate l’étude. «Ce rapport souligne de façon caractérisée et solide : pour les très hauts revenus, le gain est considérable», note le sénateur socialiste Vincent Eblé, ex-président de la commission des finances au Sénat. «Les chiffres sont absolument hallucinants. En une seule année, l’inflexion est énorme. C’est un changement de nature démentiel. » (…) la concentration de ces revenus tirés du capital est de plus en plus marquée. Si en 2017 0,1% des foyers fiscaux (38 000 personnes) percevait la moitié du total, la part du même groupe est passée aux deux tiers en 2018. Quant aux 0,01% de foyers les plus fortunés (3 800 personnes), leur part est passée dans le même temps d’un cinquième à un tiers. «Macron est devenu le président des très très riches, c’est confirmé», analyse le sénateur communiste Éric Bocquet, membre de la commission des finances du Sénat. L’élu du Nord s’inquiète de voir l’écart des richesses «continuer à se creuser». « Une enquête du Secours populaire nous apprend qu’il y a de plus en plus de monde à solliciter l’aide alimentaire, les départements sont assaillis de nouvelles demandes de RSA. La pauvreté s’enkyste dans la société et quelques jours plus tard, on apprend que les riches deviennent encore plus riches», s’indigne-t-il. »

Pire que le Président des Riches ! – Adrien Quatennens

Donc ce qui n’était « pas un cadeau pour les plus fortunés » était bien un cadeau pour les plus fortunés. À présent que la réforme a été évaluée, comme promis – accordons-le à Macron -, nous attendons que la réforme soit « corrigée ». Supprimée en fait ! Mais ne rêvons pas. Comptons par contre, si ce n’est la presse, qu’au moins les députés France insoumise, dont le président Jean-Luc Mélenchon avait averti dès mai 2017 que Macron était « le président des riches », ce en quoi il avait parfaitement raison, preuve fournie par le rapport, interpelle la majorité sur ce point. Comment nieront-ils l’évidence, assumeront-ils de gaver les millionnaires quand le peuple souffre de plus en plus ? « Le Secours populaire met en garde mercredi contre une flambée de la pauvreté sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale », relayait France 24 le 29 septembre dernier ; « Dans les rues de Paris, les files d’attente pour les distributions alimentaires continuent de s’allonger, face à l’afflux inédit de nouvelles personnes venant s’ajouter aux précaires dont la situation a empiré. Familles monoparentales, personnes âgées, étudiants, mais aussi intérimaires ou travailleurs indépendants : personne ne semble plus à l’abri de la précarité, selon le Secours populaire. » Un deuxième article apporte des précisions : « Les chiffres donnent le tournis : 1,2 million de personnes supplémentaires ont été aidées par l’association de mi-mars à fin août, soit une augmentation de 50% par rapport aux années précédentes. Au total, ce sont plus de 5 millions de Français, selon une estimation du ministre de la Santé, Olivier Véran, qui ont désormais recours à l’aide alimentaire. » « Il est «trop tôt» pour évoquer l’impact fiscal de la crise du Covid-19, a estimé mercredi le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, en réponse à un début de polémique sur la suppression de l’ISF et un appel au don lancé par le ministre des Comptes publics », nous informait Le Figaro en avril dernier : «Il y aura un temps pour le débat fiscal» mais «il est trop tôt pour le poser». Et maintenant ?

Rends l'ISF d'abord !
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Oct 102020
 
Institut Pasteur de Lille - Avec votre don, accélérez les avancées de nos  chercheurs dans la lutte contre le cancer et bénéficiez d'une déduction  fiscale pouvant atteindre jusqu'à 75 %.

Imaginez qu’un établissement de recherche médicale sérieux et renommé – l’Institut Pasteur de Lille (IPL) – annonce avoir vraisemblablement trouvé un médicament contre la Covid : en étudiant les effets produits sur ce satané virus par quelques 2000 molécules déjà présentes dans la pharmacopée, les chercheurs en ont décelée une « active contre le coronavirus. Nous l’avons testée sur des cellules humaines du poumon et les résultats se sont révélés très prometteurs », annonce le Pr Benoît Déprez, directeur scientifique de l’IPL, à La Voix du Nord le 29 septembre dernier. C’était notre billet du 2 octobre, où nous nous insurgions que l’État ne verse pas les cinq millions d’euros qui manquaient pour valider définitivement le traitement par un essai clinique. Pensez donc : on pourrait disposer dès cet été, non d’un vaccin, mais d’un médicament capable de soigner les malades de la Covid, qui a déjà tué 32 690 personnes en France, dont 62 hier (109 la veille). Mentionnons au passage que ces chiffres sont sans doute gonflés en attribuant systématiquement les décès à la Covid à partir du moment où feu le patient y est positif (même s’il est en fait mort d’autre chose), comme l’expliquent 250 chercheurs, ce qui pourrait augmenter le total de jusqu’à 30%. Mais tout de même ! Veut-on sauver des vies, oui ou non ? Cinq millions d’euros, c’est trop quand on prétend s’engager contre la pandémie « quoi qu’il en coûte » ?

