Partout où se rend le ministre de l’Intérieur, un comité d’accueil de citoyens en colère est présent pour le conspuer – il faut dire que le dossier du triste sire s’est singulièrement alourdi du fait de provocations répétées. Alors la police, dont il est le patron, met tout en œuvre pour faire taire la contestation, au mépris des libertés démocratiques fondamentales.

« Dimanche 26 juillet, c’est un énorme dispositif policier qui voulait empêcher toute forme de contestation à la présence du ministre de l’Intérieur Darmanin durant la cérémonie d’hommage à Jacques Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray, résume un collectif regroupant 10 organisations et associations : rues barrées, checkpoints, contrôles d’identité, carton d’invitation exigé, liste de personnes indésirables… Contrairement aux années précédentes, de nombreux habitants n’ont donc pas pu entrer librement sur le lieu de la cérémonie. Tout était mis en place pour empêcher l’expression de celles et ceux qui pensent qu’un homme accusé de viol ne devrait pas être au gouvernement, et encore moins chef de la police. (…) Cette colère féministe, qui a déjà été exprimée par des milliers de femmes et de manifestants un peu partout dans le pays depuis la nomination de Darmanin, a malgré tout pu se faire entendre : cris et pancartes ont accueilli les premiers mots du discours du ministre. Décidément, partout où Darmanin passe, il est attendu et contesté. Cela a évidemment fortement énervé ses gardes-chiourmes qui ont procédé à l’interpellation de onze personnes, dont quatre ont passé 24 heures en garde à vue au commissariat de Rouen. L’une d’entre elles est désormais poursuivie pour «outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique» et est convoquée devant le juge le 23 novembre prochain. Nous exigeons l’abandon de toutes les poursuites contre V. Les seuls délits commis dimanche 26 juillet sont le fait de l’État et de la police qui entravent désormais systématiquement le droit de manifester et de s’exprimer librement. C’est ainsi que lors d’un des rassemblements devant l’hôtel de police de Rouen pour exiger la libération immédiate des personnes gardées à vue, une quinzaine de soutiens a été contrôlée et verbalisée pour «tapage diurne». L’État et la police ne savent vraiment plus quoi inventer pour protéger ce ministre, dont le comportement sexiste et les propos homophobes sont pourtant désormais largement connus… quitte à piétiner sauvagement les libertés fondamentales. Cela n’est plus acceptable. C’est pourquoi les sept personnes retenues abusivement pendant plusieurs heures à l’hôtel de police ont décidé de porter plainte pour «atteinte à la liberté individuelle par une personne dépositaire de l’autorité publique». En effet, elles estiment avoir été maintenues illégalement dans ces lieux, en étant privées de leur liberté d’aller et venir, et sans avoir été avisées de leurs droits. »
La pétition, la « vie de jeune homme », « je m’étouffe »… Darmanin, démission !

