Depuis l’acte ignoble d’un jeune terroriste islamiste, les vannes sont ouvertes, d’où coulent à gros bouillons des flots de bêtise et de haine, comme s’il était engagé un concours parmi les politiciens de droite à qui dirait le plus n’importe quoi. Troisième et quatrième exemples.

Nicolas Dupont-Aignan, candidat à la présidentielle de 2017 ayant obtenu 4,7% des voix au premier tour, avant de se rallier à Marine Le Pen au second, est toujours là : il a même annoncé sa candidature pour 2022. Comme la présidente du Rassemblement national, celui de Debout la France n’a de cesse de surfer sur la xénophobie, à laquelle les djihadistes déroulent obligeamment le tapis rouge. Il prend ainsi directement prétexte de l’attentat à la feuille de boucher (abusivement rebaptisée « hachoir », alors qu’il s’agit plutôt, techniquement, d’un tranchoir), commis par un abruti criminel de 18 ans qui ignorait que Charlie Hebdo avait déménagé depuis la tuerie de 2015, pour justifier sa candidature : « Nos dirigeants ne comprennent pas que les islamistes nous ont déclaré la guerre. Je serai candidat, parce que cette démission de nos autorités depuis des années n’est plus possible, il n’y a aucune raison de subir ça. » Votez Dupont-Aignan contre l’islamisme et « la démission de nos autorités ». Bon. Cela, c’était le 26 septembre dernier. Mais ce qui nous intéresse ici date de la fin octobre, en réaction à la décapitation de l’enseignant d’histoire-géographie Samuel Paty : « Il faut mettre dans la Constitution la laïcité parce qu’en fait, la question majeure, c’est la laïcité. Est-ce qu’on respecte la laïcité française, c’est-à-dire que la loi de la République s’impose aux religions ? », a analysé NDA. Sa proposition est certes symbolique, mais pourquoi pas ? Les symboles peuvent aussi être importants. Mais patatras ! Article 1 de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». C’est bien la peine d’être énarque et député de l’Essonne depuis 23 ans si c’est pour ignorer l’article premier de la Constitution ! Franchement ?

« Le patron ex-LR des Hauts-de-France, qui veut se présenter à la présidentielle 2022, a estimé que la «meilleure façon» de prévenir un affrontement communautaire en France à court terme était «d’inscrire dans la Constitution ce qu’est notamment la laïcité», rapporte Libération en décembre 2019. Tu quoque*, Xavius Bertranus ? Ce poids lourd de la droite ignore donc lui aussi l’article premier de la Constitution. Parce que celui-ci ne fait pas qu’énoncer que la France est une République (notamment) laïque, il précise : « Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. » Qu’ajouter encore, dès lors, pour satisfaire Xavier Bertrand ? Réponse de Libération : « Sans expliciter ce qu’il voudrait voir mieux défini, l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy a tout de même évoqué «la question de l’égalité hommes-femmes, la dignité des femmes». Et ça tombe bien, car le même article 1 déjà en vigueur dit aussi : «La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales». Nous sommes donc alors en décembre 2019, mais Bertrand est indécrottable : « Si le droit ne protège pas, alors on aménage le droit », martèle-t-il le 18 octobre dernier, réclamant un référendum pour, on vous le donne en mille, « une modification de la Constitution sur certains points ». Concrètement ? « Xavier Bertrand veut notamment « créer de nouvelles sanctions judicaires pour ceux qui s’en prennent à la laïcité et aux valeurs de la République ». Il estime qu’il faut des lois beaucoup plus dures. Il souhaite « consacrer le principe de laïcité avec la même importance que l’égalité, la liberté et la fraternité ». Ainsi, en cas d’atteinte à la laïcité par des personnes étrangères, la sanction serait « l’expulsion immédiate ». Ah les djihadistes n’ont qu’à bien se tenir ! Soyons un peu sérieux. Et puisque le président de la région des Hauts-de-France fit partie des gouvernements Sarkozy, rappelons-lui l’œuvre de son maître d’alors en matière de lutte contre le terrorisme : « Mediapart a recueilli les témoignages de plusieurs membres de la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure), autrement-dit des renseignements français, résumait Politique.net en 2016. Tous affirment que la réforme du renseignement, portée par Sarkozy en 2008, est à l’origine des ratés de ces dernières années. (…) « On reproche à Sarkozy la perte de 60% de notre capacité de renseignement dans les banlieues [le rôle dévolu auparavant aux Renseignements généraux], résume un ancien de la DST. En gros, tout ce qui nous manque aujourd’hui, toutes ces failles que les médias pointent après chaque attentat, cela vient de là ! » Parce que lutter contre l’islamisme, ce n’est pas réclamer des référendums et exécuter des moulinets avec les bras, c’est travailler sur le terrain. Et quand on a failli à ce point, on devrait se taire.
*Tu quoque, mi fili : « toi aussi, mon fils », apostrophe prétendument lancée en 44 avant notre ère par Jules César à Brutus, au nombre des djihadistes conjurés qui l’ont assassiné de 22 coups de feuille de boucher couteau.