Déc 052020
 

Déjà inférieure au seuil de pauvreté, l’allocation devait tomber à moins de 700 € par mois en moyenne !

Conseil d’État, mon amour ? Réforme de l’assurance chômage : le Conseil d’État censure une des dispositions les plus dures, titrait Libération le 25 novembre dernier. Constatons aujourd’hui que l’affaire n’a pas produit beaucoup de bruit médiatique. Tout réside dans la hiérarchie de l’information. Ce qui fait les grands titres, qui suscite les débats et éditoriaux, ce qui est traité en bref et ce qui est passé sous silence. Force est de constater que l’islam, l’immigration et l’insécurité, savamment amalgamés ne serait-ce qu’allusivement – ou frontalement par les voix d’extrême droite qui possèdent leur rond de serviette sur les chaînes dite « d’info » – sont les thèmes largement privilégiés par les médias dominants, qui suivent ainsi l’agenda politique à la fois de Macron, des Républicains et de Le Pen. Amusant : c’est justement la nouvelle majorité parlementaire qui a fait passer la loi Sécurité globale. [Ce qui n’empêche pas Léa Salamé de continuer à faire passer Macron pour un « centriste », contestable conception de sa mission d’information sur le service public audiovisuel.]

Toujours est-il que la décision du Conseil d’État nous semble mériter davantage d’exposition – d’où ce billet. « La réforme de l’assurance chômage voulue par le gouvernement est injuste pour certains demandeurs d’emploi, résume Libération. Ce ne sont plus seulement les syndicats qui le disent, mais la plus haute juridiction de l’administration française. Le Conseil d’État a porté ce mercredi un coup majeur à ce texte, en annulant l’un de ses piliers jugé illégal : le nouveau mode de calcul du «salaire journalier de référence» (SJR). » L’affaire est un poil technique : « le calcul du SJR, dont découle le montant des indemnités versées, ne devait plus porter sur les seuls jours travaillés, mais aussi sur ceux non travaillés. Avec un effet immédiat pour les salariés qui enchaînent les contrats courts de manière décousue : selon une estimation de l’Unédic publiée à la mi-novembre, pas moins de 840 000 personnes, un nouvel allocataire sur trois entre avril 2021 et mars 2022, seraient concernées. Et verraient leur allocation baisser de 24% en moyenne, avec de grandes disparités selon les situations. » Réponse cinglante du Conseil d’État : «Le montant du salaire journalier de référence peut désormais, pour un même nombre d’heures de travail, varier du simple au quadruple en fonction de la répartition des périodes d’emploi au cours de la période de référence d’affiliation de vingt-quatre mois. (…) il en résulte, dans certaines hypothèses, une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard du motif d’intérêt général poursuivi (…) ces dispositions portent atteinte au principe d’égalité». Rien que ça ! Du simple au quadruple et ni Muriel Pénicaud, qui portait à l’origine la réforme, ni son Premier ministre Édouard Philippe, ni aujourd’hui Élisabeth Borne, actuelle ministre de la Chasse aux chômeurs l’Emploi, ni le locataire de Matignon Jean Castex, ni Jupiter à l’Élysée, Emmanuel Macron – dont la volonté personnelle est à l’origine de la réforme – n’ont pensé qu’il y aurait peut-être tout de même un léger problème avec le principe d’égalité ? Mais par qui sommes-nous donc gouvernés ?

Une réforme profondément antisociale

« Ca va être une tuerie » : si même la CFDT

Avec la réforme telle que la souhaitait le gouvernement, le montant de l’allocation des chômeurs (la petite minorité de ceux qui sont indemnisés seulement, puisque 63% d’entre eux ne touchent pas d’allocation) passera en moyenne de 902 € à 689 € net par mois. « Derrière ce chiffre, des disparités subsistent selon les catégories. Dans le premier décile, les demandeurs d’emploi touchent en moyenne 245 euros contre 1 585 euros pour le neuvième décile », précise La Tribune. Comment vit-on avec 245 € par mois ? Mais restons sur la moyenne, 902 € : elle est déjà inférieure au seuil de pauvreté (1 015 € ). Et la Macronie entendait la faire dégringoler encore, à 689 € ! Voilà qu’elle doit revoir sa copie. Grâce au Conseil d’État. Mais ce que ne remet pas en cause la plus haute juridiction administrative française est résumé par Libération : « Les autres dispositions principales du texte, à savoir une élévation du seuil à partir duquel il est possible d’ouvrir des droits et une dégressivité des allocations pour les salaires les plus élevés, ont en revanche été validées par la juridiction ». Sans se prononcer sur le second point, qui n’a au moins pas l’effet de précipiter des centaines de milliers de Français dans la pauvreté, à l’inverse de la baisse de l’allocation, le juge administratif suprême valide l’élévation du seuil. Qui privera d’autres centaines de milliers de chômeurs d’allocation, faute du droit à les percevoir – donc les condamne de facto à la misère.


