Déc 102020
 

Nous en parlions il y a deux jours, sous ce titre : Violences policières systémiques : le préfet solidaire des brutes racistes et menteuses sous serment. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin était interrogé ce matin sur France Info à propos de cette décision du préfet de prendre en charge les frais de justice des accusés de l’agression de Michel Zecler et débute sa réponse par : « Je la trouve normale ». Puis il poursuit : « D’abord, il n’y a pas eu de soutien financier, c’est ce qu’on appelle la protection fonctionnelle. » Qui consiste en quoi ? « Les avocats sont payés par l’État ». Allons bon : l’État ne doit pas les payer financièrement, sinon il s’agirait bien d’un soutien financier ! Darmanin conteste l’évidence en tentant de jouer sur les mots mais le vrai mensonge arrive très vite : « Tous les agents publics, tous les fonctionnaires ont droit à la protection fonctionnelle« . Le journaliste de France Info objecte en le coupant : « Elle n’est pas toujours accordée… » « Attendez, je vais en dire quelques mots dans quelques instants », annonce le ministre pour se lancer dans une longue digression, s’indignant que ce n’est pas Twitter qui décide de qui est coupable et que les policiers ont droit à un procès équitable et bla bla bla. Il revient ensuite au sujet : « Cette protection fonctionnelle, elle a été accordée dans toutes les affaires précédentes, même quand les policiers ont été mis en cause, l’affaire Chouviat, l’affaire Théo, par exemple. » Pour rappel, l’un est mort étranglé – fracture du larynx – au terme d’un placage au sol et l’autre est atteint de séquelles irréversibles suite à une déchirure anale de dix centimètres causée par un coup de matraque télescopique. Les policiers concernés ont-ils effectivement bénéficié de la protection fonctionnelle ? Si c’est exact, ce n’est pas une excuse. Elle doit en effet être refusée en cas de « faute personnelle », définie par le Conseil d’État : « un comportement incompatible avec les obligations qui s’imposent dans l’exercice des fonctions publiques » ou qui « eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité ». Quand on a vu les images des trois policiers s’acharnant comme des « barbares » sur l’infortuné producteur de rap, on ne se pose pas la question de savoir s’il y a « faute personnelle » !

Vous avez dit « barbares » ? Comme c’est barbare !

« Les barbares étaient de sortie, les barbares revêtus d’uniformes étaient de sortie ce soir-là. » Qui a fait cette déclaration, parlant justement des agresseurs de Michel Zecler ? Jean-Michel Fauvergue, député LREM, ancien policier du Raid et co-rapporteur de la loi Sécurité globale ! On se souvient des tombereaux de boue déversés sur Jean-Luc Mélenchon lorsqu’il avait lui aussi utilisé le mot de « barbares » pour dénoncer les violences policières. Cette fois-ci, on n’entend pas l’inénarrable Christophe Castaner dénoncer « une insulte inacceptable » et sommer le député marcheur de s’excuser. Ni menacer de porter plainte : « Jeudi matin, le ministre a indiqué sur RTL qu’il allait saisir la justice, annonçait alors Le Monde, en septembre 2019. «Je ferai un article 40 et je vais demander au procureur de la République d’étudier la faisabilité d’une poursuite.» L’article 40 du code de procédure pénale prévoit que toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit, est tenu d’en informer le procureur de la République. » Personne n’a jamais entendu parler d’une plainte. Sans doute que même le procureur de la République, pourtant hiérarchiquement aux ordres du gouvernement, a envoyer bouler le ministre de l’Intérieur de l’époque invoquant cet article 40 parce qu’il avait eu connaissance d’un délit, en l’espèce une « insulte inacceptable ». Fin de la blague. Cette fois-ci, 150 policiers ne sont pas allés manifester devant le siège d’En marche, comme ils l’avaient fait pour la France insoumise. On a donc désormais le droit de parler de « barbares », nous le notons.

Toujours est-il que le préfet de police de Paris, dont une pétition de SOS Racisme réclame le départ – que nous avons signée -, ne juge pas les fautes des policiers tabasseurs de Zecler assez graves pour constituer une « faute personnelle ». Il a préféré cocher la case « faute de service », précise RAPRNB. C’est pas eux, c’est le service. Le webzine musical nous donne l’explication par la bouche du professeur de droit public à l’université de Grenoble-Alpes, Serge Slama : “Certes les fautes sont graves mais on peut penser qu’elles sont également dues à un défaut d’encadrement, qu’il y a aussi faute de service et donc de l’État”. Mais alors, si l’encadrement est fautif, il faut remonter à la source des ordres et le responsable en chef doit démissionner. Lallement, démission, CQFD.