Photo François Lo Presti/AFP
Rappel des faits : Gérald Darmanin, lorsqu’il était un jeune chargé de mission au service des affaires juridiques de l’UMP et un élu municipal à Tourcoing, a au moins en deux occasions sollicité – et obtenu – des faveurs sexuelles en échange d’une intervention de sa part. Pour demander auprès de la ministre de la Justice l’effacement d’une condamnation pour harcèlement envers un ex d’une adhérente de l’UMP et en échange d’un logement – voire d’un emploi – pour une autre femme. Sa défense consiste non à le contester, mais à arguer qu’il ne s’agit pas d’un « viol » au sens juridique du terme. Nous parlons-là de sa défense face à la justice, puisque vis-à-vis du public, et relayé ad nauseam et à l’unisson par toute la Macronie, il prétend n’être coupable de rien ! Au point de promouvoir une pétition en sa faveur : « Gérald Darmanin, jamais mieux servi que par lui-même, a relayé la pétition mise en ligne par Émilie Spriet, relate Marianne. “Vous êtes nombreux à m’adresser des messages de soutien ces derniers jours, je tiens à remercier sincèrement chacun d’entre vous. Aujourd’hui, une Tourquennoise a créé une pétition en ligne sur change.org, vous pouvez : la retrouver, la signer, la partager, la faire signer”, a-t-il écrit sur Facebook ce samedi. La pétition partagée par le ministre s’indigne « des calomnies et des acharnements injustifiés sur les personnes » et dénonce « le procès de rue dont est victime Gérald Darmanin« . “La présomption d’innocence, surtout quand trois décisions de justice consécutives concluent à une absence d’infraction dans la même histoire, est un principe fondamental de notre démocratie et de notre état de droit”. Toujours le même argument tarte-à-la-crème. Faisons un sort tout de suite à ces « trois décisions de justice » : le parquet, placé sous l’autorité hiérarchique du gouvernement, a classé sans suite une plainte pour « abus de faiblesse », un juge d’instruction, suivant la réquisition du même parquet, a prononcé un non-lieu sans même rencontrer la plaignante – et encore moins la confronter au ministre – et une cour d’appel a jugé que le recours exercé par Sophie Spatz, la femme qui demandait à ce que son casier judiciaire soit expurgé et a accepté une nuit de débauche en compagnie de Darmanin comme prix de l’intervention de ce dernier, était trop tardif. La Cour de cassation a jugé le contraire et la procédure est donc rouverte. Donc, ne restent plus que deux « décisions de justice » : le parquet qui classe une plainte sans suite et un juge qui se rend coupable d’un déni de justice en ne convoquant même pas la victime. Sachant que le trafic d’influence et l’abus de faiblesse sont prescrits – les faits datent de 2009 -, seule la qualification de viol pourrait valoir au premier flic de France condamnation. Mais cela n’efface pas sa culpabilité d’avoir abusé de sa position pour imposer des faveurs sexuelles en échange de services. En outre, les trois décisions invoquées par la pétition ne concernent pas « la même affaire », contrairement à ce qu’elle écrit, mais deux affaires distinctes. Et pour la deuxième – un logement contre une fellation, alors qu’il était maire de la ville, en 2015 -, une nouvelle plainte a été déposée par un collectif féministe, non plus pour « abus de faiblesse » mais pour « trafic d’influence ». « En l’espèce, on a trace qu’il a écrit à quatre bailleurs sociaux pour leur demander d’examiner le dossier HLM d’une femme », explique au micro d’Europe 1 Anaïs Leleux, présidente de « Pourvoir féministe ». « Le souci, c’est qu’elle dit qu’avant ça, il est venu chez elle et qu’elle s’est sentie obligée de lui faire une fellation. En dehors de la question du viol et de l’abus de faiblesse, si les faits sont avérés, si Gérald Darmanin a sollicité ou même accepté un rapport sexuel avant d’intervenir en faveur d’une citoyenne, il y a ce que l’on appelle trafic d’influence, corruption », estime-t-elle. »

L’article de Marianne précité, à propos de la pétition, révèle : « Émilie Spriet, qui a mis en ligne ce texte de soutien, n’est pas tout à fait une simple citoyenne de Tourcoing, croisée au hasard d’un marché. À lire le message posté sur Facebook par l’élu du Nord, c’est pourtant l’impression donnée. Son CV, posté sur Linkedin, présente en effet la mention « Adjointe de quartiers – Conseillère Municipale », fonction que la cheffe d’entreprise occupait depuis avril 2014. » C’est ainsi une co-listière du ministre aux dernières municipales qui a lancé la pétition. Autant dire que Darmanin l’a vraisemblablement encouragée : minable ! Comme cette déclaration dans La Voix du Nord : « c’est vrai, j’ai eu une vie de jeune homme ». Le fait d’être un jeune homme excuserait donc d’abuser sexuellement des femmes ? Mais cela, ses défenseurs feignent de ne pas le prendre en compte, comme ces 200 élus qui lui accordent leur soutien, toujours avec la bien commode présomption d’innocence : « Gérald Darmanin est un homme (…) dont l’action a toujours été guidée par le sens de l’État, de l’intérêt général et du service à ses concitoyens ». Éventuellement contre une petite pipe, ne précisent-ils pas. Face à eux, un collectif d’élues et responsables politiques (EE-LV, LFI, Génération.s, PS, PCF) proteste vigoureusement.