COVID-19 - Les chiffres clés en France au 09/10/2020
Santé publique France, chiffres du 9 octobre 2020

« Face à la pandémie mondiale, la découverte scientifique des chercheurs de l’Institut Pasteur de Lille suscite un espoir de traitement énorme. Il est vital que ces recherches puissent se poursuivre et c’est dans ce but, que j’ai décidé d’apporter un soutien pour cette phase capitale d’essais cliniques. Je suis fier que cette découverte ait été réalisée par des équipes de ma région d’origine, et espère vivement que leurs travaux aboutiront dans les meilleurs délais. » Enfin ! Emmanuel Macron a pris la mesure du défi. Mais c’est étrange, il est originaire de Picardie, pas du Nord, c’est différent… Donc ce n’est pas lui. Qui alors va verser les cinq millions d’euros manquants, en majesté ? Bernard Arnault, Monsieur LVMH, troisième homme le plus riche du monde avec une fortune personnelle de 76 milliards de dollars. Rassurez-vous, les cinq millions ne seront pas prélevés sur ses propres deniers, c’est le groupe qui paye. Enfin, la Fondation d’entreprise Louis Vuitton, créée pour ses actions de mécénat.

Le château de Versailles acquiert un trésor national grâce au mécénat de  LVMH - Presse - Château de Versailles
Louis Vuitton Mwait and see ce que ça rapporte

Une affaire qui roule, le mécénat. « La France s’est dotée en 2003 d’un dispositif fiscal en faveur du mécénat des entreprises «parmi les plus généreux sur le plan international», selon la Cour [des comptes], qui appelle à «mieux encadrer» ce dispositif, écrit Libération en novembre 2018. Il « permet de déduire directement 60% des dons de l’impôt sur les sociétés » et, grâce à lui, « LVMH a économisé 518 millions d’euros d’impôts sur dix ans », de 2007 à 2017. In fine donc, c’est bien l’État qui paye (à 60%), ce qui semble légitime en l’occurrence s’agissant de la recherche médicale. Sauf que c’est au prix d’un appauvrissement de ses recettes fiscales, nouvelle offrande aux entreprises – aux très grandes essentiellement, « 24 entreprises ont représenté 44% de la dépense fiscale en 2016 », celles qui n’en finissent plus de se gaver (et de gaver leurs dirigeants et actionnaires). Sauf, surtout, que le mécénat se pratique par définition à la discrétion du mécène, suivant ses propres choix le portant vers telle cause ou tel projet que son arbitraire aura désigné. C’est institutionnaliser la charité. Les progressistes – les vrais ! – préfèrent l’impôt qui redistribue suivant les décisions politiques de dirigeants élus du peuple que le bon vouloir des riches.

« Je sais que vous êtes expert en optimisation fiscale, Monsieur Trump… Je ne me défends pas mal non plus. »

On marche sur la tête. C’est la Fondation d’entreprise Louis Vuitton qui va payer 40% de ces cinq millions, mais ça n’empêche pas Bernard Arnault d’écrire, dans un communiqué – chaque mot y est soigneusement pesé, foi de communicant -, « J’ai décidé d’apporter un soutien ». L’IPL a peut-être découvert un médicament contre la Covid mais sa mise au point dépend de l’initiative privée d’un milliardaire. Monsieur est trop bon. Et la puissance publique dans tout ça ? L’intérêt général en pleine catastrophe sanitaire inédite dans l’histoire de l’humanité ? Est-ce à l’État ou à Bernard-la-magouille, comme on ne l’appelle pas dans les milieux chics de l’oligarchie, de protéger la population française ? On en est là. L’Assistance publique/Hôpitaux de Paris (AP-HP) a créé son fonds d’urgence Coronavirus Covid-19, expliquant en mai dernier : « Le volume considérable de patients que les équipes de l’AP-HP sont amenées à suivre, mais également l’excellence de sa recherche clinique, en font un acteur crucial de la lutte contre l’épidémie. Depuis la prise en charge des premiers cas en France à l’AP-HPune véritable course contre la montre est engagée. Les équipes sont entièrement mobilisées pour la prise en charge de tous les patients, mais elles doivent mener de front le soin et la recherche. Des renforts sont nécessairesdans l’immédiat pour le soutien aux équipes en première ligne et comme pour le lancement des projets de recherche mais aussi dans les semaines à venir, pour continuer à soutenir toutes les initiatives qui auront émergé et les besoins qui resteront non couverts. Pour cela, nous avons besoin de votre soutien, exceptionnel et immédiat. » L’Assistance publique ! Est-ce aux Français de venir à son secours ou à l’État de lui procurer les moyens dont elle a besoin ? L’institut Pasteur lance un appel aux dons pour la mise au point d’un vaccin. « Gérald Darmanin lance un appel aux dons pour les entreprises en difficulté », alors ministre de l’Action et des Comptes publics et pas encore fascistoïde ministre de l’Intérieur. La Macronie ne fait pas encore assez de cadeaux aux entreprises, le quidam est appelé à mettre la main à la poche.