PS : depuis un arrêt « Teitgen » du Conseil d’État (14 février 1975), l’administration peut refuser d’accorder la protection fonctionnelle à un agent pour des motifs d’intérêt général. Il doit s’agir d’un motif susceptible de « discréditer l’administration ou de faire obstacle de façon particulièrement grave à la bonne marche du service public« . N’est-ce pas le cas en faisant bénéficier de cette protection les « barbares revêtus d’uniformes » qui ont massacré le producteur innocent et menti ensuite pour l’accuser, qui l’auraient envoyé en prison si la vidéo ne les avaient trahis ?

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Déc 032020
 

Lors de l’hagiographique Matinale de France Inter consacrée à Giscard suite à la mort de l’ancien président, alors que tous les intervenants rivalisaient de compliments pour vanter l’accordéoniste de Chamalières, ça a été plus fort qu’elle : il a fallu que Léa Salamé le compare à Macron !

Lauréate du prix de la meilleure intervieweuse de France en 2015, surprenante distinction quand on sait la complaisance dont elle fait régulièrement preuve à l’égard du pouvoir (comme ici, face à Bruno Le Maire, pointé par Acrimed), Léa Salamé s’est fendue ce matin sur France Inter d’une incroyable question adressée à Jean-Louis Borloo, l’ex ministre « centriste » (cet autre positionnement de droite), à propos d’Emmanuel Macron et de feu Valéry Giscard d’Estaing, président de la République de 1974 à 1981, décédé hier : « En voulant gouverner en même temps à gauche et à droite, Emmanuel Macron est-il le véritable héritier de Valéry Giscard d’Estaing, n’a-t-il pas réussi au fond à faire aboutir le rêve centriste de l’ancien président ? » Un rêve centriste à base de sarkozysme ? Borloo ne répond pas, il « ne [veut] pas commenter la vie politique actuelle ». Alors Léa insiste : « Mais enfin tout de même !, lâche-t-elle très agacée, sans commenter la vie politique, l’idée de casser la droite et la gauche, c’était, euh… là, c’est une question historique, je ne vous demande pas de commenter l’actualité politique… » Une question historique, pour sûr ! « C’est aussi une chose dont vous rêviez, à l’origine… » Réponse de Borloo : « Je ne crois pas du tout qu’il faille casser la droite et la gauche ! » La pauvre Salamé en est pour ses frais.
Mais tout de même : que Macron ait pu faire croire aux naïfs qu’il n’était ni de droite ni de gauche pour se faire élire en 2017 est surprenant, mais véridique ; qu’après le virage sécuritaire tout droit vers l’État policier avec un ministre aligné sur les syndicats d’extrême droite de la police, son texte voté à l’unisson par une nouvelle majorité La République en marche, Les Républicains et le Rassemblement national, faire encore passer devant des millions d’auditeurs Macron pour un « centriste » ? Comment dire…

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Déc 012020
 

La Macronie se moque ouvertement du monde et les médias mainstream ne remplissent pas leur tâche démocratique d’éclairer l’opinion par les faits. Combien de policiers harcelés suite à la diffusion de vidéos en intervention ? Nous avons cherché et trouvé… un cas », écrivions-nous le 21 novembre (« Protéger ceux qui nous protègent » : foutaise !). Le billet d’aujourd’hui creuse ce sillon du droit de suite. Continuant à travailler sur ce sujet – trouver des cas qui justifieraient, comme le prétend la majorité playmobil, la nécessité de cet article 24 -, nous nous devons de mentionner deux autres tentatives infructueuses signées du menteur en chef Gérald Darmanin (excepté Macron bien-sûr). En passant, le ministre de l’Intérieur vient de commettre un parjure hier lors de son audition à l’Assemblée nationale, ce dont ne souffle mot ce matin, une nouvelle fois, France Inter, radio de service public.