« Gérald Darmanin est présumé innocent, prennent-elles la précaution d’écrire, avant d’asséner : Mais comment justifier la promotion à l’Intérieur d’un ministre mis en cause dans une enquête préliminaire pour viol, harcèlement et abus de faiblesse et dont les avocats ne contestent pas les faits mais leur qualification pénale ? D’un ministère qui doit être celui de la protection des citoyennes face aux violences sexistes et sexuelles toujours aussi nombreuses ? (…) Au-delà des convictions politiques, nous, femmes responsables politiques, qui nous nous inscrivons dans la tradition républicaine et démocratique, dénonçons cette injure de trop, faite tout à la fois à l’exemplarité politique et, plus grave encore, à toutes ces femmes qui ont tant de mal à être entendues par les institutions policières et judiciaires de notre pays. »
Conversation secrète « de femme à homme »
Et qu’en dit au fond la grande muette de ce débat, la nouvelle ministre de l’Égalité femmes-hommes, Élisabeth Moreno ? Trouve-t-elle normal pour un élu de monnayer ses interventions contre des faveurs sexuelles ? « Tant que vous n’êtes pas condamné par la justice, vous êtes considéré comme innocent, botte-t-elle en touche, dans une interview du 19 juillet dernier. J’ai parlé avec M. Darmanin. J’ai eu une conversation de femme à homme avec lui. Je lui ai dit : « Il faut qu’on se parle là parce qu’on est dans la même équipe. Ton sujet va être un boulet à porter pour moi, il faut que tu m’expliques ce qui s’est passé. » Ce qu’il m’a dit me porte à le croire. Maintenant, je me mets aussi du côté des personnes dont j’ai la responsabilité, les femmes, et si jamais il m’a menti, j’en tirerai toutes les conséquences. » Qu’a donc bien pu lui dire Le-beau-Gérald, comme l’on pourrait surnommer un maquereau à Tourcoing, qui la « porte à le croire » ? Peut-être ce qu’il a déclaré sur Europe 1, repris et commenté par Libération: « Mardi, lors de son interview télévisée, Emmanuel Macron avait confié que Gérald Darmanin a été «blessé» par les attaques de celles et ceux qui contestent sa promotion au motif qu’il fait l’objet d’une enquête pour viol. Un bel exemple de victimisation de l’accusé que reprend à son compte le ministre de l’Intérieur ce matin sur Europe 1. «Je fais l’objet d’une calomnie. Je ne souhaite à personne d’être accusé à tort et je ne souhaite même pas à mon pire ennemi d’être victime de la chasse à l’homme dont je suis l’objet», se lamente-t-il. «Chasse à l’homme», le terme est lâché. Osé pour quelqu’un qui vient d’être nommé ministre de l’Intérieur et élevé au 7e rang du gouvernement. Puis il embraye sur l’air du complot politique. «Pour des raisons politiques – je vois Mme Dati, Mme Pécresse –, on cherche à affaiblir le gouvernement du président de la République, assène-t-il. Je me demande de temps en temps si on se rend compte de ce qu’on fait de l’honneur de quelqu’un.» Il parle d’honneur !

Peut-être aussi a-t-il complété son propos, face à la défenderesse gouvernementale des femmes, par ces paroles tenues au micro de Jean-Jacques Bourdin : « Je vous le dis les yeux dans les yeux. […] Je n’ai jamais abusé d’aucune femme et je n’ai jamais abusé de mon pouvoir. » Traduisons : simplement, mon sex appeal est tel que les femmes qui viennent me demander des services sont aussitôt prises de l’envie irrépressible de rapports sexuels ! Sans que je ne leur demande rien, pensez donc…
Crédible ?
L’indignité absolue
Un mot enfin de la scandaleuse provocation dont s’est rendu coupable Gérald-le-cowboy devant la commission des lois de l’Assemblée nationale ce mardi 28 juillet : « Quand j’entends le mot “violences policières”, personnellement je m’étouffe », a-t-il commis, pesant des mots, manifestement ravi de sa trouvaille.
« Alors que ces deux mots – les derniers prononcés par Cédric Chouviat, selon les constatations de l’IGPN – sont devenus le symbole des violences policières ayant conduit à la mort étouffée du livreur de 42 ans lors d’un contrôle routier le 3 janvier dernier, cette sortie du ministre a provoqué la colère de sa famille et de son avocat », rapporte Marianne. Et il est vrai que l’utilisation du verbe étouffer ne saurait être fortuite – le malheureux Chouviat, agonisant le larynx fracturé par des brutes, la répété à sept reprises, et Darmanin le sait pertinemment – et elle est inqualifiable, digne d’une sortie d’extrême droite. « C’est une expression française utilisée communément, comprise par tous, prétend « l’entourage du ministre », cité par LCI. Il n’y avait aucune arrière-pensée. Il ne s’agit en aucun cas d’un parallèle dans une affaire où des mises en examen ont été prononcées. » Foutage de gueule, quand tu nous tiens… « Les mots du nouveau ministre de l’Intérieur (Gérald Darmanin), qui évidemment ne peuvent être fortuits, ont profondément scandalisé et heurté la famille de Cédric Chouviat, rectifie le communiqué des avocats de famille Chouviat, mentionné par L’Obs.com. Chacun doit mesurer ce que disent ces propos du mépris et du cynisme du ministre de l’Intérieur pour les familles endeuillées ou meurtries par des violences policières. » Les flics les plus violents vont continuer de se régaler et ce virage gouvernemental à la droite de la droite laisse présager des heures bien sombres pour la démocratie à la sauce de la Macronie.