La réforme de l’assurance chômage était censée représenter une économie de 4,5 milliards d’euros en trois ans. Le coût pour les finances publiques des réformes fiscales macronistes (transformation de l’ISF en IFI et flat tax) s’élève à 2,9 milliards d’euros par an. Soit, si nous comptons bien, 8,7 milliards en trois ans. Tout est affaire de choix politiques. Macron choisit de financer l’allègement de la contribution à l’impôt des riches par le sacrifice des précaires, dans une France qui compte dix millions de pauvres. Cerise sur le gâteau, « la Macronie a voté lundi soir une baisse de 11% du budget de l’aide alimentaire, s’indignait début novembre L’Humanité. En pleine épidémie, alors même que de plus en plus de citoyens ont faim. » De 72 millions en 2020 à 64 millions en 2021. Huit millions pris à l’aide alimentaire. Tout est affaire de choix politiques, bis.
Et vous l’aurez remarqué, cette information-là n’a pas elle non plus fait les gros titres. La réalité est pourtant bien visible et incontestable, chiffrée : Macron et ses sbires creusent les inégalités, enrichissent les fortunés et aggravent la pauvreté. Voilà le vrai « en même temps ». Le corps électoral gagnerait à en être plus clairement informé.

Muriel Pénicaud, ministre du Travail et Elisabeth Borne, ministre de la Transition
« Vous touchiez une misère, j’en suis fort aise ; eh bien crevez maintenant. »

PS : « La réforme de l’assurance-chômage fait suite à la promesse de campagne d’Emmanuel Macron d’ouvrir le droit aux allocations chômage aux salariés démissionnaires* et aux travailleurs indépendants », explique le site gouvernemental Vie publique. Leur ouvrir le droit aux allocations, très bien, a-t-on envie d’applaudir. Avant de constater comment la promesse est tenue : en distribuant des clopinettes de plus en plus réduites à un nombre de chômeurs toujours moins nombreux.
* finalement, ne riez pas, seulement pour 2,3% d’entre eux !

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Août 152020
 

Après les lieux clos recevant du public, le port du masque est désormais exigé même en extérieur, dans les rues les plus fréquentées, mais aucune mesure semblable ne concerne les entreprises, pourtant premiers lieux de contamination. Et l’on sanctionne un inspecteur du travail coupable d’avoir voulu protéger des salariés !

https://photos.lci.fr/images/1920/1080/la-chronique-eco-tous-masques-dans-les-entreprises-20200812-0845-5d4ab1-0@1x.jpeg
Tu rigoles ? On va pas embêter le Medef !

Pourtant, dans le recensement des foyers d’infection (ou clusters en anglais, comme il est très agaçant que les médias usent de ce terme jusqu’à plus soif), « plus d’un cluster sur cinq se trouve en entreprise », comme le titrent Les Échos. « Dans un contexte de recrudescence de l’épidémie de Covid-19, les entreprises apparaissent comme d’importants foyers de propagation du virus », écrit pudiquement le quotidien économique libéral, qui poursuit ainsi : « Les regroupements familiaux et amicaux ne sont pas les seuls responsables de la reprise de l’épidémie de coronavirus. Les entreprises sont montrées du doigt, alors que le nombre de clusters ne cesse de croître (91 nouveaux foyers hebdomadaires déclarés début août contre 65 fin juillet) ». L’article mentionne le chiffre de 22% de ces clusters concernant les entreprises, hors établissements de santé, sans évoquer les 78% d’autres foyers, et pointe vers le point épidémiologique de l’agence d’État Santé publique France en date du 6 août dernier. Qu’y lit-on en page 14 ? « Parmi les 609 clusters, le milieu familial élargi (plusieurs foyers) et les événements publics/privés rassemblant de manière temporaire des personnes restent les types de collectivités les plus représentés (21%), avec les établissements de santé (ES) (17%) et les entreprises hors ES (22%). » Non mais, sérieusement, qu’est-ce que c’est que cette façon de s’exprimer, en plaçant le pourcentage le plus élevé à la fin tout en faisant mine au début de commencer par celui qui est en tête (« les types de collectivités les plus représentés »)? Remettons la phrase dans le bon sens, rectifiée de ce qui apparaît objectivement comme une grossière tentative de manipulation sémantique : parmi les 609 clusters, les entreprises hors ES restent les types de collectivités les plus représentés (22%), avec le milieu familial élargi (plusieurs foyers) et les événements publics/privés rassemblant de manière temporaire des personnes (21%) et les ES (17%). C’est plus clair, mais Santé publique France refuse de l’écrire.