L’ article 434-13 du code pénal prévoit que « le témoignage mensonger fait sous serment devant toute juridiction ou devant un officier de police judiciaire agissant en exécution d’une commission rogatoire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende ».

Mais revenons donc à ces fameux cas de policier harcelés qui exigeraient qu’on légifère : « Invité à justifier le bien-fondé de cet article, le ministre a multiplié les exemples trompeurs, dénonce Mediapart. Ou, plus précisément, deux exemples martelés tout au long du débat. Il a mentionné à plusieurs reprises le site Copwatch, invitant même les députés à «regarder sur [leurs] portables» ce site destiné à «surveiller» la police… oubliant de préciser qu’il est bloqué par la justice française depuis plusieurs années. Son deuxième exemple n’était pas plus efficace : Gérald Darmanin a cité le cas d’une militante qui avait écrit sur les réseaux sociaux «si vous avez besoin d’infos sur un flic (nom, adresse…) venez en MP j’ai un fichier», ajoutant même qu’elle y accolait un smiley. Pourtant, comme l’a relevé le socialiste Hervé Saulignac, cette militante a été condamnée à 17 mois de prison ferme en décembre 2019. » Toujours rien qui rendrait donc nécessaire l’article 24.

Mais Yaël Braun-Pivet, présidente LREM de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, remet une pièce dans le jukebox-à-sornettes : « L’objectif de cet article 24, nous sommes tous d’accord : il faut que l’on protège nos forces de l’ordre de vindictes sur les réseaux sociaux. Moi, dans ma circonscription, il y a encore quelques jours, à Sartrouville, j’ai un policier qui a reçu des tirs de mortier sur sa maison [le mot maison martelé] parce qu’il était mis en cause dans l’exercice de son activité professionnelle. Donc il faut garder nos forces de l’ordre de ce type d’agissements et il faut donc les protéger. » Allons bon. De quoi parle la députée des Yvelines? Elle seule le sait. Ces faits sont censés s’être déroulés à Sartrouville « il y a quelques jours ». Nous vous engageons à faire votre propre recherche : personne n’en a parlé. Ni la presse locale (imagine-t-on par exemple Le Parisien passer à côté, connaissant sa ligne éditoriale?), ni l’AFP, ni les bots macronistes de Twitter, ni la fachosphère en mode #JeSoutiensLaPolice. Personne. Dans le contexte actuel de très vive contestation de l’article 24 ? Mais c’est une véritable armée, de Darmanin à Castaner en passant par Attal, Guérini (Stanislas, le patron de LREM que personne ne connaît), Pécresse, Jacob et tous les souteneurs de cette loi (liberticide) qui se serait ruée sur ce faits-divers : « Vous voyez bien qu’il faut les protéger ! », auraient-ils à coup sûr triomphé. Mais là ? Rien. Alors nous mesurons toute la gravité de l’accusation : Yaël Braun-Pivet a menti. Elle a inventé l’agression contre le domicile d’un policier. Il y eut bien à Sartrouville des tirs de mortier contre les forces de l’ordre, mais dans une embuscade (Le Parisien, évidemment, le narre). Un autobus incendié, aussi. Ce qu’on peut lire, à nouveau, dans Le Parisien. Mais pas plus de tir de mortier sur la maison d’un policier que de beurre en broche. Yaël Braun-Pivet elle-même n’a écrit aucun message à ce sujet. Il faut dès lors réécouter la présidente LREM de la commission des Lois de l’Assemblée nationale lorsqu’elle appuie sur le mot « maison », signifiant explicitement « Vous vous rendez compte de la gravité de cette agression ! », savoir qu’elle affabule et vomir.