« Plutôt qu’organiser un «Téléthon de la honte», rétablissez l’ISF, Monsieur Darmanin !, l’interpelle vigoureusement Maxime Combes le 3 avril dernier. L’appel aux dons plutôt que lever l’impôt est-il la nouvelle doctrine de l’exécutif ? En annonçant une plateforme de dons en ligne pour que les « particuliers ou entreprises apportent leur contribution à l’effort de solidarité de la nation envers les plus touchés », Gérald Darmanin illustre à nouveau l’incurie d’un gouvernement qui se refuse à prendre des mesures à la hauteur des enjeux. Il y a des appels à la «solidarité nationale» qui sonnent comme une invitation à l’indignation collective », proteste l’économiste membre d’Attac et contributeur de l’excellent webzine Basta!, jugeant le procédé « à la fois extravagant et indigne » : « Extravagant parce qu’on attend de l’exécutif qu’il prenne des décisions courageuses et visionnaires à la hauteur des difficultés que nous traversons. (…) les pouvoirs publics doivent débloquer des financements pérennes, prévisibles et suffisants. Pas que le gouvernement se lance dans l’organisation hasardeuse d’un Téléthon géant, aussi gênant qu’inapproprié. Indigne parce que les personnels soignants, et, plus largement, toutes celles et tous ceux qui prennent soin de nous, risquent leur vie quotidiennement en raison de l’incurie d’un gouvernement défaillant incapable d’assurer à chacun.e le matériel nécessaire pour se protéger. Pourvoir aux besoins des hôpitaux et amortir les conséquences sociales et économiques de la crise sanitaire nécessitent immédiatement des financements publics et pérennes, pas un appel à dons ponctuel et incertain. (…) Les appels au don ? Quelle honte ! Pour la 6e puissance mondiale, dans un pays où l’évasion fiscale est évaluée entre 60 et 100 milliards d’euros par an et où les entreprises du CAC40 prévoient de verser près de 50 milliards d’euros de dividendes. (…) Non, on ne financera pas les hôpitaux par des appels à dons. Mais en s’assurant que chacun.e, entreprises multinationales comprises, paient leur juste part d’impôt. Lutte implacable contre l’évasion fiscale, rétablissement de l’impôt sur la fortune et de la progressivité de l’imposition sur les revenus du capital, suppression du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), voilà les mesures que l’exécutif devrait prendre s’il était un tantinet conséquent. Si la crise économique qui s’annonce est plus dure qu’en 1929, comme l’affirme Bruno Le Maire, on n’organise pas un Téléthon. On met à contribution les millionnaires et les milliardaires de ce pays : les taux supérieurs de l’impôt sur le revenu ont atteint 70% à 94% entre les années 30 et le début des années 80 aux États-Unis. Et près de 80% en France, sous la présidence du général de Gaulle au milieu des années 1960. Chiche ? »

Il nous est avis qu’on peut toujours attendre.

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Déc 102010
 

Le « Grenelle de l’environnement », ils n’ont que ça à la bouche, mais quand il s’agit de s’attaquer à l’agrochimie, il n’y a plus personne ! Prenez le fringant jeune homme qui aime l’agriculture et la pêche, Bruno Le Maire« Le ministère de l’Agriculture a annoncé mercredi le renouvellement pour un an de l’autorisation de l’insecticide Cruiser, dont le retrait est réclamé par les apiculteurs et les associations de défense de l’environnement, en raison des conséquences sur les abeilles Continue reading »

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