Août 312020
 

Norvège, Nouvelle-Zélande,  États-Unis… Bientôt Paris ? Exaltés par le discours de l’extrême droite désignant les ennemis à éliminer pour « sauver la patrie » – étrangers de préférence racisés, musulmans ou « gauchistes » accusés d’être « collabos » -, ces terroristes suprémacistes sautent le pas entre théorie et pratique. Des crimes à la fois encouragés et suscités par les paroles d’intellectuels ou de politiciens pyromanes, qui gangrènent la société. Avec la complicité de certains médias, de la police et parfois des pouvoirs en place, comme avec Trump ou les macrono-sarkozystes, engagés dans une course à l’échalote avec le Rassemblement national. Le torchon Valeurs actuelles déversant sa haine raciste sur la députée Danièle Obono exprime la même violence, fût-elle encore symbolique. Jusqu’à quand ?

L'adolescent de 17 ans armé d'un fusil d'assaut a tué deux manifestants à Kenosha le 25 août 2020
Capture d’écran : cet homme vient d’en tuer deux autres.

Très bon papier de France Culture : « Mardi soir, nous explique The Guardian, Kyle Rittenhouse était venu à Kenosha avec son fusil d’assaut, répondant à un appel lancé sur Facebook, demandant s’il y avait « des patriotes prêts à prendre les armes pour défendre la ville contre les voyous diaboliques qui y sèment le chaos ». Il s’agissait donc, selon ces groupes d’extrême droite, de former des milices citoyennes pour protéger les commerces et les habitations des honnêtes Américains menacés. Or l’écho est assez saisissant entre ce discours et ceux que l’on entend depuis trois soirs à la Convention d’investiture du Parti républicain. C’est bien en cela que Philip Bump du Washington Post évoque cet « écho que l’on ne peut plus faire mine d’ignorer » entre la mort des manifestants de Kenosha et la rhétorique de campagne de Donald Trump. (…) comment ne pas remarquer que la veille même de ce passage à l’acte, à la convention républicaine, « pas moins de 5 orateurs dont l’un des fils du président avaient dans leur discours brandi la menace de soi-disant hordes violentes et incontrôlées qui selon eux étaient en train de gagner les rues des cités américaines ».

Dessin de Hachfeld, paru dans Neues Deutschland, Berlin.
Dessin de Hachfeld, paru dans Neues Deutschland, Berlin, publié par Courrier international.

« Nous ne tolérerons pas les pillages, les incendies criminels, la violence et l’anarchie dans les rues américaines », affirmait, martial, le (grotesque et terrifiant) président des États-Unis, Donald Trump himself (cité par Le Monde), à propos de ce qui se passait à Kenosha. C’était avant les deux crimes perpétrés par Rittenhouse, très jeune (17 ans) supémaciste, soutien affiché de Donald Trump et fervent militant du mouvement #BlueLivesMatter, qui détourne le slogan Les vies noires comptent, protestant contre les assassinats racistes de la police américaine, en Les vies bleues (couleur de l’uniforme de la police) comptent. En France, voici ce que ça donne.

https://twitter.com/LivesFrance/status/1298990082091651077?s=20
Éternelle et pathologique obsession de l’extrême droite à propos de l’immigration et de l’islam, cause de tous les mots pour ces esprits haineux et simplistes.