https://twitter.com/YaelBRAUNPIVET/status/1333036356310884355

Voilà donc ainsi que, décidément, la justification même de cet article de loi est totalement fallacieuse. Et qu’il vise par conséquent un autre but : satisfaire les syndicats d’extrême droite des policiers et dissuader de filmer les violences policières, pour qu’elles perdurent, de même que l’impunité qui leur est nécessaire. Oui, c’est effroyable. Et c’est la Macronie, aujourd’hui. Il est d’autant plus désespérant que les médias dominants ne l’expliquent pas clairement aux citoyens, appelés à réélire l’apprenti dictateur de l’Élysée en 2022. La grande manipulation du peuple est en marche, Darmanin ment, Lalle-ment, le gouverne-ment, mais se tait Demorand. Il prend pour la rime, la liste est longue que nous vous laissons le soin de compléter (Apathie, Calvi, Barbier, Giesbert, Pujadas, Delahousse, Bouleau, Salamé, Lapix…). Encore hier est sortie l’affaire du préfet de Paris qui couvre depuis plus d’un an un cowboy du Bois de Boulogne, mais Darmanin lui renouvelle sa confiance et les grands médias se taisent. Jean-Michel Blanquer, couvert d’opprobre par l’affaire du syndicat qu’il a fait créer de toutes pièces, immense scandale, est toujours ministre, et les grands médias ne s’émeuvent pas. Que pèsent dans l’opinion les voix de Politis, du Monde diplomatique, de Basta, d’Alternatives économiques, de Reporterre, de Streetpress, de Mediapart et d’autres face aux groupes détenus par neuf milliardaires et l’audiovisuel public verrouillé en haut lieu ? La différence avec un régime totalitaire, c’est que les médias alternatifs peuvent s’exprimer. Mais il est néanmoins incontestable que le rouleau compresseur de « l’information officielle » – outre qu’il insulte la déontologie journalistique – pose à la France un vrai problème de démocratie.

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Nov 292020
 

Avant d’autoriser à filmer des policiers dans l’exercice de leur fonction, le service de communication de la police nationale exige désormais un droit de validation du reportage avant diffusion, annonce francetvinfo. On croit rêver, mais on n’a encore rien vu : « Il demande aux sociétés productrices de reportages la signature d’une convention stipulant qu’il « visionnera l’émission dans sa version définitive avant première diffusion dans un délai permettant une éventuelle modification (…) sera le seul habilité à valider définitivement le contenu produit sur les plans juridiques, éthiques et déontologiques en accord avec la société (…) Les enregistrements ne doivent pas porter atteinte à l’image de marque de la police nationale, ni comporter de scènes pouvant être considérées comme « choquantes » (…) Aucun extrait ne pourra être diffusé sans l’accord express du représentant de la police nationale. » L’hallucination est totale. Ne pas porter atteinte à l’image de marque de la police, ne pas diffuser d’images choquantes, non mais ça va bien ou quoi ? L’on ne pourra donc montrer que de preux et vaillants chevaliers au comportement irréprochable : un véritable rêve de bisounours fasciste.

C’était donc ça, le « nouveau monde » de Macron : le retour aux années 60-70

Une flopée de journalistes de l’audiovisuel, réalisateurs de documentaires, rédacteurs en chef, directeurs de l’information et producteurs de magazines d’actualité – les plus importants, des plus grandes chaînes, les journalistes les plus célèbres et même les bien élevés comme Laurent Delahousse ! – signent donc un texte commun protestant qu’ « en exigeant une validation de nos reportages et documentaires, les pouvoirs publics veulent s’octroyer un droit à la censure. Aucun journaliste ayant pour vocation d’informer librement le public ne peut l’accepter. Il est impensable que la cohérence globale d’un reportage sur le plan juridique, éthique et déontologique soit supervisée par des ministères. » Ce qui tombe sous le sens. Reste à savoir ce qui a bien pu se passer dans la tête de ceux qui ont cru que pouvait passer fin 2020 ce retour à l’Office de radiodiffusion-télévision française et au ministère de l’Information (1938-1974).

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Nov 232020
 

Cuisinée à propos de la diffusion d’images de policiers commettant « une faute » par Jean-Jacques Bourdin, le célèbre journaliste de BFM/RMC, qui lui demande « le journaliste ne sera pas poursuivi ? », Marlène Schiappa, ci-devant supplétive de Gérald Darmanin, répond exactement : « Maintenant il y a une loi et il appartient au magistrat de dire si le journaliste sera condamné ; chacun peut poursuivre qui il veut poursuivre sur la base des lois. » (Rappelons tout de même au passage à la pressée macroniste que la loi n’est pas encore adoptée et que l’Union européenne s’est invitée dans le débat, exprimant sa défiance : lire La pression ne retombe pas pour l’exécutif.)

