
Gérald Darmanin, fringant ministre de l’Action et des Comptes publics (quel titre grotesque !), a été élu samedi matin maire de Tourcoing. Et il va cumuler ce mandat avec son ministère. Le Monde cite l’ancien sarkozyste : « Le président de la République et le Premier ministre m’avaient autorisé à être ministre et candidat. Ils m’ont autorisé, pendant un temps et vu les circonstances exceptionnelles » liées à l’épidémie de Covid-19, « à exercer ces deux fonctions », a déclaré le ministre de l’Action et des Comptes publics dans un entretien au Journal du dimanche. « Mais sans cumuler les rémunérations : je ne toucherai pas l’indemnité de maire », reversée à la Société protectrice des animaux (SPA), a-t-il précisé. » Nous voilà rassuré (et vaguement ému en pensant à nos compagnons à quatre pattes). Mais pour le reste, cumuler la charge d’une municipalité et d’un (grand) ministère ? « Exit la jurisprudence instaurée par Lionel Jospin en 1997 qui veut qu’un ministre ne peut pas diriger un exécutif local, commente Le Monde. Certes, il s’agit d’une règle non écrite – qui a souffert des exceptions, à gauche comme à droite (Jean-Yves Le Drian, Nicolas Sarkozy…) –, mais le Premier ministre l’avait réaffirmée en septembre 2019. » Les confrères oublient en revanche de rappeler que notre Sibeth Ndiaye nationale, au nom du gouvernement, est encore revenue de façon très résolue sur le sujet quatre mois plus tard, en janvier 2020.
Ouvrons Le Figaro : « La règle du non-cumul demeurera », a-t-elle prévenu, en réponse à la députée LR Véronique Louwagie. « On ne pourra pas être ministre et chef d’un exécutif local. Chacun aura quelques semaines pour se mettre en conformité avec cette règle définie par le chef du gouvernement. » Et d’insister : « Nous le devons à l’ensemble de nos concitoyens ». Comme c’est amusant, il était justement question du futur néo re-maire de Tourcoing : « Un message à l’attention de Gérald Darmanin ? « Elle a répété la règle déjà édictée par le Premier ministre. Ça ne visait pas Gérald Darmanin », élude-t-on à Matignon. » L’article cite également le ci-devant Darmanin lui-même : « Il n’y a pas de règle juridique mais il y a une règle politique. Même si j’ai été maire et ministre pendant sept mois, je crois qu’il n’est pas sain de cumuler les deux dans la durée. Je me plierai évidemment à la règle choisie par le président de la République. Ministre, c’est temporaire. maire, élu local, c’est l’engagement d’une vie, d’une ville.»
Finalement, le « Nous le devons à l’ensemble de nos concitoyens » de la porte-parole et la « règle politique » énoncée par le cumulard lui-même sont aujourd’hui oubliés, par la grâce, on vous le donne en mille, de la Covid-19. Et le président retourne sa veste, de même qu’Édouard Philippe. « On ne va pas changer un ministre aussi important et emblématique en ce moment, explique l’entourage du Premier ministre, interrogé dimanche matin par Le Monde. Les Français comprendront que dans les circonstances exceptionnelles que nous vivons, il ne faut pas déstabiliser l’équipe. » On adore ce « les Français comprendront ». Mais Covid-19 ou pas, le problème est surtout que les macronistes n’ont personne – il suffit de voir qui est ministre de l’Intérieur, ou porte-parole du gouvernement, ou encore Secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, pour mesurer l’absence criante de personnalités compétentes sur le banc de touche de cette équipe de bras cassés.