Mais revenons à Kenosha. On a donc le président et ses soutiens préparant les esprits avec un discours qui légitime l’auto-défense et leurs adeptes qui passent à l’acte. Ce qui est très loin d’être la première fois : « ABC News compile 54 cas où des personnes reconnues coupables de meurtres, crimes de haine, violences ou menaces racistes ont expliqué leur geste en invoquant la personnalité et la politique de Donald Trump… dont ils étaient tous de fervents supporters », rappelle France Culture. Dans l’affaire Rittenhouse, notons aussi la bénédiction de la police : « Dans une vidéo tournée après ces événements, on voit Kyle Rittenhouse s’avancer vers quatre voitures de police, les bras levés, relate FranceTVInfo. Des témoins crient aux agents qu’il vient de tirer sur quelqu’un, mais les véhicules passent devant le jeune homme sans s’arrêter. » Une autre vidéo montre les policiers féliciter les miliciens« Nous apprécions que vous soyez là » – et leur distribuer des bouteilles d’eau. Quant aux médias, sur Fox news, l’éditorialiste vedette, Tucker Carlson, proche de Trump, s’est distingué en formulant« la défense d’un meurtrier et un appel assez clair à d’autres actes de haine et de violence », juge The Guardian : « Faut-il vraiment s’étonner du fait que les pillages et les incendies criminels débouchent in fine sur des meurtres ? Est-il vraiment choquant que des jeunes de 17 ans armés de fusils décident de ramener l’ordre, quand personne d’autre ne le fait ? », a-t-il déclaré. « Ramener l’ordre », c’est donc tuer, suivant la conception humaniste de Carlson ; c’est abattre qui passait par là et a voulu désarmer le jeune extrémiste. Et est-ce vraiment choquant ? Il pose la question. Vous nous direz : d’accord, mais c’est l’Amérique. Pas que.

Le terroriste d’extrême droite Brenton Tarrant, avant de s’en aller gaiement occire 51 personnes coupables de s’être rendues dans des mosquées de Christchurch (Nouvelle-Zélande), s’est dit inspiré par la théorie complotiste du « Grand Remplacement » formulée par l’essayiste français Renaud Camus (remplacement des autochtones par des étrangers majoritairement noirs, arabes et musulmans). Parenthèse amusante : Philippe de Villiers, le grand ami d’Emmanuel Macron, y souscrit ! Le supémaciste néo-zélandais s’est aussi revendiqué d’Anders Behring Breivik, assassin de sang-froid de 77 jeunes socio-démocrates norvégiens. Qui, lui aussi, a avoué que le même Camus, condamné par la justice française en 2014 pour provocation à la haine et à la violence contre les musulmans, a motivé son passage à l’acte. Voilà ainsi comment les mots tuent. Aussi est-il révoltant d’entendre les macronistes reprendre le langage et les thèmes de l’extrême droite, Darmanin en tête, les banalisant et les popularisant, en en faisant la promotion. Marlène Schiappa, et ce n’est pas la première fois, en a rajouté une louche récemment: « Il existe maintenant une gauche identitaire qui porte une culture de l’excuse », déclare-t-elle le 26 août dernier. Un calendrier taquin veut que le même jour, Marion Maréchal-Le Pen, sur l’antenne de la chaîne locale Azur TV, « dénonce l’ensauvagement, conséquence de l’immigration, de la culture de l’excuse et de l’effondrement de la chaîne pénale ». Peu avant, l’ancien éminent magistrat Philippe Bilger accusait tout bonnement et tel quel Noirs et Arabes d’être responsable de ce fameux ensauvagement de la France.

Dessin Pascal Garnier, Valeurs actuelles, 27/08/2020.
La députée Danièle Obono représentée en esclave par le journal Valeurs actuelles