Arié Alimi, avocat membre de la Ligue des droits de l’Homme et le défenseur des familles de Rémi Fraisse et Cédric Chouviat, de Taha Bouhafs, d’une vingtaine de Gilets jaunes…

À la suite du commentaire d’Arié Alimi, le journaliste Jean-Marie Leforestier, de l’excellent Marsactu, petit frère marseillais de Mediapart, complète. Il dénonce par avance « les procédures-bâillons à je sais pas combien pour les petits médias qui galèrent à boucler leur budget ». Ajoutons aussi la menace pesant sur les journalistes indépendants. Mais revenons à la déclaration de Schiappa : on le savait mais la ministre déléguée à la Citoyenneté au sein du ministère de l’Intérieur l’énonce clairement. C’est le juge qui décidera si le journaliste sera condamné. Rappelons dès lors la question à laquelle le magistrat devra répondre : le journaliste a-t-il eu « l’intention manifeste de porter atteinte à l’intégrité physique ou psychique » du policier ? L’intégrité psychique ! Pour le coup, ne pas admettre qu’une qualification aussi floue du délit ouvre la porte aux condamnations les plus abusives, porte puissamment atteinte à notre intégrité psychique personnelle !

Les macronistes nous prennent de plus en plus pour des buses que c’en devient vraiment insupportable. Le délit si vague créé par l’article 24 de la loi Sécurité globale poursuit évidemment le but d’intimider la presse et les citoyens pour dissuader de filmer les violences policières, dont ce régime fait systématiquement usage – pour dissuader de manifester, cette fois. Il suffit de voir le comportement des forces de l’ordre sur le terrain, ci-dessous brillamment mis en parallèle avec les hypocrites promesses de Darmanin devant les députés, dans ce clip de RT France.

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Nov 212020
 

La Macronie se moque ouvertement du monde et les médias mainstream ne remplissent pas leur tâche démocratique d’éclairer l’opinion par les faits. Combien de policiers harcelés suite à la diffusion de vidéos en intervention ? Nous avons cherché et trouvé… un cas. Et on en fait une loi ?

https://twitter.com/gdarmanin/status/1328962052292009984
« Tout en garantissant la liberté d’informer » : mais Ferme ta gueule!

Regardez ce reportage extrait du 20h de TF1 du 17 novembre dernier, à partir de 22 minutes et 20 secondes. On y apprend le calvaire vécu par un policier : « Filmée en intervention, l’image de son visage a été partagée plus de 100 000 fois, son identité et son adresse rendus publics ». Menaces de mort, de « s’occuper de [ses] enfants », de « violer [sa] femme » tant et si bien que cette dernière, « terrorisée », est partie avec les enfants se réfugier chez son père pendant six mois ! Le reportage ne précise pas ce que la vidéo à l’origine de ce harcèlement ignoble, inacceptable quoi qu’il en soit, montrait de l’intervention du policier. Notons au passage que, sans la loi Sécurité globale, ce type de cyberharcèlement est déjà lourdement puni par le droit français : deux ans de prison et 30 000 € d’amende. Et que la peine s’aggrave, article 433-3 du Code pénal, pour protéger une personne dépositaire de l’autorité publique (la liste est longue) : « Est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende la menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes ou les biens proférée à l’encontre d’une personne investie d’un mandat électif public, d’un magistrat, d’un juré, d’un avocat, d’un officier public ou ministériel, d’un militaire de la gendarmerie nationale, d’un fonctionnaire de la police nationale, des douanes, de l’inspection du travail, de l’administration pénitentiaire ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, d’un sapeur-pompier professionnel ou volontaire, d’un gardien assermenté d’immeubles ou de groupes d’immeubles ou d’un agent exerçant pour le compte d’un bailleur des fonctions de gardiennage ou de surveillance des immeubles à usage d’habitation ». Pour autant, la Macronie a cru bon d’inclure dans la loi susmentionnée un tristement célèbre article 24 qui prévoit, « sans préjudice du droit d’informer », de pénaliser d’un an de prison et 45 000 euros d’amende la diffusion de « l’image du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier ou d’un gendarme en intervention quand ladite diffusion poursuit l’objectif de porter « atteinte à son intégrité physique ou psychique ». Ce texte a été voté hier soir à l’Assemblée nationale par 146 votes contre 24. Et puisqu’il est censé « protéger les policiers et les gendarmes souvent jetés en pâture sur les réseaux sociaux », selon la justification tweetée par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, alors que nous venons de voir que le droit les protège déjà d’abondance, c’est donc que ce phénomène doit avoir une certaine ampleur. Nous avons par conséquent cherché des exemples. Le premier, celui du 20h de TF1 détaillé plus haut, nous n’avons pas eu trop de mal à le dégotter, bien que le message qui le relayait sur Twitter ne mentionnait pas sa date de diffusion, vite retrouvée. Devinez l’émetteur dudit message ? Le compte officiel de La République en marche.