Masques coronavirus : une centrale d'achat pour les entreprises ...
Ben voyons… Et les masque gratuits, c’est pour quand ?

On ne le lira pas non plus dans Les Échos, dont nous reprenons l’extrait précité, qui apparaît dès lors particulièrement hypocrite : « Les regroupements familiaux et amicaux ne sont pas les seuls responsables de la reprise de l’épidémie de coronavirus. Les entreprises sont montrées du doigt ». Tu m’étonnes, Colette Aubert (journaliste qui signe ce papier) ! On les montre du doigt parce qu’elle représentent les foyers infectieux numéro un ! Le choix éditorial du titre laisse songeur : Plus d’un cluster sur cinq se trouve en entreprise plutôt que Les entreprises premiers clusters devant les regroupements privés ? Cela ressemble fort à un déni volontaire, presque un mensonge par omission. Et d’une façon générale, les médias dominants n’ont pas crié sur les toits que la première cause de contamination était celle d’aller travailler ! Deux poids, deux mesures, la santé d’un côté, l’économie et les profits de l’autre : auriez-vous imaginé un autre choix de la part du président des riches et de son équipe de sarkozystes libéraux, laquais du Medef, que celui de sacrifier les travailleurs sur l’autel des bénéfices et des dividendes ? Que compte donc faire le gouvernement, qui prétend lutter contre la pandémie sans se soucier des foyers d’infection les plus nombreux ? « Les consultations sur le port du masque en entreprise ont démarré », annonce le Journal du dimanche. Allons bon, une consultation. « Des discussions s’ouvrent dès ce vendredi [hier] avec les partenaires sociaux pour réfléchir à une adaptation des règles de protection en vigueur », précise l’organe appartenant à Arnaud Lagardère, qui ose même un assez incroyable « Le gouvernement a décidé d’accélérer le tempo ». En commençant à s’occuper mi-août de ce qui se passe dans les entreprises, où la règle n’a pas évolué depuis le 24 juin dernier ?

Muriel Penicaud, ministre du Travail, le 1er avril 2020, in Paris. (Photo d’illustration)
« Ce qui compte avant tout, c’est la santé des entreprises des travailleurs ! »
AFP/Ludovic Marin

Présentant alors la mise à jour du Protocole national de déconfinement pour les entreprises, la ministre de l’Exploitation du Travail d’alors, Muriel Pénicaud, assénait : « Le nouveau protocole qui entre en vigueur dès aujourd’hui tient compte de l’évolution de la situation sanitaire. Il est plus souple tout en maintenant une vigilance pour protéger les salariés comme les clients. La reprise de l’activité ne doit pas empêcher la prudence. Nous devons rester vigilants car le virus circule toujours. » Pour mieux tenir compte de l’évolution de la situation sanitaire, maintenir une vigilance pour protéger les salariés comme les clients et rester prudent car le virus circule toujours et ajoutons de plus en plus, on ne s’en est plus occupé depuis le 24 juin, dis donc !

La scandaleuse sanction de l’inspecteur du travail

Soutien à Anthony Smith - Home | Facebook
La pétition de soutien a recueilli près de 150 000 signatures.

