Déc 152020
 
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Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac, publie une tribune titrée « J’ai l’impression de voir mon pays glisser vers un régime illibéral », où elle évoque les victimes des arrestations violentes et arbitraires survenues lors de la manifestation parisienne de samedi dernier : « Venues défendre les libertés publiques, les voici privées de liberté dans la foulée. Pour s’attaquer au droit même de manifester, voici la nouvelle stratégie déployée par les forces de l’ordre : charger de façon brutale la manifestation déclarée pour la fragmenter. Gazer sans distinction, comme le 5 décembre dans de nombreuses villes. Et souvent frapper, à coups de matraques, tirer, au risque de mutiler. Puis arrêter, de façon arbitraire et pour des motifs fallacieux et faire subir à ces dizaines de personnes une garde à vue. Enfin, instiguer la peur, pour chacun, de venir manifester. Comme cela doit arranger le pouvoir que tant d’entre nous n’osent plus venir manifester. (…) Ce gouvernement mène une offensive autoritaire et liberticide d’ampleur, avec les projets de lois sur la «sécurité globale» et celle dite «séparatisme» ou encore une série de décrets décidés la semaine dernière [qui autorise un fichage politique, religieux et même sexuel, NDA]. Il fait le choix d’une surenchère sécuritaire avec le Rassemblement national. Pour poursuivre des politiques injustes, de moins en moins légitimes, de plus en plus rejetées, il s’impose par la répression, par la peur, espérant faire taire les voix qui s’opposent à lui. »
Le Syndicat national des journalistes, avec 19 organisations, dont par exemple Attac, justement, mais aussi la Ligue des droits de l’Homme ou les syndicats CGT et Solidaires, lui fait écho dans un communiqué de presse : « comme nous le redoutions, la manifestation parisienne, bien que dûment déclarée par un collectif d’organisations et autorisée par la préfecture de police, s’est transformée en souricière. Nombre d’observateurs ont constaté ce samedi 12 décembre dans la capitale des dérives inadmissibles liées à un déploiement policier et militaire brutalisant et attentatoire au droit de manifester : interpellations en masse, charges infondées faisant éclater le cortège, retenues sans motif légitime au-delà du délai légal, gardes à vue notifiées à la chaîne sur la base d’infractions pénales dévoyées, refus de contacter l’avocat désigné par les gardés à vue… Une fois encore, journalistes comme manifestant·e·s ont été pris pour cibles. Le pouvoir exécutif a donné à voir sa détermination à mater toute contestation. À Lyon et à Caen, des pratiques semblables ont été relevées. (…) C’est du jamais vu en France. Nous glissons lentement mais sûrement vers un régime autoritaire, un État illibéral, un État de police. Moins les politiques de ce gouvernement apparaissent comme légitimes, plus celui-ci utilise la répression et l’étouffement des libertés pour les imposer. »

Un musicien blessé au visage après une charge à l’aveugle. © AR
Un musicien blessé au visage après une charge à l’aveugle. © AR

« La manifestation parisienne a été émaillée d’incidents très tôt, quand les forces de l’ordre ont décidé de charger le cortège juste après son départ de la place du Châtelet, sans raisons apparentes« , relate Mediapart. « Sur son compte Twitter, la préfecture de police a expliqué que les forces de l’ordre étaient «intervenues au milieu du cortège […] pour empêcher la constitution d’un groupe de black-blocs violents». Par vagues successives, les CRS, gendarmes mobiles, mais aussi les voltigeurs des Brigades de répression des actions violentes motorisées (BRAV-M) ont ainsi foncé dans le tas le long du boulevard de Sébastopol, sans faire le tri entre les manifestants et les personnes qu’ils souhaitaient interpeller. » Le Monde explicite cette nouvelle stratégie de la police : « Après deux manifestations contre la loi sécurité globale marquées par des violences à Paris, les forces de l’ordre ont samedi changé de tactique en intervenant tout au long de la manifestation par «bonds offensifs», pour interpeller toute personne soupçonnée de vouloir constituer un «bloc». Selon les forces de l’ordre, ces «blocs» se constituent de petits groupes très mobiles qui se greffent sur le cortège pour détruire des commerces et en découdre avec la police. » Ce qui revient donc, on l’a vu, à foncer dans le tas et taper sur tout ce qui bouge, comme le relaie aussi un street-medic sur Twitter : « on n’ avait jamais vu autant de crânes ouverts que cet aprèm’ dans Paris… Les flics ont matraqué du début à la fin de la manif’ tout le monde sans distinction… des images horribles en tête. On a dû prendre en charge un gamin de 16 ans qui avait le crâne ouvert, un reporter photo en sang, une mamie de 66 ans le bras rempli d’ecchymoses, etc., etc. Les flics étaient là pour faire peur. Pour terroriser. Pour empêcher de revenir le week-end prochain. (…) On s’est fait gazer à la gazeuse à main à 10 cm du visage alors qu’on soignait un crâne ouvert… sans absolument aucune raison. »