C’est dans ce climat délétère que l’hebdomadaire d’extrême droite Valeurs actuelles inflige à la députée France insoumise Danièle Obono l’humiliation de la représenter en esclave dans une fiction la projetant en Tchadienne du XVIIIe siècle. Obono, cible idéale des racistes de tous poils : pensez donc, une féministe antiraciste et noire députée ! Comme en son temps Christiane Taubira, l’élue de la 17e circonscription de Paris fait office de chiffon rouge, d’exutoire, et sur elle se déversent quolibets, injures et anathèmes. Elle est ainsi qualifiée de communautariste, d’indigéniste, de racialiste et, naturellement, d’islamo-gauchiste. Ne manque que la qualification de judéo-bolchévique, qui fait il est vrai de nos jours mauvais genre. Le hic, c’est que les crachats ne viennent pas que de la droite radicale, dans laquelle nous englobons naturellement Les républicains, dont les positions sont identiques à celles du Rassemblement national sur la plupart des sujets depuis Sarkozy. La République en marche, on l’a vu dans le paragraphe précédent, lui emboîte désormais résolument le pas (de l’oie), à présent qu’elle ne peut plus faire croire à personne qu’elle n’est « ni de droite, ni de gauche », imposture originelle de Macron. Vous avez peut-être noté que Schiappa parle plus haut, en même temps qu’elle enfourche la monture idéologique de l’extrême droite, de « gauche identitaire ». C’est Obono qui est visée. Une Obono également vilipendée par les cercles valssistes, hollandistes, Charlie-Hebdoïstes, Mariannistes (pas lepénistes, polonistes !) et Caroline Fourestistes. Elle ne défendrait pas assez la laïcité. Mais de quelle laïcité parle-t-on ? De sa version dévoyée pour porter l’islamophobie ? Elle-même se défend de toute complaisance envers ceux qui contestent la laïcité telle que la définit la République et met les points sur les i : « Mon seul programme est celui de la France insoumise, L’Avenir en commun ». Qui soutient absolument toute la laïcité. Mais rien que la laïcité.

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« Je ne suis pas et n’ai jamais été membre du PIR [Parti des indigènes de la République]. Je suis en profond désaccord avec leur thèses. »

Que le tollé soit unanime pour dénoncer la saloperie l’article de Valeurs actuelles a certes quelque chose de rassurant. Mais il est des soutiens de façade qui ressemblent à des poignards plantés dans le dos. Les messages « républicains » de ceux qui continuent de la qualifier de communautaristeindigénisteracialisteislamo-gauchiste lui dessinent dans le dos la cible de la femme à abattre. Un peu comme certains disent en parlant de femmes violées qu’elles l’ont tout de même un peu cherché. Notre solidarité pleine et entière est acquise à notre camarade Danièle Obono, ainsi victime d’une chasse aux sorcières. Un cocktail de trois ingrédients : le masculinisme, le racisme et… la politique. De l’extrême droite aux macronistes en passant par les sociaux démocrates, on s’entend pour tenter de la discréditer. Mais on est insoumis ou on ne l’est pas. En attendant, puisque les mots tuent, craignons qu’un extrémiste fanatisé ne décide un jour d’abattre celle dont on lui répète sans cesse sur tous les tons qu’elle incarne la menace mortelle qu’il croit peser sur son pays. Parce qu’au fond, l’accusation de ses adversaires, formulée de façon brutale et plus clairement qu’ils ne l’osent en général, est celle-ci : d’être une collabo des islamistes. Prions que ne naisse pas en France, nourri de propagande haineuse, un « nouveau Chevalier Templier » (« reborn Knights Templar »), mystérieuse organisation – il n’est pas prouvé qu’elle existe – dont se réclament les suprémacistes auteurs des massacres de masse en Norvège et en Nouvelle-Zélande. Explication de TV5 monde : « un réseau de militants nationalistes chargés de commettre des « actes héroïques ». D’après les déclarations durant l’audience du terroriste Breivik, l’organisation visait à « unifier tous les militants nationalistes d’Europe » en mettant en place des « cellules individuelles et autonomes » (…) pour diffuser l’idéologie nationaliste et inciter d’autres militants à l’action. » Sommes-nous tellement à l’abri qu’un terroriste ne vienne, un jour, mitrailler un meeting politique, une mosquée ou un rassemblement du collectif Justice pour Adama ? On saura alors quels intellectuels et politiciens auront armé son bras.