Dans ce contexte, les macronistes envoient un signal clair aux fonctionnaires en charge de protéger la santé des travailleurs : on n’embête pas les entreprises pour des histoires de Covid ! « Un inspecteur du travail, accusé d’avoir désobéi à sa hiérarchie pendant le confinement, a été sanctionné par le ministère du Travail d’une mutation d’office, ont annoncé vendredi 14 août le ministère du Travail et une intersyndicale, qui réclame le retrait de cette sanction «particulièrement injuste», avertit Ouest France. Injuste ? « Les syndicats CGT, FO, FSU, Sud et CNT rappellent que l’inspecteur était suspendu depuis le 15 avril pour avoir exigé la mise à disposition d’équipements de protection individuelle (notamment des masques) et la mise en œuvre de mesures de protection contre la Covid-19 au bénéfice de salariées d’une association d’aide à domicile du bassin rémois. » En clair, Anthony Smith – c’est le nom de l’inspecteur du travail, par ailleurs syndiqué à la CGT – a été sanctionné pour avoir accompli sa mission de protection des salariés. Le ministère du Travail tente de justifier cette scandaleuse décision en prétendant que le fonctionnaire n’aurait « pas respecté le cadre de légalité qui s’impose au service de l’inspection du travail ». Tellement vague et jargonneux que ça sent la noyade de poisson à plein nez !« La direction du travail interdit désormais les contrôles inopinés dans les entreprises et les subordonne à l’autorisation de la hiérarchie, officiellement pour protéger les agents du coronavirus, protestaient les syndicats en soutien à l’agent alors mis-à-pied, le 16 avril, durant le confinement. Or, les masques sont inexistants dans la plupart des départements, ce qui limite considérablement l’activité d’inspection. (…) Alors que la situation exigerait des droits et des pouvoirs renforcés pour protéger les salariés, le ministère du Travail organise la paralysie et le court-circuitage de l’inspection du travail et l’empêche d’exercer ses missions en violation des règles de l’OIT [Organisation internationale du travail]. Dans le Nord, une inspectrice du travail a été dissuadée d’exercer un référé à l’encontre d’une association d’aide à domicile pour défaut de protection de ses salariés (port du masque, etc.). Le tribunal lui a donné raison la semaine dernière, contre l’avis de sa hiérarchie qui est allée jusqu’à intervenir directement auprès du tribunal, relèvent les syndicats. » Il s’agit donc bien d’une stratégie délibérée de la part de la direction de l’inspection du travail : les agents avaient le choix entre lui désobéir ou renoncer à protéger les salariés.

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Avr 302020
 

L’actualité nous fournit un exemple de choix pour alimenter notre recension de la rubrique Macron: des belles paroles aux actes contraires. Celui-là, on le voyait venir de loin, à partir du moment où il fut annoncé (par Emmanuel Macron lui-même : « Il n’y aura pas d’obligation du retour à l’école. Il faudra de la souplesse », « Ce sont les parents au final qui décideront ») que la reprise de l’école, fixée le 11 mai, se ferait sur la base du volontariat. Ça sentait l’entourloupe à plein nez. Bingo !

Muriel Pénicaud,  671 infractions au Code du travail à Business France, agence publique qu’elle dirigeait, aujourd’hui ministre du… Travail

« Le gouvernement espère que le nombre de parents indemnisés pour garder leurs enfants baissera significativement à partir du 11 mai, date de reprise progressive de l’école », nous informe L’Usine nouvelle. Comment éviter dès lors que trop de parents ne choisissent – « volontariat », nous serine-t-on depuis sept jours ! – de ne pas envoyer leurs enfants à l’école ? Tout simplement en les privant du droit au chômage partiel. Muriel Pénicaud, ministre du Travail, a tranché : il faudra fournir à l’employeur une attestation de l’école certifiant que l’établissement ne peut pas accueillir l’enfant.

Si l’on souhaite mettre en œuvre un réel volontariat, il faut donner les moyens d’exercer un libre choix. Sinon, c’est Tartuffe et compagnie. Or donc, si l’école est ouverte, le choix se borne pour les gens qui travaillent à y remettre son enfant ou à perdre tout rémunération (ou se débrouiller pour trouver une solution de garde).

La priorité gouvernementale est claire : dans la même phrase où Pénicaud annonce qu’il sera interdit de ne pas aller travailler pour garder les enfants – c’est à cela que revient la nécessaire attestation de fermeture de l’école -, elle ne s’empêche pas d’ajouter : « Mais il est important que les enfants puissent retourner à l’école ». Pour libérer les parents, ne précise-t-elle pas ici, mais on a bien compris : hop, tous au travail ! L’inénarrable Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, remet une couche en appelant un « maximum de Français à reprendre le travail ».

C’est ainsi que les écoles rouvrent, contre l’avis du Conseil scientifique, et le volontariat promis aux parents s’envole. Tartuffe, disions-nous.

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