Voilà donc ce qui s’est passé samedi. Qui est gravissime. Comment le pouvoir le justifie-t-il ? Réponse dans un autre article de Mediapart : « Au terme d’une manifestation sévèrement réprimée, le ministre de l’intérieur a annoncé l’interpellation de 142 «individus ultra-violents». C’est faux. Les éléments réunis par Mediapart montrent que les policiers ont procédé à des arrestations arbitraires dans un cortège pacifique. » Et qu’en disait-on le lendemain matin, dimanche, dans la matinale de la radio de service public France Inter ? Le Journal de 7h est ainsi introduit par Éric Delvaux : « à la Une ce matin cette nouvelle journée de mobilisation contre la loi Sécurité globale et cette fois la police a réussi à empêcher les saccages dans la capitale. avec des interventions éclair dans les cortèges et des manifestants qui se disent étouffés. » Satisfecit vibrant, donc, à part que les manifestants se disent « étouffés », pas matraqués, gazés et arrêtés arbitrairement, « étouffés ». Sont listés les autres titres, avant que le journaliste en charge du journal, Adrien Serrière, n’en revienne à la mobilisation : « Pour le troisième week-end consécutif et peut-être pas le dernier, des manifestations dans plusieurs villes contre le projet de loi Sécurité globale ; à Paris, les forces de l’ordre étaient bien plus nombreuses que les semaines précédentes, y ont interpellé près de 150 manifestants. Cette fois, pas de saccage, mais il faut dire que les policiers ont cadenassé le cortège. » Mise en avant du nombre d’arrestations, dont on vient de voir la nature, ici non précisée. Lancement ensuite du reportage où la reportrice sur le terrain, Sandrine Etoa-Andègue, donne la parole à des manifestants, qui protestent d’un « dispositif policier complètement disproportionné » ou d’un « État autoritaire ». Et sur les violences ? Expédiées en une phrase par la consœur : « Peu après le départ du cortège, première tensions, premières charges, les policiers fondent sur des hommes en noir. » S’ils sont en noir, ce sont des black-blocs, donc la police charge les voyous : voilà le sous-entendu très clair de cette petite phrase. Or la police a chargé – et matraqué et gazé – tout le monde. Mais la présentation malhonnête, osons-le dire, de France Inter n’en informera pas l’auditeur. Pas plus que du caractère arbitraire des arrestations, sur lesquels revient pourtant Adrien Serrière pour clore le sujet : « Et 47 manifestants étaient en garde-à-vue hier soir ; les policiers ont saisi une centaine d’armes par destination, des tournevis, des clés à molettes ou encore des mortiers. » Ce sera tout, merci au journalisme de préfecture. Juste un détail, que l’auditeur ne sait pas forcément : les policiers classent comme « armes par destination » par exemple des… masques à gaz. Mais la messe est dite sur France Inter, qui relaie fidèlement la communication du pouvoir : la police a bien travaillé en empêchant les saccages et en arrêtant de dangereux individus ultra-violents, la preuve par toutes ces armes saisies. Ainsi va l’information sur le service public en Macronie.

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Déc 032020
 

Lors de l’hagiographique Matinale de France Inter consacrée à Giscard suite à la mort de l’ancien président, alors que tous les intervenants rivalisaient de compliments pour vanter l’accordéoniste de Chamalières, ça a été plus fort qu’elle : il a fallu que Léa Salamé le compare à Macron !