Neonazi: las similitudes entre Brenton Tarrant y Anders Breivik
Signe suprémaciste pour l’un, salut nazi pour l’autre.
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Août 282020
 

Au terme d’une complaisante énumération de faits-divers, Philippe Bilger désigne les coupables : les Arabes et les Noirs. Et il regrette que « l’infinie pudeur médiatique » empêche que l’on dévoile cette vérité (sic) aux citoyens. La fachosphère en mode #OnVeutLesNoms exulte et les ferments de guerre civile germent, germent, germent…

Sud Radio - Philippe Bilger donne de la voix à midi ! ➡... | Facebook
Philippe Bilger sévit aussi sur Sud radio.

L’ancien juge d’instruction puis avocat général, Philippe Bilger, sarkozyste fervent puis repenti – rupture actée par ses critiques dans l’affaire tunisienne de Michèle Alliot-Marie en février 2011, n’en reste pas moins de droite. Il est même désormais, tranquillement, sur des positions d’extrême droite. Tout en le niant : « Je l’avoue : j’ai un peu peur de formuler cette interrogation, sont les premiers mots de son billet intitulé Qui ensauvage la France?. Je pressens les tombereaux d’insultes qui vont se déverser sur moi, notamment dans ce cloaque qu’est souvent Twitter, et dont la moindre sera l’accusation de penser et d’écrire comme le RN. [Rassemblement national] Ce reproche sera grotesque mais il constituera, comme d’habitude, l’argumentation simpliste de ceux qui n’en ont pas d’autre. » Voyons donc pourquoi on l’accuserait, comme il en a déjà la fulgurante intuition en débutant son texte, « de penser et d’écrire comme le RN ».

Marine Le Pen agite encore la peur de "l'ensauvagement"...en vue ...
Bilger dit exactement la même chose que Marine Le Pen, en osant s’en défendre !

Pour commencer, il utilise le mot ensauvagement. Comme Gérald Darmanin, récemment, ministre de l’Intérieur macroniste en flagrant délit de racolage électoraliste sur les terres de l’extrême droite. « Dans son discours de rentrée, prononcé à Henin-Beaumont ce dimanche 8 septembre [2019], Marine Le Pen a consacré un long passage au thème de l’insécurité en appuyant sa démonstration sur de récents faits divers afin de dénoncer “l’ensauvagement progressif de la société”, dont l’immigration serait selon elle en grande partie responsable », résume le Huffington post. Et que fait très exactement Philippe Bilger ? Il égraine les faits-divers, en une interminable succession de 18 questions commençant par « Qui ». Exemples : « Qui a agressé et tué Philippe Monguillot à Bayonne parce que conducteur d’autobus exemplaire, il avait voulu faire respecter l’ordre et la loi ? Qui, sans permis, sous l’emprise de la drogue, récidiviste, a été responsable de la mort de la gendarme Mélanie Lemée ? Qui à Seynod a insulté et agressé des chasseurs alpins faisant tranquillement leur footing ? » Il ne s’arrête pas à des faits précis et enfourche à l’occasion des généralités aussi approximatives que zemmouriennes : « Qui multiplie les refus d’obtempérer, se soustrait aux interpellations de la police avec des conséquences souvent dramatiques que leur mauvaise foi et le soutien médiatique imputeront systématiquement aux FDO [forces de l’ordre] ? Qui dans les cités et les quartiers sensibles se livre au trafic de stupéfiants, terrorise les résidents honnêtes, empêche les interventions de la police ou n’hésite pas à exercer des violences de toutes sortes contre elle ? Qui tend des guet-apens aux pompiers et à la police ? » Rappelons à ce stade que penser et écrire comme le Rassemblement national (RN) est pour l’auteur de ces lignes un reproche « grotesque ». Mais qui se cache donc (surprise ?) derrière l’insistant « qui » de l’avocat général en retraite ? Au long de son énumération, alors que le suspense devient insoutenable, Bilger lâche un indice : « l’anonymat systématique concédé aux transgresseurs [laisse] présumer leur origine ». Anonymat, origine ? Bon sang mais c’est bien sûr : l’homme qui ne pense ni n’écrit nullement comme le RN nous assène sa réponse, sur le ton de l’évidence : « On comprendra que ces interrogations sont de pure forme puisqu’à tout coup la responsabilité incombe à des fauteurs d’origine étrangère, maghrébine ou africaine, parés nominalement de la nationalité française grâce à un droit du sol qui n’a plus aucun sens puisqu’on l’offre mécaniquement à des générations qui haïssent ce cadeau et dévoient cet honneur. Sans oublier les clandestins qui se glissent dans ces bandes ou participent à ces exactions. » L’on comprend que l’ancien magistrat, assis sur un baril de poudre et allumant la mèche, s’attend à recevoir « des tombereaux d’insultes » : il vient tranquillement de nous exposer que ce sont des personnes d’origine étrangère, avec l’utile précision qu’ils viennent du Maghreb ou de l’Afrique – entre parenthèses, le Maghreb EST en Afrique, Bilger pense donc « des Arabes et des Noirs » – sont responsables de ce supposé ensauvagement de la France. S’agit-il de tous les Arabes et les Noirs ? Est-ce justement parce qu’ils sont Arabes ou Noirs ? L’ignoble billet ne le précise pas.