Il est évidemment logique que les macronistes dégainent des exemples pour justifier leur texte. Or là, en réalité, ils n’en ont qu’un. Darmanin lui-même n’en donne pas d’autre. Il mentionne seulement, à plusieurs reprises ainsi que le précise 20 minutes, l’attentat de Magnanville : « Je rappelle d’ailleurs que les attentats, c’est aussi ceux de Magnanville où un policier et sa compagne qui était policière ont été égorgés dans leur domicile, devant leur enfant de quelques années, par quelqu’un qui a eu leur adresse personnelle et qui a commis un attentat », a ainsi déclaré Gérald Darmanin en guise d’exemple justifiant l’intérêt protecteur, pour les forces de l’ordre, de la loi sur la « sécurité globale ». Or de quoi s’est-il s’agi concernant ce drame ? « Gérald Darmanin dit vrai en indiquant que Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider ont été assassinés par un terroriste disposant de leur adresse personnelle. Mais l’enquête s’oriente plutôt sur la piste d’une fuite de cette information cruciale au sein de la police. » Strictement rien à voir avec la diffusion de vidéos sur les réseaux, donc : et Darmanin n’a trouvé que ça ! Il sait pertinemment du reste qu’il n’existe aucun rapport entre Magnanville et ce fichu article 24, puisqu’il s’est fendu devant la Commission des lois de l’Assemblée nationale d’un piteux « on ne sait pas si ce sont les images des réseaux sociaux qui ont fait naître cet attentat, m’enfin… » Évidemment qu’on ne le sait pas, puisqu’il n’existe strictement aucun élément en ce sens !
Alors pour en avoir le cœur net, nous avons longuement cherché la trace d’autres cas, que n’auraient pas manqué de partager les hérauts de #JeSoutiensLaPolice et autres macrono-fascistoïdes, a fortiori la fachosphère proprement dite. Et ? Rien. Ou presque : un « jeune influenceur auteur de vidéos humoristiques » qui s’était moqué d’un policier de Clermont-Ferrand a été condamné à quatre mois de prison avec sursis, 210 heures de travaux d’intérêt général et 1 500 € de dommages et intérêts au policier harcelé.

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Ugo Bernalicis, député France insoumise et membre du Parti de gauche

Voilà donc que cette majorité fait voter un texte (inutile) pour protéger les forces de l’ordre d’un danger théorique dont la survenue n’est pas documentée. Il y a donc bien une autre raison, énoncée par le député France insoumise Ugo Bernalicis : « L’article 24 de la proposition de loi relative à la sécurité globale est celui qui retient le plus l’attention médiatique, car il vise à dissuader de filmer et photographier les policiers. Il n’était pas prévu dans la version initiale du texte proposé par Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot, députés LREM. C’est un ajout sur commande de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur. Cette proposition est à la base faite par Alliance police, corporation policière radicalisée, qui ne supporte pas que les journalistes et les manifestants puissent filmer et diffuser les violences policières de plus en plus nombreuses, notamment sous le quinquennat d’Emmanuel Macron. Le 26 mai 2020, Eric Ciotti avait déposé une proposition de loi allant dans ce sens. Elle avait suscité un tollé dans les médias. En revanche, le député Ciotti avait eu les honneurs dans un tract d’Alliance. Puis c’est maintenant au tour de LREM de le mettre cette fois-ci à l’ordre du jour. » Le choses sont claires : l’extrême droitisation de la Macronie est en marche et ce régime confirme de plus en plus ses dérives dictatoriales.

Plus de 2 400 blessés, une femme tuée, 23 éborgnés, 5 amputés : j’y suis pas allé de main morte avec les Gilets jaunes !
– T’inquiète, on va continuer, mais ça sera plus filmé…

Photo: Gonzalo Fuentes/Reuters

Mise à jour du 1er décembre : nouveaux mensonges macronistes sur cette mystification.

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