Lauréate du prix de la meilleure intervieweuse de France en 2015, surprenante distinction quand on sait la complaisance dont elle fait régulièrement preuve à l’égard du pouvoir (comme ici, face à Bruno Le Maire, pointé par Acrimed), Léa Salamé s’est fendue ce matin sur France Inter d’une incroyable question adressée à Jean-Louis Borloo, l’ex ministre « centriste » (cet autre positionnement de droite), à propos d’Emmanuel Macron et de feu Valéry Giscard d’Estaing, président de la République de 1974 à 1981, décédé hier : « En voulant gouverner en même temps à gauche et à droite, Emmanuel Macron est-il le véritable héritier de Valéry Giscard d’Estaing, n’a-t-il pas réussi au fond à faire aboutir le rêve centriste de l’ancien président ? » Un rêve centriste à base de sarkozysme ? Borloo ne répond pas, il « ne [veut] pas commenter la vie politique actuelle ». Alors Léa insiste : « Mais enfin tout de même !, lâche-t-elle très agacée, sans commenter la vie politique, l’idée de casser la droite et la gauche, c’était, euh… là, c’est une question historique, je ne vous demande pas de commenter l’actualité politique… » Une question historique, pour sûr ! « C’est aussi une chose dont vous rêviez, à l’origine… » Réponse de Borloo : « Je ne crois pas du tout qu’il faille casser la droite et la gauche ! » La pauvre Salamé en est pour ses frais.
Mais tout de même : que Macron ait pu faire croire aux naïfs qu’il n’était ni de droite ni de gauche pour se faire élire en 2017 est surprenant, mais véridique ; qu’après le virage sécuritaire tout droit vers l’État policier avec un ministre aligné sur les syndicats d’extrême droite de la police, son texte voté à l’unisson par une nouvelle majorité La République en marche, Les Républicains et le Rassemblement national, faire encore passer devant des millions d’auditeurs Macron pour un « centriste » ? Comment dire…

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Sep 092020
 

Le gouvernement annonce 25 milliards sur 10 ans, historique ! En réalité, ce sont 224 millions tout de suite, et le reste si les futurs gouvernants le veulent bien. Macron joue encore au bonneteau : « Tu les vois mes milliards ? Hop, tu les vois plus ! ».

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Marie Sonnette, maîtresse de conférences en sociologie à l’Université d’Angers et membre du collectif Facs et labos en lutte était tout à l’heure l’invitée du 5/7 de France Inter (à partir d’1h19 dans le podcast). En question, le projet de loi sur la recherche, examiné au parlement cette semaine. « Un effort que ce gouvernement entreprend sans commune mesure depuis 1945 », d’après Jean Castex, de 25 milliards sur 10 ans. « C’est plutôt une bonne nouvelle, non ? », l’interroge la journaliste Mathilde Munos. « Vous savez, les promesses n’engagent que ceux qui les tiennent, répond la chercheuse. Et en l’occurrence, ce que nous propose le gouvernement ici, c’est 224 millions dans la prochaine année, et ensuite effectivement jusqu’à 2030 un certain nombre de milliards, dont la plus grande partie seront donnés en 2030, c’est-à dire 3 milliards en 2030. Le gouvernement Macron, lui, en fait, aujourd’hui, s’engage sur 224 millions, ce qui est une toute petite enveloppe pour la recherche. (…) Pour arriver aux 3% du PIB, il nous faudrait 18 milliards d’euros. » Vous la sentez venir, l’entourloupe ? Mathilde Munos aussi : « Si cette trajectoire budgétaire est votée, elle pourrait être détricotée plus tard par un prochain gouvernement, par exemple, c’est pas gravé dans le marbre ? », avance-t-elle, faussement candide. « C’est pas gravé dans le marbre, confirme la sociologue. Chaque gouvernement est bien-sûr libre de ses choix budgéraires. »

Déjà, le gouvernement parlait fin juillet de 400 millions, qui sont devenus subitement 224. Ensuite, le Premier ministre s’engage sur du vent. Éventuellement, plus tard, si les futurs gouvernements le veulent bien… Un foutage de gueule intégral. Un de plus en Macronie.

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Mai 062018
 

Amélie de Montchalin, députée La République en marche de l’Essonne, l’a répété quatre fois ce matin sur France Inter, pour justifier la politique menée par Emmanuel Macron, quand bien même le dernier sondage indique l’opposition de 55% des Français. Pire, « L’action d’Emmanuel Macron pour ce qui est du pouvoir d’achat et de la réduction des inégalités sociales est jugée sévèrement, 78% des Français estimant qu’elle va dans le mauvais sens ». Mais qu’à cela ne tienne, « Nous avons été élus sur un projet », a seriné la jeune femme. Sans que jamais Éric Delvaux, journaliste préposé à l’interview, ne formule la moindre objection. Continue reading »

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Déc 082012
 

Ce matin autour de 9h sur France Inter, Alexandra Bensaid au micro, c’était On n’arrête pas l’éco, son magazine hebdomadaire : « Le clivage droite-gauche, en économie, je crois que c’est un petit peu dépassé ». Forcément, puisque droite ou gauche, « there is no alternative ». Balancé comme de juste avec l’aplomb naturel et vaguement méprisant des fausses évidences. France Inter« la voix est libre » mais c’est bien celle de la pensée unique libérale, qui justifie à longueur de propagande médiatique la dictature financière. Continue reading »

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