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Philippe Bilger police le discours de Génération identitaire.

Après avoir censément établi que les Arabes et les Noirs ensauvagent la France, la plume de fiel de Bilger déplore : « L’infinie pudeur médiatique avec laquelle, dans neuf cas sur dix, on occulte les identités est la preuve la plus éclatante de l’écrasante domination de ces Français dans le tableau pénal national et dans les prisons, notamment en Île-de-France ». Il ose parler de preuve : qu’ « on occulte les identités » prouve que ce sont des Arabes et des Noirs. Quel dommage que « l’infinie pudeur médiatique » empêche les médias d’annoncer en titre des journaux : « Encore un fait-divers qui implique un Arabe ou un Noir » ! C’est le mot-clef (hashtag) en vogue dans la fachosphère sur Twitter : #OnVeutLesNoms. Bilger poursuit : « Le refus entêté d’authentiques statistiques ethniques est également un indice capital qui explique la répugnance de la bienséance à prendre la mesure d’une réalité qui démolirait ses préjugés et sa bonne conscience. » Discours typique, ici particulièrement ampoulé, des autoproclamés « briseurs de tabous » chers au camarade Sébastien Fontenelle, qui pourfendent le « politiquement correct » et « la bien-pensance » (souvent de « bobos ») et se répandent partout pour déplorer qu’on les empêche de s’exprimer !

Délinquance et immigration : amalgame, vraiment ? - Le Salon Beige
Enfin une presse affranchie de « l’infinie pudeur médiatique » !

« Est-ce à dire qu’il n’existe pas des voyous français de souche ? Assurément il y en a mais leur rareté est démontrée par le fait troublant que, si l’un d’eux est impliqué – une agression contre une mosquée à Bayonne par exemple -, on peut être sûr qu’on aura son identité complète, son âge, son passé judiciaire et sa structure familiale. Ces données sont si chichement communiquées dans les comptes rendus habituels qu’aucune hésitation n’est possible et l’appréciation quantitative vite opérée. » Et la question vite répondue ? Des Arabes et des Noirs, on vous dit ! On apprécie au passage l’estimation de la « rareté » des « voyous français de souche ». Un sur dix, à la louche du pyromane.

Steeve Briois, maire RN d’Hénin-Beaumont

Penser et écrire comme le RN ? Il faut décidément être d’une mauvaise foi abyssale pour le contester. « Qui ensauvage la France ? S’accorder sur le constat que je propose ne permettra pas de résoudre magiquement le problème lancinant causé par ces jeunes Français d’origine africaine ou maghrébine et ces étrangers en situation irrégulière (il va de soi que tous ne sont pas à stigmatiser dans ces catégories) [ouf !] mais au moins ne nous voilons plus la face. » D’accord avec la formation d’extrême droite sur un pseudo-constat (les Arabes et les Noirs coupables de tout), Bilger propose-t-il les mêmes « solutions » ? « On a trop longtemps refusé de répondre à cette interrogation, non pas à cause d’une quelconque incertitude mais parce que la vérité nous aurait encore plus confrontés à notre impuissance. Le désarroi d’une démocratie désarmée, répugnant à user de tout ce qu’elle aurait le droit d’accomplir, aspirant à l’ordre mais sans la force ! » Voilà qu’il appelle donc, comme l’extrême droite, à un durcissement de la répression. On se pince : les violences policières ne sont-elles pas déjà bien assez proliférantes ? Généralisons-les ! Systématisons-les. Contre l’ensauvagement, ensauvageons-nous !

Maréchal, la revoilà

« L’immigration légale n’est pas coupable mais la clandestine contre laquelle jusqu’à aujourd’hui on lutte mal, poursuit le juriste blogueur. Et, au sein de la première comme de la seconde, les délinquants déshonorant l’une et profitant de l’autre. » Pour être juste, notons ici un vrai désaccord avec le discours du RN, pour lequel toute immigration est « coupable ». Mais il est en réalité purement formel, puisque parfaitement incohérent : comment Bilger peut-il dénoncer « ces jeunes Français d’origine africaine ou maghrébine » et en même temps avancer que seule l’immigration clandestine – donc par essence composée d’étrangers, pas de Français – serait « coupable » ? Pourquoi écrire pareille ânerie ? Mais passons à la suite : « Les solutions pour combattre cette réalité, après en avoir pris acte sans barguigner, imposeront, outre un courage politique de tous les instants et une politique du verbe sans complaisance, expulsions et éloignements à un rythme soutenu, une action équitable dans sa rigueur, une police et une gendarmerie accordées avec une justice sans faiblesse, une exécution des sanctions efficace et réactive et, surtout, le retour des peines plancher sans lesquelles la magistrature ne tirera jamais assez la conséquence de certains passés judiciaires. » Traduisons : traque des sans-papiers, inhumanité de la séparation de familles, de l’expulsion de mineurs scolarisés, charters de la honte, durcissement généralisé et impitoyable de la répression… Voilà ce que propose Bilger pour lutter contre l’ensauvagement. Comme le RN. « Il conviendra de remettre en discussion, dans un débat honnête, sans excommunication, le droit du sol. » Voilà, il ne manquait plus que cela au catalogue des « solutions » de l’extrême droite, la remise en cause du droit du sol, qui veut que qui naît en France est Français. Bilger l’enfourche : « Envisager, aujourd’hui, dans une France éclatée, son effacement n’est ni inhumain ni contraire à une tradition dont les effets sont devenus dévastateurs. Ou alors continuons à révérer, contre vents et marées, celle-ci, et laissons l’ensauvagement de notre pays se poursuivre. Notre noblesse abstraite sera garantie mais non la sauvegarde de notre nation. On sait qui ensauvage la France. Ne fermons plus les yeux. Apeuré légèrement en commençant ce billet, je le termine en le jugeant nécessaire et, je l’espère, convaincant. » L’avocat-général en retraite s’imagine-il donc que ses lecteurs auront été convaincus que la violence de la société française sera réglée par une lutte sans merci contre l’immigration clandestine des Arabes et des Noirs et la remise en question du droit du sol, qui fabrique mécaniquement de futurs délinquants français nés de parents étrangers Arabes et Noirs ? Qu’il nous soit permis d’en douter, tant est grotesque ce parallèle caricatural entre violence et immigration, dont la démonstration repose exclusivement sur le fait que l’on ne cite pas les noms des criminels, pour ne pas révéler leur origine ethnique. Mais c’est le fantasme xénophobe basique. Que propage ainsi un éminent juriste, apportant sa caution intellectuelle à un discours raciste et semant ainsi des graines de guerre civile en France.

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